M. Guillaume Gouffier Valente interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la portée de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme en matière de cession amiable à une commune, à titre onéreux, de terrains destinés à l'élargissement d'une voie ou d'un trottoir, dans le cadre d'un projet qui fait l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme. Aujourd'hui, les besoins en équipements publics générés par nombre de projets immobiliers peuvent être financés au moyen de la taxe d'aménagement par le pétitionnaire d'un projet. Fréquemment pour ces projets, la commune qui délivre le permis de construire est intéressée par l'acquisition d'une bande de terrain appartenant au pétitionnaire en vue d'élargir une voie publique ou un trottoir, sans que cette bande de terrain n'ait d'ailleurs nécessairement fait l'objet d'un emplacement réservé au plan local d'urbanisme. Aussi, selon quelles modalités cette cession peut-elle intervenir au regard de la réglementation des participations d'urbanisme ? Les articles L. 332-6 et suivant du code de l'urbanisme listent limitativement les participations au coût de réalisation des équipements publics qui peuvent être mises à la charge d'un porteur de projet à l'occasion de la délivrance d'un permis de construire. Ce caractère limitatif exclut le recours à toute autre forme de participation non prévue par le code de l'urbanisme, y compris par voie contractuelle (CE, 16 janvier 1998, n° 91156). Une participation versée en dehors du cadre ainsi défini est réputée nulle et ouvre droit à répétition de l'indu (article L. 332-30 du code de l'urbanisme). L'article L. 332-11-3 permet certes la cession d'un terrain nu à une personne publique en vue de la réalisation d'équipements publics, par le biais d'une convention de projet urbain partenarial (PUP). Cette convention implique toutefois la définition d'un programme d'équipements publics, la rendant peu adaptée aux opérations pour lesquelles le paiement de la taxe d'aménagement suffit à financer les équipements publics envisagés ou aux opérations pour lesquelles un programme des équipements publics n'est pas aisé à définir. Dans ces situations, la signature d'une convention de PUP n'est pas l'outil adéquat pour régler la question de la cession de la bande de terrain. On rappellera par ailleurs que le dispositif de cession gratuite de terrain, tel qu'il figurait à l'ancien article L. 332-6-1 2° e) du code de l'urbanisme, a été déclaré contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, puis abrogé. À la suite de cette décision, le Conseil d'État a considéré que les cessions amiables gratuites de terrains conclues à l'occasion de la délivrance de permis de construire étaient dépourvues de fondement légal car nécessairement prises sur le fondement de ce dispositif abrogé (CE, 8 décembre 2021, n° 435492). Toutefois, le dispositif abrogé ne visait que les cessions gratuites de terrains imposées par une commune à l'occasion de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme et non les cessions de terrains nus à leur valeur vénale, librement consenties par le porteur d'un projet. En effet, une cession d'une partie d'un terrain nu à sa valeur vénale paraît envisageable dès lors qu'elle n'est pas imposée par la commune et que le porteur de projet n'est pas lésé dans ses droits en recevant un juste prix en retour. Aussi, afin de clarifier la situation, M. le député souhaite connaître la position de M. le ministre sur la possibilité qu'a un porteur de projet immobilier, au regard du droit des participations d'urbanisme, de céder à une commune une partie de son terrain nu à sa valeur vénale, dans le cadre d'un projet qui a fait l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme. S'il est considéré qu'une telle cession amiable peut intervenir, il souhaite connaître sa position sur les modalités de mise en œuvre : peut-elle être mise en œuvre en amont, dès l'obtention du permis de construire ou doit-elle être mise en œuvre postérieurement à l'achèvement des travaux.
La fiscalité de l'aménagement et le régime des participations d'urbanisme encadrent les conditions dans lesquelles les opérateurs de l'urbanisme (constructeurs, lotisseurs ou aménageurs et parfois propriétaires) contribuent aux charges d'équipements publics générées par le développement de l'urbanisation. L'ensemble de la fiscalité de l'aménagement a été refondu à l'occasion des réformes issues des lois n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 et n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Dorénavant, ce système repose strictement sur le caractère exprès et limitatif des taxes et participations d'urbanisme. En effet, l'article L.332-6 du code de l'urbanisme énumère de manière exhaustive les obligations auxquelles peuvent être tenus les bénéficiaires d'autorisations qui en relèvent. Les contributions d'urbanisme de nature fiscale sont donc limitativement constituées de la taxe d'aménagement et de la redevance d'archéologie préventive, le versement pour sous-densité ayant été abrogé par la réforme de 2020. A ces taxes peuvent s'ajouter ou se substituer des participations liées à une contrepartie : les contributions sectorielles ou alternatives à la taxe d'aménagement (projet urbain partenarial ou participation spécifique des constructeurs en zone d'aménagement concerté) et les contributions additionnelles (participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels). Aussi, les taxes et contributions de toute nature obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L.311-4 et L.332-6 du code de l'urbanisme sont réputées sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition (article L.332-30 code de l'urbanisme). Par ailleurs, le Conseil d'État a aussi précisé en 2021 (CE 6e ch., 8 décembre 2021, n° 435492, Sté Zohra) qu'aucune contribution autre que les taxes et participations d'urbanisme limitativement prévues par le code de l'urbanisme ne peut être, non seulement « exigée », mais aussi simplement « obtenue », de la part de constructeurs ou d'aménageurs. Cette interdiction concerne aussi d'éventuels accords de gré à gré (cession de terrains ou d'offres de concours) même proposée spontanément par un constructeur ; la cession gratuite de terrains nécessaires à la réalisation d'une voie publique ne peut donc être acceptée par la commune (Jean-Philippe Strebler RDI 2022 p.250). Ainsi, au titre de la contribution aux charges d'équipement public aucune « cession gratuite » de terrain, y compris pour la réalisation de voie publique, ne peut être mise en œuvre à l'occasion d'opérations de construction ou d'aménagement. Il en est de même pour les cessions amiables à titre onéreux incluses, par une prescription au regard des participations d'urbanisme, dans l'autorisation d'urbanisme dès lors qu'elles ne sont pas prévues par des dispositions législatives et qu'aucun cadre législatif ne définit les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ni ne garantit qu'aucune atteinte ne soit portée au droit de propriété. En conclusion, en l'état du droit un porteur de projet immobilier ne peut céder une partie de son terrain à une commune - gratuitement ou à sa valeur vénale, et même de manière librement consentie - au titre de sa contribution aux charges d'équipement public dans le cadre d'un projet qui a fait l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme.
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