M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les risques que comporte le projet d'arrêté ministériel visant à fixer à zéro le quota de prélèvement de grand cormoran sur les eaux libres pour tous les départements. La prolifération du cormoran porte fortement atteinte à la biodiversité aquatique et à la ressource piscicole des plans d'eau et cours d'eau. Dans les années 70, il y avait en France moins de 1 000 cormorans. Leur population a explosé pour atteindre environ 100 000 individus en 2022. En effet, depuis 1979, les cormorans bénéficient au niveau européen du statut d'animaux protégés. De plus, les aménagements de nouveaux plans d'eau, soit pour la pisciculture, soit pour les loisirs, ont multiplié les écosystèmes très favorables à leur développement. Cette prolifération a un impact extrêmement important sur les populations piscicoles, les cormorans consommant environ un demi-kilo de poissons par volatile et par jour. La Moselle est particulièrement touchée par cette problématique du fait de ses nombreux plans et cours d'eau. Les cormorans y prélèvent un nombre conséquent de poissons, menaçant même certaines espèces de poissons protégés. Cet animal n'est donc plus en danger, comme l'indique les comptages annuels, mais il met en danger l'équilibre des écosystèmes aquatiques. La régulation par tir sur les eaux libres permet néanmoins de limiter son impact. Si le ministère de la transition écologique venait à retirer aux préfets la possibilité d'autoriser les tirs de régulation sur les cormorans, il favoriserait une prolifération et donc une prédation toujours plus importante de l'espèce vis-à-vis des populations piscicoles. Il porterait aussi fortement atteinte à l'activité des pêcheurs et des pisciculteurs, indispensable d'un point de vue économique mais aussi environnemental, puisqu'elle contribue largement à la préservation de la biodiversité. Afin de protéger la biodiversité aquatique et la ressource piscicole des plans d'eau et cours d'eau, il demande donc au ministre de la transition écologique de maintenir les tirs de régulation du grand cormoran sur les eaux libres et d'envisager des aides financières au niveau national pour la mise en place de dispositifs de protection efficaces contre ces oiseaux qui représentent parfois un véritable fléau.
Le grand cormoran figure sur la liste des oiseaux protégés au niveau national et bénéficie également d'une protection européenne au titre de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Il s'agit d'un oiseau piscivore autochtone en Europe, dont la sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et dont l'aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce qu'il soit protégé dans les années 1970. Le nombre moyen de grands cormorans hivernants a certes augmenté depuis que l'espèce est protégée, mais il se trouvait lors des premiers comptages nationaux menés dans les années 1980 à des niveaux extrêmement bas. En outre, ce chiffre est relativement stable depuis 2013, oscillant autour de 100 000 individus présents. Afin de contrôler ses impacts sur la pisciculture et sur les espèces de poisson protégées, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Il convient à la fois de ne pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, mais également de démontrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que le motif est justifié (en l'occurrence jusqu'alors pour prévenir les dommages aux piscicultures et dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels). L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. A ce jour, 15 arrêtés ont été annulés et 5 contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne justifient pas de la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, de l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées, ni de la mise en œuvre de solutions alternatives ; aussi les conditions de dérogation ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettent pas de justifier de l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction soit un nombre total d'individus autorisés à la destruction correspondant à plus de 24 % de la population hivernante recensée en janvier 2021. Si des études robustes étaient produites localement et démontraient l'impact du grand cormoran sur l'état de conservation des espèces de poissons menacées, l'arrêté 2022/2025 pourra être complété, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. Des discussions sont ainsi en cours entre mes services et la FNPF afin de construire un protocole solide et de définir des sites pilotes pour le mettre en œuvre. Les travaux ont notamment identifié quatre départements dans lesquels nous engageons d'ores et déjà les travaux pour documenter les impacts sur la faune aquatique. Plus généralement, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est pleinement engagé dans le maintien et la restauration de l'état écologique des écosystèmes aquatiques. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux d'importance, tels que la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, sont l'objet de toute l'attention du ministère.
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