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François Ruffin
Question N° 10030 au Ministère du travail


Question soumise le 18 juillet 2023

M. François Ruffin alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'insuffisance des suites pénales données aux procès-verbaux dressés par l'inspection du travail en cas de risque pour la santé et la sécurité des salariés. Avec 645 morts recensés en 2021, la France se classe parmi les pires pays d'Europe en matière de sécurité au travail. 2 morts par jour en moyenne et environ 2 000 accidents du travail avec arrêt chaque jour. Pour tenter de prévenir ces accidents du travail, les inspectrices et inspecteurs du travail effectuent des contrôles au quotidien partout en France. Et lorsqu'ils relèvent des manquements graves en matière de santé ou de sécurité des salariés, ils dressent un procès-verbal qui est ensuite transmis au procureur de la République pour que celui-ci engage des poursuites à l'encontre de l'employeur. Mais une fois entre les mains de la justice, ces PV ne sont pas suffisamment suivis d'effets. Le traitement judiciaire des accidents du travail est « un naufrage » selon la CGT travail, emploi, formation professionnelle (TEFP). En Seine-Saint-Denis, par exemple, ce syndicat a compté seulement un tiers de poursuite sur un total de 150 procès-verbaux dressés entre 2014 et 2020. Voici le décompte précis publié récemment par le magazine Santé et travail : sur ces 150 PV relevant des infractions à la santé ou à la sécurité, 43 seulement ont donc été - ou vont être - jugés et 7 autres font l'objet d'une alternative (ordonnance pénale ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Un autre tiers (51 PV) a été classé sans suite, dont un PV contre une entreprise qui avait refusé d'arrêter des travaux malgré un échafaudage non conforme. Un dernier tiers est toujours en enquête, comme ce PV relevé en 2016 après qu'une machine non conforme a causé de multiples fractures à un salarié. Pour la même publication dans Santé et travail, en Seine-Maritime, des inspecteurs du travail ont remonté la trace de 250 dossiers transmis à la justice entre 2017 et 2022. Au 1er janvier 2023, seuls 14 % de ces affaires ont fait l'objet de poursuites et 5 % d'alternatives (rappel à la loi ou régularisation à la demande du parquet). Près d'un quart (24 %) des dossiers ont donné lieu à un classement sans suite et 42 % font toujours l'objet d'une enquête, dont certains PV arrivant à la limite du délai de prescription de six ans. Et ce problème de l'insuffisance des suites pénales n'est pas nouveau ! Au point qu'en 2007, le ministère du travail a créé un Observatoire des suites pénales (OSP) pour recenser l'ensemble des procès-verbaux transmis à la justice, dans le but d'en améliorer le suivi. Mais aujourd'hui, ce recensement ne semble toujours pas effectif et en tout cas ces données ne sont pas publiques : est-il possible d'obtenir les chiffres de cet observatoire ? Alors que M. le ministre promet une loi « d'ici l'été » pour améliorer les conditions de travail, il lui demande s'il ne serait pas temps de se soucier des suites judiciaires données aux procédures engagées par les inspectrices et inspecteurs de son propre ministère, afin de réprimer effectivement les manquements à la sécurité des employeurs et ainsi mieux protéger les salariés.

Réponse émise le 14 novembre 2023

Les services du ministère sont pleinement mobilisés sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui constitue un des principaux axes du plan national d'action du système d'inspection du travail (SIT) 2023-2025 et fait l'objet d'un plan d'actions spécifique. A ce titre, une campagne nationale va se déployer sur la fin d'année 2023 pour prévenir et contrôler les risques liés à l'utilisation des équipements de travail mobiles et de levage (chariots, engins de chantiers et tracteurs), qui constituent la première cause d'accidents du travail mortels signalés par les inspecteurs du travail (IT). Dans chaque direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités, des relations institutionnelles sont entretenues avec les parquets pour échanger sur la politique pénale du travail et les procédures en cours. Dans ce cadre, les orientations du ministère du travail sont présentées et les points de vigilance des services d'inspection du travail sont rappelés, sans que cela n'interfère avec le pouvoir d'opportunité des suites du parquet. Par ailleurs, la modification de la procédure pénale et l'instauration de la cosaisine entre services d'enquêtes (police/gendarmerie – IT) a pour effet d'améliorer l'efficacité de l'enquête faisant suite à un accident du travail. Le développement de la transaction pénale, pouvoir délégué par les parquets aux directions régionales et départementales du travail, permet d'apporter une réponse rapide et efficace aux manquements constatés en matière de santé et sécurité au travail (hors accidents du travail). Dans ce cadre, en plus des amendes transactionnelles, des mesures de correction sont actées afin de prévenir les risques auxquels les travailleurs sont exposés. En outre, depuis 2016, les services déconcentrés du travail disposent d'un pouvoir de sanctions administratives notamment sur le champ de l'hygiène, de la santé et de la sécurité au travail, mis en œuvre sur la base des rapports des inspecteurs du travail. Enfin, des relations sont entretenues entre la direction générale du travail et la direction générale des affaires criminelles et des grâces afin de coordonner les politiques publiques déployées.

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