Mme Patricia Lemoine interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation actuelle des personnes atteintes de TSAF (troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale). Le TSAF est un syndrome qui survient chez une personne qui a été exposée à l'alcool pendant sa vie intra-utérine. Sous sa forme la plus grave, ce syndrome est reconnaissable par des signes physiques associés ainsi que par différents troubles qu'on appelle le SAF (syndrome d'alcoolisation fœtale). Ces troubles affectent le système neurocognitif et le comportement. Les TSAF peuvent engendrer des comportement inadaptés et dangereux (consommation de drogue, d'alcool, comportements sexuels inadaptés), un risque accru de comportement délinquant et de victimisation ainsi qu'une tendance à récidiver car les personnes atteintes du SAF ont des difficultés à percevoir les conséquences de leurs actes pour eux et pour les autres, à tirer des leçons d'erreurs passées ou à contrôler leurs pulsions. Selon une étude de 2004 aux États-Unis, 60 % des adultes atteints de TSAF non diagnostiqués ont déjà eu des problèmes avec la loi. Selon une étude canadienne de 2011, les jeunes atteints de TSAF risquent 19 fois plus de connaître un épisode d'incarcération et selon une seconde étude canadienne de 2015, 95 % des personnes atteintes du TSAF qui ont des démêlés avec la justice commettent leur premier délit avant 20 ans. En France, les TSAF sont la première cause de handicap non-génétique avec environ 1 % de la population affectée, soit 8 000 naissances chaque année dont au moins 800 porteurs du SAF. Le diagnostic des TSAF est toutefois très difficile. Aux États-Unis, sensibilisés bien avant l'Europe, on estime que 80 % des personnes atteintes ne sont pas diagnostiquées. Le diagnostic est pourtant essentiel afin de pouvoir accompagner et prendre en charge ces personnes. Le manque de diagnostic est un réel problème dans le cadre de démêlés avec la justice car les personnes atteintes de TSAF ne peuvent pas être interrogées ni subir un procès dans des conditions habituelles. Comme d'autres porteurs de troubles neurocognitifs, ils ont besoin d'adaptation car ils ont tendance à être impulsifs, ignorer le caractère répréhensible de leurs actes, avoir du mal à raconter les faits dû aux problèmes de mémoire et de logique, à affabuler ou à dissimuler leurs difficultés de compréhension, etc. Sans adaptation du parcours, ces personnes courent le risque d'être considérées à tort comme désinvoltes et/ou de faire de faux aveux. Face à cette situation, elle lui demande donc quelles mesures sont envisagées pour améliorer la situation des personnes atteintes de TSAF et améliorer la prévention et le diagnostic de ces troubles.
En France, la fréquence du syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF) est estimée à au moins 1 pour 1 000 naissances. D'après une étude publiée en 2018 par Santé publique France, environ une naissance par semaine fait l'objet d'un diagnostic de SAF, entrainant une hospitalisation durant le premier mois de vie. L'étude indique cependant que ces chiffres sont sans doute sous-estimés, compte-tenu de la difficulté à diagnostiquer ces troubles en période néonatale, et qu'ils n'incluent pas les diagnostics posés ultérieurement. Selon les données du Baromètre santé 2017, parmi les femmes interrogées, enceintes au moment de l'enquête ou mères d'un enfant de moins de 5 ans, 4 sur 10 ont déclaré ne pas avoir été informées des risques de la consommation d'alcool par le médecin ou la sage-femme les suivant ou les ayant suivies. 1 sur 10 a déclaré avoir consommé de l'alcool occasionnellement pendant sa grossesse. Ces résultats, même s'ils concernent une consommation occasionnelle, permettent de mieux caractériser l'enjeu de santé publique majeur que représente l'alcoolisation fœtale et de proposer des actions de prévention de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Chaque année, la journée mondiale du SAF le 9 septembre est l'occasion pour les pouvoirs publics et les associations de prévention en santé de rappeler, par différents vecteurs de communication, la recommandation de ne pas consommer d'alcool durant la grossesse. Depuis 2005, la loi impose l'apposition sur tous les contenants de boissons alcooliques d'un pictogramme ou d'un message sanitaire rappelant cette recommandation. Depuis 2019, le bilan prénatal de prévention permet d'aborder ce sujet avec un professionnel de santé, et depuis 2020, l'entretien prénatal précoce est devenu obligatoire, un des objectifs de cet entretien étant de repérer des vulnérabilités, notamment dans le champ des addictions. Il s'inscrit dans le cadre du chantier interministériel des 1 000 premiers jours de l'enfant et plus particulièrement du « parcours des 1 000 premiers jours », dont il constitue le premier moment clé, et intègre systématiquement une information sur les pratiques à risques (alcool, tabac et cannabis) pour la femme enceinte. Le site et le « livret des 1000 premiers jours » incluent également ces informations. Ces actions semblent porter leurs fruits : selon l'enquête périnatale de 2021, environ 3% des femmes déclarent avoir consommé de l'alcool durant leur grossesse. Néanmoins, ce chiffre est également à prendre avec précaution car la consommation d'alcool est souvent sous déclarée. L'action en faveur d'une meilleure information des femmes sur ce sujet reste un enjeu majeur, en lien avec les recommandations de l'expertise collective de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) relative à la réduction des dommages associés à la consommation d'alcool de 2021, comme celle de l'amélioration du diagnostic précoce et l'intégration dans un parcours de prise en charge des enfants nés avec ou développant des troubles causés par l'alcoolisation fœtale. Le ministre de la santé et de la prévention a fait de la lutte contre l'alcoolisation fœtale l'une des priorités de son action de prévention au cours de l'année à venir. Des actions de sensibilisation renforcée seront prochainement déployées en ce sens.
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