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Charlotte Parmentier-Lecocq
Question N° 10041 au Ministère de la justice


Question soumise le 18 juillet 2023

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité d'élargir aux psychologues la dérogation au secret professionnel dont bénéficient les professionnels de santé en matière de signalement de violences conjugales. La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a permis au médecin ou à tout autre professionnel de santé de porter à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple, lorsqu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences, y compris sans l'accord de la victime, mais avec l'obligation de l'en informer. Cette mesure était nécessaire car les victimes de violences conjugales, souvent sous l'emprise de leur conjoint ou compagnon, se trouvent parfois dans un état de sidération voire de terreur et ne sont pas toujours en capacité de consentir. Toutefois, cette dérogation au secret professionnel ne vise que les professionnels de santé. Ce que les psychologues ne sont pas. Or, dans le cadre des consultations qu'ils effectuent, les psychologues sont amenés à recueillir les confidences de leurs patientes. Verbaliser le fait d'être victime n'est jamais aisé. Pourtant, cet exercice est facilité par l'essence même de la consultation en psychologie. Les psychologues se retrouvent ainsi souvent « en première ligne » car les patientes victimes de violences conjugales viennent souvent rechercher d'elles-mêmes un accompagnement auprès des psychologues (près de 70 000 en France). Aussi, elle souhaite savoir si, dans l'intérêt des victimes de violences conjugales, il envisage d'élargir cette dérogation au secret professionnel aux psychologues.

Réponse émise le 5 décembre 2023

La lutte contre les violences intrafamiliales est une des priorités du Gouvernement et de la politique pénale du ministère de la justice. Pour compléter l'arsenal législatif existant en matière de violences conjugales, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 a prévu la possibilité pour les médecins et les professionnels de santé de déroger, à certaines conditions, au secret médical. Dès lors, malgré le principe posé à l'article 226-13 du code pénal, ils peuvent procéder au signalement des faits auprès du procureur de la République, dès lors qu'il constate des sévices ou des privations, qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises à l'encontre d'une victime, sans que le consentement de la victime majeure ne soit nécessaire (article 226-14 3° du code pénal). Cette réforme a permis de mettre en œuvre des travaux inédits menés par un groupe de travail piloté par la Haute fonctionnaire à l'égalité femmes hommes du ministère de la Justice en étroite collaboration avec le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) et la Haute autorité de santé (HAS) qui a également publié des recommandations sur la prise en charge des violences conjugales en 2018. Tels qu'annoncés par la circulaire du 3 août 2020, ces travaux ont abouti à la rédaction d'un vadémécum destiné à accompagner les professionnels de santé confrontés à de telles situations et encadrant les modalités de transmission de ces signalements. Il est composé : - d'un modèle type de signalement ; - d'une notice d'utilisation de cette trame ; - d'une fiche présentant le circuit de traitement juridictionnel de ce signalement ; - d'une fiche listant les critères du danger et de l'emprise ; - et enfin d'un document précisant ces notions au regard des textes et de la jurisprudence. Ce vadémécum a été publié sur l'intranet de la DACG sur la page dédiée aux violences au sein du couple. Il a pour objectif de constituer un document de référence permettant aux procureurs de définir les modalités de collaboration qui leur semblent les plus adaptées aux spécificités locales, à l'occasion de rencontres avec les instances régionales et départementales de santé, qui sont indispensables à la mise en œuvre effective de cette mesure. Aux termes des dispositions du code de la santé publique (CSP), les psychologues ne sont pas reconnus comme étant des « professionnels de santé », catégorie regroupant les professions médicales (L4111-1 et suivants du CSP), les professions de la pharmacie (L4211-1 et suivants du CSP) et les professions d'auxiliaire médicaux (L4311-1 et suivants du CSP). Ils sont cependant tenus au secret professionnel dans le respect de l'article 226-13 du code pénal. En effet, le cadre légal posé par l'article 226-13 du code pénal prévoit qu'il est possible d'être soumis au secret professionnel soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. Conformément à l'article L. 121-6 du code général de la fonction publique, les psychologues appartenant à la fonction publique, en tant qu'agents publics, sont tenus au secret professionnel dans le respect des dispositions susvisées du code pénal. A l'instar des psychologues agents publics, les psychologues libéraux sont tenus au secret professionnel, au sens de l'article 226-13 du code pénal. Cette disposition s'applique par conséquent aux psychologues de manière générale, la Cour de cassation considérant de façon constante que la nature même de leur activité faisant d'eux des « confidents nécessaires », ils doivent être soumis à cette obligation (Crim. 28 octobre 2008, no 08-80.828 ; Crim. 26 juin 2001, no 01-80.456). S'ils se trouvent soumis à une obligation de respect du secret professionnel à raison de leur profession, les psychologues ne bénéficient pas de la faculté de levée du secret en matière de violences conjugales, dans les conditions fixées à l'article 226-14 3° du code pénal. En effet, la proposition de loi à l'origine de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 a visé uniquement les médecins et professionnels de santé et découle de travaux préparatoires ayant notamment impliqué le recueil de l'avis du Conseil de l'ordre national des médecins, sans échanges avec le corps professionnel des psychologues. L'extension de la levée du secret professionnel aux psychologues en matière de violences conjugales, dans les conditions fixées à l'article 226-14 3° du code pénal, impliquerait des échanges avec l'ensemble des corps professionnels concernés, parmi lesquels les différentes organisations de psychologues (associations, syndicats, organisations nationales, etc.).

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