M. Bertrand Bouyx attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la protection du bâti ancien patrimonial vis-à-vis du diagnostic de performance énergétique (DPE) actuel. Le DPE, classant les logements et bâtiments par étiquette (de A à G) en fonction de leur performance énergétique, se base sur un système unique de notation. Celui-ci a pour but d'identifier les passoires thermiques et d'ainsi répondre à la volonté du Gouvernement de lutter contre le dérèglement climatique. Les changements effectués concernant le modèle de calcul du DPE par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 et plus récemment par la loi « climat et résilience » du 22 août 2022 ont un impact considérable sur le bâti ancien. Cette catégorie de bâtiments, représentant un tiers du parc immobilier total, est assujettie à des normes de transition énergétique inadaptées à ce type d'architecture. Les solutions apportées jusqu'à présent face à l'enjeu de rénovation thermique ne sont pas en accord avec le bâti ancien, qui se voit imposer les mêmes contraintes que des bâtiments récents bien que possédant des caractéristiques lui étant propres, rendant l'opération souvent plus coûteuse et contraignante. Bien que la volonté poursuivie par le DPE ne soit pas ici remise en cause, cette situation suscite la crainte de voir une partie du patrimoine historique mise en difficulté plus que de raison. De plus, l'ajout pour les passoires énergétiques, catégorisées F-G du DPE, d'un audit énergétique depuis le 1er avril 2023 amène dans certains cas à des notes différentes sans que de réelles solutions énergétiques spécifiques ne puissent être proposées. Les professionnels du secteur proposent une potentielle adaptation du barème DPE pour les bâtiments anciens (ou la création d'un DPE patrimoine), ainsi que des recommandations énergétiques complémentaires telles que des états des lieux multicritères, afin de permettre la mise en adéquation des rénovations nécessaires suite au DPE et les spécificités du bâti ancien. Il souhaiterait connaître les évolutions prévues par le Gouvernement afin de permettre la mise en œuvre de moyens de rénovation adaptés vis-à-vis de l'isolation thermique des bâtiments anciens, ainsi que les avancées des travaux effectués concernant la norme européenne NF EN 16 883, sur la performance énergétique des bâtiments d'intérêt patrimonial.
Le ministère de la culture est particulièrement attentif à la conciliation des objectifs de transition énergétique et de conservation du patrimoine bâti, protégé ou non au titre des monuments historiques ou des sites patrimoniaux remarquables. De façon générale, les matériaux et les modes de construction utilisés dans le bâti ancien ont des qualités intrinsèques qui, sous réserve de quelques adaptations, contribuent à son efficacité énergétique. Le bâti ancien présente notamment des qualités thermiques en termes d'inertie des parois. Par ailleurs, le respect et la conservation des matériaux anciens (pierre, tuiles, bois…) répondent aux impératifs de sobriété et de réduction de la consommation des ressources naturelles et de la production de déchets. L'enjeu est donc de sensibiliser les acteurs de la réhabilitation à la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie d'un bâtiment et de ses usages pour éviter un recours systématique à certains dispositifs techniques, visant certes une efficacité maximale, mais parfois au détriment de l'intégrité matérielle du patrimoine culturel, qu'il soit bâti ou paysager. À cet effet, le ministère de la culture mène plusieurs démarches de front. À la suite de l'expérimentation, durant trois ans, du label Effinergie Patrimoine, les architectes du patrimoine et les architectes des bâtiments de France, sollicités comme experts, et les ingénieurs du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), qui gère le centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), travaillent à la rédaction d'un modèle type de diagnostic architectural et patrimonial adapté au bâti ancien. Le ministère de la culture a également soutenu au niveau européen la révision périodique de la norme européenne EN 16883 : 2017 « Conservation du patrimoine culturel – Principes directeurs pour l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments d'intérêt patrimonial » et un groupe d'experts « Performance énergétique » a été constitué par l'Association française de normalisation depuis le mois d'avril dernier, au sein de la commission française pour la normalisation de la conservation des biens culturels, pour travailler sur le premier projet de révision de cette norme européenne. Le comité technique européen CEN/TC 346 « Conservation du patrimoine culturel » a pris la décision au mois de mai dernier de revoir cette norme sur la proposition française. Ce processus s'inscrit dans la révision en cours de la directive européenne « Energy Performance of Buildings Directive » (2018), qui porte une attention toute particulière au patrimoine culturel et à la qualité architecturale et esthétique, en liaison notamment avec le Nouveau Bauhaus européen. Le ministère de la culture s'est engagé également dans un effort de formation de tous les acteurs, incitant ses réseaux professionnels à suivre par exemple les formations proposées de longue date par des associations, telles que Maisons Paysannes de France, sur l'amélioration thermique du bâti ancien (ATHEBA) ou la formation en ligne « Concervoir une réhabilitation énergétique responsable du bâti ancien » proposée au mois de mars dernier par le CEREMA (https://www.mooc-batiment-durable.fr/), qui a été suivie par plus de 5 000 participants. Le ministère de la culture souhaite associer à la conception de ces formations (initiale et continue) toutes les parties prenantes : organismes de recherche et de conseil, comme le CEREMA, réseau professionnel des architectes des bâtiments de France et des architectes du patrimoine, bureaux d'étude et organismes spécialisés (groupe de travail « Climat et patrimoine » du conseil international des monuments et des sites - ICOMOS France), associations de sauvegarde du patrimoine (Maisons Paysannes de France, Sites et Monuments, etc.), qui travaillent de longue date à la mise en place de conseils et de méthodes à destination des propriétaires privés et des collectivités territoriales. L'offre de formation à destination des diagnostiqueurs et des auditeurs est tout aussi essentielle pour permettre une prise en compte des spécificités du bâti ancien. L'arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification, publié par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047927747), est venu modifier l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification. Dans ce contexte, le ministère de la culture a été associé par le MTECT à la conception du mode d'évaluation des compétences des diagnostiqueurs, en particulier dans l'analyse du bâti ancien, dans la prise en compte de ses qualités et de ses spécificités en matière de performance énergétique et dans la typologie des travaux adaptés, en s'appuyant sur des études de cas. Les travaux proscrits par leur caractère invasif ou susceptibles de dégrader à terme le bâti ancien devront aussi être explicités dans ce contexte. La réduction des déchets, le respect des circuits courts de production, l'emploi de matériaux ayant fait leurs preuves sont des objectifs à partager. Le guide en vigueur pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique et des audits énergétiques, édité avec la collaboration du CEREMA, est également en cours de révision par le MTECT. Le ministère de la culture est associé à cette mise à jour, afin de prendre en compte les caractéristiques du bâti ancien et de rappeler l'intérêt de l'expertise de l'architecte des bâtiments de France dans les sites patrimoniaux pour les recommandations de travaux. Les deux ministères souhaitent également élaborer un portail Internet commun à destination des porteurs de projet, des élus et des diagnostiqueurs pour mettre en valeur les études techniques et les bonnes pratiques concernant la rénovation énergétique des bâtiments d'intérêt patrimonial, tout comme les offres de formation et les ressources méthodologiques existantes, tel que le guide « Adapter le bâti ancien aux enjeux climatiques », publié en 2022 par l'association AJENA avec le concours de la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté. L'adaptation des formations et la meilleure diffusion des ressources et de la méthodologie sont bien au cœur du plan d'action pour la transition écologique de la culture (2023) du ministère de la culture. Enfin, les dispositifs d'aides doivent être également actualisés afin de faire évoluer la liste des travaux éligibles, dans le sens d'une prise en compte des interventions respectueuses du bâti ancien.
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