. – Les thermographies infrarouges donnent simplement une indication des différences de température entre les zones soumises à examen, mais pas leur température exacte. Ces caméras permettent toutefois de démontrer, par exemple, l'absence d'isolant. Des organisations sont, par ailleurs, en train d'émerger des projets CEE SEREINE, qui sont une forme de calorimétrie inverse permettant de mesurer la performance du bâtiment à la livraison, avec une charge thermique dont on voit comment elle se dissipe dans le bâtiment. Le temps nécessaire à un tel essai a été ramené à une journée. Ceci procède d'un partenariat que nous avons noué avec les différents acteurs académiques, Saint-Gobain et l'École des Mines. La mesure de la performance est un sujet qu'il faudra financer. La question rejoint ainsi la problématique initiale du coût. En l'absence d'accompagnement, le projet n'a pas d'objectif, si bien qu'il est difficile de mesurer quoi que ce soit. Si l'on a en revanche réussi à mettre en place une gestion de projet permettant d'identifier pour chacun des acteurs la dépense qu'il va réaliser pour obtenir un niveau de performance attendu, le sujet prend tout son sens dans la mesure où il devient possible de vérifier si la performance a été obtenue ou non. Aujourd'hui, le coût affiché est généralement le coût global de la rénovation. Imaginons que vous rénoviez la toiture de votre maison : ceci suppose d'installer un échafaudage tout autour du bâtiment, de remplacer les tuiles, de changer ou d'installer des isolants. Dans ce cas, seul l'isolant sera, dans le montant total de la rénovation, susceptible de donner droit à des aides. Pourtant, sans échafaudage, il aurait été impossible de poser les isolants. La question est de savoir s'il faut aller plus loin et prendre en compte le coût global ou seulement celui du produit isolant.
Je pense, par ailleurs, comme je l'indiquais en introduction, qu'il faudrait réfléchir à ces problématiques de rénovation à l'échelle européenne, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à présent. Les financements représentent des montants très importants. Si on les fait supporter par les seuls individus, le retour sur investissement est très faible, comme ceci a été souligné à plusieurs reprises : il faut plusieurs décennies pour amortir les sommes investies. J'avais, pour ma part, poussé au niveau européen, dans les années 2008-2010, l'idée que les États nations accompagnent et financent eux-mêmes ces rénovations et qu'un loyer soit ensuite payé par ceux qui en ont bénéficié, calculé sur la moitié de l'économie effectuée. Dans ce système, l'État récupérait tout ce qu'il avait investi à la mutation. Jean-Yves Le Déaut avait repris cette idée sous le terme de « viager énergétique », formule que je trouvais pour ma part assez peu enthousiasmante.
Le sujet éternellement oublié est celui des externalités : les personnes qui vivent dans des bâtiments énergétiquement précaires sont aussi celles qui génèrent le plus de dépenses de santé publique. 19 milliards d'euros sont dépensés chaque année pour la qualité de l'air intérieur, évaluée par rapport à six polluants seulement. Il faut appréhender une situation dans sa globalité, ne pas se pencher uniquement sur le volet énergétique, mais considérer aussi les dimensions sanitaires et de confort. La rénovation énergétique d'une barre d'immeuble grâce à une isolation par l'extérieur peut sembler intéressante, car ceci est également gage d'une meilleure performance acoustique ; mais c'est compter sans la réémergence, la plupart du temps, des bruits intérieurs, qui ne sont désormais plus couverts par les bruits urbains environnants, ce qui crée un vrai problème social. Ceci plaide en faveur d'une vision globale, permettant de montrer que des économies significatives peuvent être réalisées par l'État, notamment en termes de santé publique, et qu'un autre mode de financement est possible.
Je suis enfin assez inquiet que l'on n'ait pas abordé l'idée, promue par l'Ademe, de se doter d'une vision industrielle définissant les types de solutions que l'on va promouvoir à une échelle réellement industrielle. Il n'existe aujourd'hui aucun acteur français de la ventilation ayant une dimension comparable à celle des acteurs internationaux que l'on peut rencontrer au Japon, en Corée ou aux États-Unis. Ce sont uniquement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) : la France ne dispose pas de très grands groupes sur ces sujets. De multiples solutions techniques ont été développées, que nous avons contribué à évaluer en recherche. Il n'est pas normal qu'aucune décision n'ait été prise. On aurait par exemple pu décider qu'une pompe à chaleur haute température pour la rénovation d'un bâtiment haussmannien ne devait pas, pour bénéficier des aides, avoir un prix d'achat supérieur à 8 000 euros. Il y a quelques années, une pompe de ce type coûtait près de 20 000 euros. Ceci témoigne d'un vrai problème à la fois de solutions industrielles qui n'ont pas été définies et d'accompagnement. Je pense que la logique européenne nous imposera, étant donné les enjeux énergétiques actuels et à venir, de réfléchir à une révision de cette problématique de rénovation et de ne pas considérer seulement les solutions à l'échelle française.