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Philippe Lottiaux
Question N° 1042 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 6 septembre 2022

M. Philippe Lottiaux appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la nécessité de mieux faire respecter le droit de propriété et l'ordre public face aux installations illicites de gens du voyage. Partout en France et particulièrement dans le département du Var, se multiplient en effet des installations sur des terrains privés ou publics, en méconnaissance totale de la propriété et de l'ordre public. La loi du 5 juillet 2000 permet aux maires des communes membres d'un EPCI compétent qui respectent leurs obligations d'aménagement d'aires d'accueil définies par le schéma départemental d'interdire le stationnement des résidences mobiles. Dans les faits, il est souvent difficile aux communes et aux EPCI de respecter ce schéma, notamment par manque de foncier utilisable, comme c'est le cas dans le Var, voire du fait d'exigences fortes des services de l'État quant à la localisation des aires. Les communes ou les personnes privées n'ont cependant pas à subir la violation de leur propriété du fait de ces situations fréquemment inextricables. En théorie, dans tous les cas de stationnement effectué en violation d'un arrêté municipal, le maire, le propriétaire ou le locataire du terrain occupé peut demander au Préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, mais seulement si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité, ou à la tranquillité publique. La loi du 7 novembre 2018 s'est contentée de doubler les peines encourues en cas d'installation en réunion et sans titre sur le terrain d'autrui (soit 7 500 euros). Toutefois ce renforcement, au bout de la procédure, est vain s'il n'existe pas d'une part un dispositif vraiment dissuasif et d'autre part une réelle application de la loi par les juges. Les propriétaires privés, qu'ils soient particuliers ou professionnels, sont ainsi démunis face à une administration et une justice qui ne les aident guère à faire respecter leurs droits, spécifiquement quand la mise en demeure n'est pas effectuée du fait du non-respect des obligations par la collectivité. Les voies de recours des propriétaires apparaissent même déséquilibrées au regard de celles dont disposent les gens du voyage pour continuer à occuper illégalement un terrain. Les propriétaires privés peuvent saisir en référé le juge judiciaire. Toutefois, cette procédure est lourde pour de nombreux propriétaires et la jurisprudence est souvent favorable aux gens du voyage. Or au-delà de la question du droit de propriété, l'installation illicite de gens du voyage sur un terrain est souvent très problématique pour un propriétaire et pour l'environnement immédiat du site : dégradations, branchements sauvages sur les réseaux d'eau et d'électricité ou amoncellements de déchets. Il apparaîtrait donc plus efficace et plus respectueux du droit de propriété qu'un constat d'huissier puisse automatiquement déclencher une injonction et l'intervention de la force publique. Il lui demande donc un état des lieux précis, sur l'année écoulée, du nombre d'occupations illicites de terrains par des gens du voyage, du nombre de mises en demeure demandées et exécutées par les préfets, du nombre de référés déposés par des propriétaires privés et des communes, ainsi que du nombre de décisions judiciaires favorables à une évacuation. Il lui demande aussi quels sont les projets du Gouvernement afin que le droit de propriété des collectivités comme des personnes privées soit plus facilement et plus efficacement défendu face à des occupations illicites de plus en plus nombreuses sur certains secteurs du territoire.

Réponse émise le 21 février 2023

Le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est prévu par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Il établit un équilibre entre, d'une part, la liberté d'aller et venir et l'aspiration des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes, et d'autre part, le souci des élus locaux et des riverains d'éviter des installations illicites susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et d'occasionner des troubles à l'ordre public. Les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage formalisent l'obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de créer, d'aménager et d'entretenir des aires d'accueil réservées aux gens du voyage. Lorsque la commune ou l'EPCI s'est dotée d'aires et terrains conformes à ce schéma, le maire ou le président de cet EPCI peut interdire le stationnement des gens du voyage en dehors des aires aménagées et, en cas de violation de cette interdiction, peut demander au préfet de département de mettre en demeure les gens du voyage de quitter les lieux. Lorsque cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effets, l'évacuation forcée des résidences mobiles peut alors intervenir dans un délai de 24 heures sous réserve de l'absence de recours devant le juge administratif. La mise en demeure reste par ailleurs applicable pendant un délai de sept jours et peut donc servir de fondement juridique à une nouvelle mesure d'évacuation forcée lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau en situation de stationnement illicite. Ainsi, en 2022, 666 installations illicites ont été constatées, 425 mises en demeure et 28 évacuations forcées ayant été recensées durant la période dite des grands passages (mai à octobre). Ces données peuvent être comparées à celles des années antérieures à la période de la crise sanitaire qui, en raison des mesures prises, a limité le déplacement des gens du voyage. Au titre de l'année 2018, 675 mises en demeure ont été recensées pour 22 mesures d'évacuation forcées exécutées pendant la période des grands passages contre 890 mises en demeure et 102 évacuations forcées en 2017. L'écart entre le nombre de mises en demeure et celui des évacuations forcées s'explique par le caractère dissuasif de la mise en demeure qui suffit généralement à convaincre les occupants de quitter les lieux sans qu'il soit nécessaire de requérir le concours de la force publique. Ces outils permettent donc d'améliorer la réponse administrative à des stationnements illicites, qui peuvent également être sanctionnés pénalement, l'article 322-4-1 du Code pénal réprimant le délit d'installation illicite en réunion sur un terrain communal ou privé et la loi du 7 novembre 2018 ayant augmenté les sanctions correspondantes qui sont désormais d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Enfin, ces dispositions pénales peuvent également servir de cadre à la répression des actes de destruction, dégradation ou détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage, leur réparation pouvant être recherchée par la constitution de partie civile du propriétaire du terrain dans le cadre de cette procédure. Une action civile en responsabilité du fait personnel peut également être introduite indépendamment de toute procédure pénale, en application de l'article 1240 du Code civil, en vue de l'obtention d'une indemnité compensatrice de la dégradation.

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