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Laurence Robert-Dehault
Question N° 1030 au Ministère des solidarités


Question soumise le 6 septembre 2022

Mme Laurence Robert-Dehault appelle l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la situation des familles subissant une perte de revenu en raison de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, en cette période de forte inflation. Elle s'interroge sur les raisons de la pérennité de cette réforme qui s'inscrit en rupture totale avec la philosophie qui a prévalu à la mise en place du système de sécurité sociale par le Conseil national de la Résistance. Les allocations familiales ont été imaginées comme des prestations universelles servies sans condition de ressources à toutes les familles ayant au moins deux enfants selon le principe d'une solidarité horizontale. Contrairement à l'impôt sur le revenu, les allocations familiales n'ont pas de vocation distributive. Ainsi, un foyer parisien de quatre enfants à charge, percevant un revenu annuel de 78 000 euros, verra le montant de ses allocations familiales diminuer de moitié, soit une perte de 3 150 euros par an. Ce sont ainsi plus de 270 000 foyers français qui se sont trouvés lésés. Il est aussi question des conséquences de cette modulation pour la classe moyenne, déjà affectée par l'abaissement du plafond du quotient familial. Cette injustice, fait courir un risque plus global de contestation du « modèle social français », d'autant plus en ces temps d'inflation. Revenir sur cette réforme apparaît d'autant plus nécessaire que la baisse générale et structurelle de la natalité dans nos sociétés européennes pourrait s'accentuer encore plus avec l'inflation constatée en 2022. Elle demande ainsi ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à cette situation aggravant la précarisation des classes moyennes.

Réponse émise le 24 janvier 2023

Après la revalorisation de droit commun du 1er avril 2022, permettant une première prise en compte l'inflation, une nouvelle revalorisation exceptionnelle de 4 % des prestations sociales et familiales, rétroactive au 1er juillet 2022, a été permise par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.  La prise en compte de l'inflation doit cependant être distinguée de la question de la modulation des allocations familiales. L'article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a posé le principe d'une modulation des allocations familiales en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants, selon un barème défini par décret. Cette modulation des allocations familiales a permis, tout en respectant le principe d'universalité, de préserver les ménages les moins aisés et les classes moyennes et de mettre en œuvre plusieurs revalorisations exceptionnelles du montant des prestations familiales au profit des familles modestes ou monoparentales, tout en poursuivant l'amélioration de la situation financière de la branche famille. C'est ainsi qu'a été mise en œuvre, sur la période 2014-2018, une revalorisation de 50 % du montant du complément familial pour la moitié des familles bénéficiaires de cette prestation et de 25 % des montants de l'allocation de soutien familial, destinée aux familles monoparentales (cette dernière prestation ayant à nouveau fait l'objet d'une revalorisation de 50 % au mois de novembre 2022 pour atteindre un montant de 184 € par mois et par enfant).  Toute famille peut toujours bénéficier des allocations familiales, quel que soit son niveau de revenu, à compter du deuxième enfant. La modulation ne touche qu'une faible partie des bénéficiaires des allocations familiales, puisque seuls 10 % environ des allocataires sont concernés. Cette modulation répond surtout à un objectif de justice sociale. Il s'agit bien de concentrer l'effort de solidarité nationale vers ceux en ayant le plus besoin, et de réduire les inégalités à deux niveaux : vertical, entre familles aisées et modestes ; horizontal, entre familles monoparentales et familles nombreuses. Les allocations familiales continuent ainsi de compenser les charges des familles et les aident à concilier vie familiale et vie professionnelle, ce qui permet à la France de présenter à la fois un des taux de fécondité les plus élevés de l'Union européenne et de bons résultats en termes d'insertion professionnelle des femmes et de lutter contre la pauvreté des familles et des enfants.

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