. – Il me semble trop tôt pour juger des effets de la LPR. Je rejoins en revanche le propos de M. Davi, car j'ai connu au cours de ma carrière de chercheur de grands mouvements de balancier en termes de financement de la recherche. Au début de ma carrière, au CNRS, les laboratoires travaillaient avec des dotations récurrentes pour leurs travaux de recherche. À la fin de ma carrière, au cours de laquelle j'ai notamment créé et développé un laboratoire pendant 18 ans, j'avais plus le sentiment d'être chercheur d'or que chercheur. Je pense que ces évolutions sont totalement néfastes au maintien de communautés scientifiques performantes, quelles que soient les disciplines concernées. Sans être aussi radical que vous au sujet de l'ANR, je constate que les grands appels à projets consolident les communautés de recherche importantes. Or, dans notre domaine, la granulométrie, y compris de la loi de programmation, ne parvient en général pas à ce niveau. Le financement des travaux du CNRS se faisait souvent au travers d'actions de recherche coordonnées ou d'actions thématiques programmées, qui permettaient finalement de soutenir des communautés de recherche dans des domaines jugés essentiels. Certaines de ces actions concernaient le bâtiment. Or tout ceci a disparu. Je pense qu'il faudrait revenir à des financements plus équilibrés entre les dotations directes aux équipes, que nous avons connues par le passé, et les grands appels à projets qui prévalent aujourd'hui, avec toutefois des taux de réussite faibles, que ce soit au niveau de l'ANR ou à l'échelle européenne. La situation est très difficile pour les petites communautés scientifiques, qui n'ont pas accès à ces projets, mais sont pourtant essentielles au regard des enjeux actuels. On observe ainsi aujourd'hui une diminution drastique des équipes travaillant en France sur nos sujets, car les chercheurs – mécaniciens des fluides, thermiciens, économistes, sociologues, etc. – vont ailleurs, où l'herbe est plus verte, et se consacrent à d'autres thématiques que celles du bâtiment.
D'importants travaux de recherche ont été menés sur les isolants, permettant de réduire les épaisseurs. Ceci est essentiel notamment en milieu urbain : vouloir ajouter une couche d'isolant de 10 cm à l'intérieur d'un logement parisien n'est pas un bon calcul. Diverses solutions ont ainsi été travaillées, autour par exemple du développement d'isolants sous vide ou de l'intégration de gels de silice, qui ont des performances intéressantes, peuvent être utilisés soit en projection, soit en panneaux, et sont d'une épaisseur jusqu'à dix fois inférieure aux isolants classiques. Sans doute y a-t-il de bonnes idées à creuser dans ce domaine. La solution n'est certainement pas unique. Il faut proposer des palettes de possibilités. Les chercheurs doivent travailler en ce sens. Ensuite, le passage d'une preuve de concept à un produit nécessite que des industriels prennent le relais.
Des solutions existent, en nombre, mais j'insiste sur le fait qu'il ne faudrait pas assujettir le lancement d'une grande opération nationale de rénovation à l'aboutissement des travaux des chercheurs, qui ne sont, par définition, jamais achevés.
J'éprouve une grande satisfaction à voir émerger des solutions qui ont été travaillées dans les laboratoires voici 25 ou 30 ans et sont aujourd'hui à la disposition des professionnels. Il faut que ce travail et cette dynamique se poursuivent, de sorte que la recherche continue à proposer des solutions techniques et méthodologiques pour les décennies à venir. Je pense que nous avons aujourd'hui suffisamment d'outils pour entreprendre des rénovations de très bonne qualité sans attendre de disposer des techniques qui ne seront au point que dans plusieurs années.
La France est aujourd'hui considérée comme l'un des pays d'Europe qui investit le plus dans la rénovation. Le taux de couverture des investissements publics y est, me semble-t-il, d'environ 14 % des coûts de rénovation, ce qui nous place dans le peloton de tête. Un rapport européen que je lisais récemment mettait toutefois l'accent sur l'absence de contrôle de la performance à l'issue des rénovations. L'évaluation in fine est une démarche normale pour un scientifique ; je pense que ceci est absolument nécessaire si l'on veut réussir une rénovation globale et éviter les problèmes que vous mentionniez.