. – Ma réponse concerne également le DPE. Je pense important de rappeler ce pour quoi cet outil a été imaginé au départ et de mettre ceci en regard du poids que l'on fait aujourd'hui peser sur lui. Il s'agit à la base d'un outil d'information et de sensibilisation des ménages, qui devait être largement déployé pour que chacun puisse avoir facilement une idée de la situation de son logement, voire de son bâtiment, puisque ceci existe aussi pour le tertiaire, même s'il n'est pas concerné par la réforme. La première étape a consisté à faire évoluer le DPE pour le renforcer, le fiabiliser, ce qui est normal. Mais on y adosse désormais énormément d'éléments de contrainte réglementaires et d'aides financières. Est-ce le bon outil pour cela ? En effet, s'il présente un coût plus modeste qu'un audit énergétique complet et est donc susceptible d'être largement diffusé, il n'est qu'un outil simplifié d'évaluation thermique du bâtiment, d'où les écarts parfois constatés d'un diagnostic à l'autre, en plus des problèmes de méthode de qualification des diagnostiqueurs. Ceci conduit parfois à des surprises lorsqu'un nouveau DPE est réalisé après des travaux de rénovation. En effet, la méthode s'appuie sur des choix parfois éloignés de la réalité physique des réalisations, d'où il résulte que l'on ne retrouve pas nécessairement dans le résultat du diagnostic la traduction des travaux de rénovation entrepris. Ceci amène à se demander si le DPE doit rester le pivot central de notre politique de rénovation énergétique, choix qui prévaut actuellement, avec les problèmes que l'on connaît.
La mesure de la performance après travaux est aujourd'hui peu courante. Ce serait pourtant un vrai levier, qui obligerait l'ensemble des acteurs intervenant sur le projet à se mettre en ordre de marche pour que les travaux atteignent l'objectif fixé. Nos labels n'obligent pas à une mesure de la performance réelle, mais nous demandons en revanche que soit effectué un test d'étanchéité à l'air, qui a un coût modeste et oblige à regarder si l'isolation fonctionne ou pas et à apporter les correctifs nécessaires s'il existe un écart trop important entre les résultats du test et les attentes. Le projet SEREINE a également été cité, qui propose une méthode pour simplifier à terme l'évaluation de la performance ; il mérite d'être regardé et certainement déployé assez largement.
Dans tous les cas, ce qui permet in fine d'atteindre réellement les résultats escomptés dans le cadre de projets engagés par des particuliers (lesquels ne sont pas, par définition, des maîtres d'ouvrage professionnels) réside essentiellement dans la notion d'accompagnement. Ceci pose à nouveau la question de la qualification et de la formation des accompagnateurs, dont on doit s'assurer qu'ils remplissent correctement leurs tâches jusqu'au bout. Des recherches et de nombreux retours d'expérience ont concerné depuis une dizaine d'années des projets accompagnés notamment par les collectivités, lorsque l'accompagnement est conséquent, débute dès la phase préalable aux travaux, avec la formulation de préconisations techniques, une aide au choix des entreprises, le montage financier du dossier, et se poursuit durant les travaux et jusqu'à la réception : les tests effectués a posteriori montrent que ce type d'accompagnement permet d'obtenir des résultats très cohérents par rapport à ce qui avait été projeté. Ceci témoigne du rôle essentiel de l'accompagnement des ménages et, de façon générale, des maîtres d'ouvrage.
Ceci me permet de reboucler avec la question du service public, précédemment évoquée. Le service public est inscrit dans les textes législatifs depuis la loi de transition énergétique pour la croissance verte et a subi depuis lors beaucoup d'évolutions. Il a été monté sur la base d'un certain nombre de structures associatives, dont les ALEC, qui ont permis que ce service public existe. Il est aujourd'hui dans une phase de transition, puisque son pilotage national a été basculé de l'Ademe vers l'Anah à compter de l'année dernière, sous le nom de France Rénov'. Une question se pose toutefois quant au modèle adopté et à ce que l'on entend lui faire porter. Ce service public est aujourd'hui co-financé au travers des certificats d'économies d'énergie et des collectivités territoriales, qui abondent au moins pour 50 %, souvent plus. La pérennité du financement n'est toutefois pas assurée, ce qui ne permet pas de le déployer à la hauteur de ce qu'il devrait être, ni d'embaucher et de former les conseillers de façon optimale. Se pose périodiquement la question de l'avenir de ce système, du devenir et de la rémunération des quelque 1 400 conseillers répartis sur le territoire. Il existe un réel besoin de stabilité dans le temps. Il importe également d'assumer véritablement le fait d'avoir inscrit l'existence de ce service public dans la loi, en lui allouant les moyens nécessaires à son bon fonctionnement.
Nous menons depuis trois ans une expérimentation sur la rénovation énergétique performante des bâtiments et espaces patrimoniaux, dans toute leur ampleur et leur diversité. Les premiers résultats montrent que des solutions existent, bien que souvent plus complexes à mettre en œuvre que pour les bâtiments classiques et avec un coût inhérent à leur faible développement actuel. Une grande partie de la solution viendra de la capacité à faire dialoguer le monde de la thermique avec celui du patrimoine, qui ont aujourd'hui tendance à s'ignorer gentiment, ce qui conduit à des réglementations qui exemptent généralement tout sujet de rénovation des bâtiments patrimoniaux, alors que ceci apparaît pourtant comme une nécessité pour être à terme au rendez-vous que nous nous sommes fixé. Je me tiens à votre disposition pour en discuter et vous présenter ces résultats plus en détail si vous le souhaitez.