M. Carlos Martens Bilongo interroge Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, sur la nécessaire reconnaissance de la date du 27 octobre 1940, correspondant à la publication du Manifeste de Brazzaville par le général de Gaulle. Cet évènement revêt en effet une importance majeure. Dans la continuité de l'appel du 18 juin 1940 et par ce manifeste, le général de Gaulle affirme à nouveau la volonté de la France libre de continuer le combat, en s'appuyant sur le ralliement presque achevé de l'Afrique équatoriale française (AEF) préparé dès le mois de juillet 1940 et il annonce la création du Conseil de défense de l'Empire, structure à la base des combats à venir. Ce Conseil de défense de l'Empire est composé du général Catroux, de l'amiral Muselier, du général de Larminat, des gouverneurs Eboué et Sautot, du colonel Leclerc, du médecin général Sicé, du professeur Cassin et du révérend-père Georges Thierry d'Argenlieu. Un extrait de ce manifeste permet d'en saisir la triple portée : « Cédant à une panique inexcusable, des dirigeants de rencontre ont accepté et subissent la loi de l'ennemi. Cependant, d'innombrables preuves montrent que le peuple et l'Empire n'acceptent pas l'horrible servitude. Des milliers de Français ou de sujets français ont décidé de continuer la guerre jusqu'à la libération. Des millions et des millions d'autres n'attendent, pour le faire, que de trouver des chefs dignes de ce nom. Or il n'existe plus de gouvernement proprement français. En effet, l'organisme sis à Vichy et qui prétend porter ce nom est inconstitutionnel et soumis à l'envahisseur. Dans son état de servitude, cet organisme ne peut être et n'est, en effet, qu'un instrument utilisé par les ennemis de la France contre l'honneur et l'intérêt du pays. (...) J'exercerai mes pouvoirs au nom de la France et uniquement pour la défendre et je prends l'engagement solennel de rendre compte de mes actes aux représentants du peuple français dès qu'il lui aura été possible d'en désigner librement. Pour m'assister dans ma tâche, je constitue, à la date d'aujourd'hui, un Conseil de défense de l'Empire. Ce Conseil, composé d'hommes qui exercent déjà leur autorité sur des terres françaises ou qui synthétisent les plus hautes valeurs intellectuelles et morales de la Nation, représente auprès de moi le pays et l'Empire qui se battent pour leur existence. J'appelle à la guerre, c'est-à-dire au combat ou au sacrifice, tous les hommes et toutes les femmes des terres françaises qui sont ralliées à moi. En union étroite avec nos Alliés, qui proclament leur volonté de contribuer à restaurer l'indépendance et la grandeur de la France, il s'agit de défendre contre l'ennemi ou contre ses auxiliaires la partie du patrimoine national que nous détenons, d'attaquer l'ennemi partout où cela sera possible et de mettre en œuvre toutes nos ressources militaires, économiques, morales, de maintenir l'ordre public et de faire régner la justice. Cette grande tâche, nous l'accomplirons pour la France, dans la conscience de la bien servir et dans la certitude de vaincre. » La triple portée du texte est d'abord le refus de reconnaître toute légitimité au gouvernement de Vichy, de donner ensuite à la France libre une légitimité institutionnelle et territoriale, avec Brazzaville comme capitale, et enfin de marquer la volonté du général de Gaulle de continuer le combat en s'appuyant sur l'Empire et les Alliés. Ce manifeste donne en effet une structure légitime à la France libre à l'échelle internationale et coupe les prétentions de Vichy à s'arroger l'Empire autant que sa capacité à discuter avec Londres. La mission du Conseil de défense est bien précisée à l'article 2 du manifeste : il s'agit de maintenir la fidélité à la France, de veiller à la sécurité extérieure et à la sûreté intérieure, de diriger l'activité économique et de soutenir la cohésion morale des populations des territoires de l'Empire. Il est incontestable que ce manifeste est une étape capitale dans la stratégie du général de Gaulle de résistance, de défense des intérêts français et de la constitution des forces nécessaires à la libération de la patrie. Aussi, il souhaite savoir ce qu'elle entend faire pour permettre la juste reconnaissance de la date du 27 octobre 1940 et de la publication du Manifeste de Brazzaville.
L'ensemble de l'action du général de Gaulle et des résistants est célébrée chaque année, le 18 juin, à l'occasion de l'anniversaire de son appel de Londres. À cette occasion, une cérémonie au Mont-Valérien, présidée par le président de la République, rappelle l'action héroïque de la France libre et de son chef. Le manifeste de Brazzaville est à relier à l'appel du 18 juin 1940. Il est une première application de la volonté du chef de la France libre de continuer le combat en s'appuyant sur l'Empire et les Alliés. Le texte de ce manifeste est aisément consultable par tous sur le site internet du réseau Canopé du ministère de l'éducation nationale et de jeunesse. La commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, présidée par Monsieur André Kaspi, avait mené une étude à la demande du Gouvernement sur les commémorations nationales et présenté ses conclusions en novembre 2008. Selon le rapport de la commission, « les commémorations publiques ou nationales sont trop nombreuses. Elles atteignent aujourd'hui le nombre de 12, soit deux fois plus qu'en 1999. Leur nombre pourrait encore augmenter dans les années à venir. Ce qui entraîne une désaffection et une incompréhension de la part d'une très grande majorité de la population, un affaiblissement de la mémoire collective, des particularismes qui vont à l'encontre de l'unité nationale ». À l'époque, les membres de la commission avaient suggéré que seules « trois dates devraient faire l'objet d'une commémoration nationale : le 11 novembre pour commémorer les morts du passé et du présent, le 8 mai pour rappeler la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 juillet qui exalte les valeurs de la Révolution française. Bien entendu, dans toute la mesure du possible, les commémorations nationales seront intégrées dans le processus de la construction européenne ». Par ailleurs, cette instance de réflexion avait proposé que « les autres dates ne seraient pas supprimées. Elles deviendraient des commémorations locales ou régionales. De temps à autre, elles revêtiraient un aspect exceptionnel, comme ce fut le cas en 2004 pour les débarquements alliés de 1944 ». Interrogé par un parlementaire sur les conclusions de ce rapport, le Gouvernement avait d'emblée écarté l'idée d'une hiérarchisation des commémorations nationales, prélude à la disparition d'un certain nombre d'entre elles. « S'il est nécessaire de veiller à éviter la multiplication du nombre de création de journées nationales - six nouvelles dates créées entre 1999 et 2003, il n'est toutefois pas dans les intentions du Gouvernement de supprimer une commémoration quelle qu'elle soit » [1]. Le Gouvernement n'entend donc pas remettre en cause le calendrier commémoratif tel qu'il se présente actuellement. [1]: Question écrite Assemblée nationale n° 35881 de Monsieur Liebgott Michel ; Ministère interrogé : Défense et anciens combattants ; Question publiée au JO le 25/11/2008, page 10087 ; Réponse publiée au JO le 03/02/2009, page 1041.
1 commentaire :
Le 14/08/2023 à 15:24, Aristide a dit :
Étant donné que le pouvoir a décidé de légitimer le gouvernement de Vichy, il a décidé de jeter à la poubelle le manifeste de Brazzaville, qui va clairement à l'encontre de la légitimité du gouvernement de Vichy.
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