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François Ruffin
Question N° 9525 au Ministère auprès de la ministre des solidarités


Question soumise le 4 juillet 2023

M. François Ruffin interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées pour savoir quand il va contraindre les prévoyances privées à revaloriser les pensions d'invalidité. C'est un détournement invisible de l'argent public qu'a signalé à M. le député Yann, qui habite Abbeville : « Je suis en invalidité. Le montant retenu pour le calcul des prestations correspond à mes allocations Pôle emploi, que je percevais quand j'étais au chômage avant d'être déclaré invalide. Soit 13 468,50 euros par an, donc 1 122,37 euros par mois. La pension d'invalidité du régime de base étant de 911,73 euros, le montant versé par l'organisme de prévoyance est de 210,64 euros pour compléter ce que verse la Sécu. Seulement voilà, lorsqu'il y a une revalorisation décidée par l'État, on ne touche rien de plus ! Car si la Sécu augmente bien sa part, la prévoyance réduit la sienne, pour que ça ne dépasse pas le plafond. Prenez par exemple une revalorisation de 4 %, comme en juillet 2022 : la part sécu passe à 948,20 euros et la part prévoyance diminue pour être de 174,17 euros. Et moi je reste à 1 122,37 euros de pension, pas un sou de plus, malgré l'inflation. Les 4 % sont donc ponctionnés à la source par les organismes de prévoyance et ne vont pas aux invalides ! Et c'est la sécu qui paye ! » D'autres personnes en situation de handicap témoignent de leur désillusion quant à ces fausses revalorisations sur les forums du site Ameli : « C'est comme si la sécu permettait à l'AG2R de faire des économies. Cela revient à verser la revalorisation directement à l'AG2R. Le but de la revalorisation est bien d'aider les gens et non les assurances prévoyance ! » « Avec la prévoyance Klesia, c'est exactement la même chose : ce que l'État donne est déduit de la prévoyance donc moralité l'inflation profite aux régimes de prévoyance ». « Je suis dégoûtée, la sécurité sociale m'a augmenté de 30 euros et la MG m'enlève 42 euros par mois, c'est du délire ». Lorsque Yann a demandé des explications à sa prévoyance, il a reçu ce mail laconique : « Nous vous informons que chaque année votre régime de base procède à une revalorisation de votre prestation, cela a pour conséquence une diminution du versement effectué par le Groupe Agrica ». Selon le Centre technique des institutions de prévoyance, « après un recul de 3,4 % en 2020, les cotisations s'inscrivent en progression de 8,3 % à 14,1 milliards d'euros en 2021. Soit une hausse de 4,5 % par rapport à 2019, année avant covid ». Tout va bien pour les prévoyances. Et on s'attend à des chiffres encore meilleurs suite aux fameuses « revalorisations » de 2022. M. le député demande à M. le ministre s'il trouve normal que ce qui est appelé « revalorisation » soit en réalité capté par les assurances privées. Il lui demande s'il va imposer aux prévoyances privées de jouer le jeu en maintenant voire en augmentant leurs prestations pour que les assurés bénéficient d'une véritable revalorisation.

Réponse émise le 24 octobre 2023

Le montant d'une rente complémentaire d'invalidité est librement défini par les parties. Cette rente, généralement calculée comme un pourcentage d'un salaire de référence, vise à garantir à l'assuré un revenu global de remplacement, déduction faite des indemnités journalières de la sécurité sociale. Les conditions de revalorisation de la rente complémentaire d'invalidité sont généralement prévues par le contrat. Toutefois, l'opportunité de conclure de telles stipulations relève de la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ainsi, il revient aux partenaires sociaux de prévoir une telle revalorisation dans les accords de branche ou d'entreprise et au souscripteur d'en négocier les modalités avec l'organisme complémentaire de son choix. Par conséquent, afin de vérifier les conditions de revalorisation prévue dans leur situation, les assurés sont invités à consulter :  - les éventuelles stipulations prévues par la convention collective de leur branche professionnelle de rattachement, des conditions de revalorisation y sont souvent mentionnées ; - à défaut de stipulations conventionnelles, consulter la notice d'information de leur contrat qui indiquera si la rente complémentaire doit être revalorisée et le cas échéant dans quelles conditions. A noter, enfin, que la présence de telles clauses, si elle peut paraître souhaitable, peut entraîner mécaniquement une augmentation de la cotisation. Il revient donc aux partenaires sociaux ou aux souscripteurs d'en analyser l'opportunité lors des négociations conventionnelles et contractuelles.

1 commentaire :

Le 23/02/2024 à 15:32, Citoyen éclairé a dit :

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Bonjour Monsieur RUFFIN,

Je me permets de faire une réponse qui peut éclairer la situation.

La plupart des personnes en invalidité ont vu le contrat de prévoyance qui leur était opposable au moment de la mise en invalidité résilié, de même lorsque le contrat de travail est rompu suite à la mise en invalidité deuxième catégorie.

Ces éléments sont primordiaux car tout le reste en découle.

Suite à cette résiliation ou cette rupture du contrat de travail, l’article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques dite loi EVIN s’applique :

« Lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement.

L'engagement doit être couvert à tout moment, pour tous les contrats ou conventions souscrits, par des provisions représentées par des actifs équivalents. »

A l’article 10 de cette loi, il est indiqué : « Les articles 2, 4, 7, 9 et 31 sont des dispositions d'ordre public et s'appliquent quelle que soit la loi régissant le contrat. »

Les dispositions de l’article 7 de cette loi étant d’ordre public, aucune clause contractuelle ne peut lui faire échec.

Le contrat résilié ne produit plus ses effets, la garantie prévoyance ne se suffit pas en elle-même indépendamment du contrat résilié.

Le législateur de 1989 a entendu déconnecter pleinement le droit à prestations de la survie du contrat d’assurance.

Le « différé » (les revalorisations constituent des prestations différées) qu’autorise l’article 7 de la loi ÉVIN a pour objet les prestations et non les garanties, ces dernières restant de mises pendant la seule période de validité du contrat collectif.

La différence entre prestations (pension d’invalidité complémentaire par exemple) et garanties est déterminante car presque toujours les contrats de prévoyance prévoient des garanties en cas de sinistre. Lesquelles garanties sont limitatrices dans le sens où ces dernières sont revalorisées à un taux inférieur à celui de la Sécurité Sociale.

La notion de revalorisation ne doit pas être confondue avec celle de « révision » évoquée par le texte de l’article 7 de la loi EVIN. Le législateur vise ici les cas de révision de rentes en cas de modification de la situation d’invalidité, d’incapacité, de départ à la retraite, de remariage du conjoint survivant ou d’entrée d’un orphelin dans la vie active.

De plus l’article Article L912-3 Code Sécurité Sociale prévoit les revalorisations des prestations en cours à la suite d’une résiliation de contrat.

La position du Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP), la Fédération Française des Assurances (FFA) et la FNMF confirme ce droit à revalorisation en cas de cessation du contrat de prévoyance (https://fromont-briens.com/newsletters/Position_assureurs.pdf).

La question a posé est la suivante : « Malgré les dispositions législatives mentionnées ci-dessus, pourquoi certains assureurs continuent à appliquer des clauses contractuelles d’un contrat résilié qui ont les effets pervers que l’on connait et qui vont à l’encontre de l’essence même de l’article 7 de la loi EVIN ? »

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