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Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 16 novembre 2022 à 21h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Après l'article 7

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Madame Le Pen, en dehors du fait que les dispositions régissant un fichier judiciaire relèvent du garde des sceaux – vous aurez l'occasion de lui en parler, puisqu'un texte sur la justice sera bientôt transmis à votre assemblée –, cet amendement pose trois problèmes.

Tout d'abord, vous avez rappelé à juste titre que sont inscrites au Fijais des personnes condamnées, ou des personnes en attente de jugement si, devant des faits graves et concordants, le magistrat instructeur croit devoir prendre cette mesure de précaution. Or, en créant à l'article 7 le délit d'outrage sexiste et sexuel, nous l'avons rendu passible d'une AFD, mesure que vous avez soutenue. Les magistrats n'ont pas à connaître des AFD ! Vous auriez été plus cohérente en réclamant, comme vos collègues socialistes, que l'outrage sexiste et sexuel soit un délit simple, ce qui aurait donné la possibilité au magistrat d'en inscrire l'auteur au Fijais.

Ensuite, vous avez eu raison de faire remarquer au rapporteur que les peines les plus courtes entraînant l'inscription au Fijais étaient non de cinq mais de trois ans. Reste que je n'apprendrai pas à l'avocate que vous êtes la différence entre une peine de prison et une amende. Peut-être, de même que M. Taverne, jugez-vous cette amende insuffisante, ce qui constitue une opinion tout à fait respectable ; mais même si l'amendement n° 794 avait été adopté, il n'entraînerait pas l'inscription au Fijais des auteurs d'outrage sexiste, sauf à réformer ce fichier dans lequel ne peuvent actuellement figurer que des personnes condamnées à des peines de prison. Au demeurant, sans doute faudra-t-il le faire ; ce n'est pas l'objet de ce texte. Vous auriez fait preuve de cohérence si au moins l'un des amendements émanant du Rassemblement national avait prévu une peine de prison pour les auteurs d'outrage sexiste.

Enfin, madame Le Pen, vous n'ignorez pas que l'inscription au Fijais est susceptible d'entraîner autre chose qu'une surveillance et qu'elle exclut de certains emplois. Un maire, par exemple, n'a pas le droit d'embaucher un inscrit au Fijais dans une école, ou pour occuper n'importe lequel des innombrables postes au contact d'enfants qu'offrent les collectivités locales. À coup sûr, le Conseil constitutionnel estimerait disproportionné le fait que quelqu'un qui n'a pas été condamné à une peine de prison, qui n'a pas même comparu devant un magistrat instructeur, qui n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire prévue en cas de délit classique, puisqu'il a reçu une AFD, se voie interdire d'exercer son métier.

Encore une fois, votre intention est admissible : vous faites de la politique, chose bien normale dans cette enceinte. Cependant, indépendamment du dialogue que vous devrez avoir avec la Chancellerie – dialogue susceptible de déboucher sur quelque chose si chacun se montre constructif –, cet amendement, qui s'apparente à de la politique politicienne, est un coup d'épée dans l'eau. Ces petites discussions ne servent pas la cause du respect des femmes.

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