. – Mon intervention va s'articuler autour de trois points : un état des lieux incluant les mesures économiques, le rôle des entrepreneurs et enfin les axes de réflexion actuellement à l'œuvre au sein de la FFB.
La stratégie française bas carbone vise 700 000 rénovations par an. Nous en sommes aujourd'hui à 70 000 à 80 000 maximum. Il existe donc un écart important à combler. Nous estimons que la problématique centrale aujourd'hui est celle du retour sur investissement. J'ai beaucoup apprécié les propos invitant à associer rénovation énergétique et confort des occupants. Nous savons en effet que la réalisation de travaux peut être intrusive pour des particuliers. La question du coût est majeure. Plusieurs études montrent que le coût d'une rénovation oscille entre 40 000 et 70 000 euros par logement, pour un gain de l'ordre de 1 500-1 600 euros par an sur la facture énergétique du ménage. Ainsi, MaPrimeRénov', qui concerne les ménages les plus modestes, fonctionne surtout avec les bailleurs sociaux, qui y voient un effet d'aubaine, et assez peu dans le privé. Cet environnement économique me semble un élément important à prendre en considération, car il peut constituer un frein à la rénovation.
Plusieurs pistes sont envisageables pour tenter de remédier à cette situation. Peut-être faudrait-il par exemple mettre en place, en plus de MaPrimeRénov', des crédits d'impôt à l'intention des ménages moins précaires. Il a aussi été question de la rénovation énergétique : nous sommes évidemment favorables à la rénovation globale, mais celle-ci coûte très cher et l'idée d'un passeport en plusieurs étapes se succédant au fil des années serait intéressante, d'une part au niveau économique, d'autre part pour permettre aux ménages de programmer certains travaux de rénovation intérieure, particulièrement intrusifs.
Depuis 2007, il est demandé aux entreprises d'être prêtes et impliquées dans cette démarche de rénovation. Nous avons, depuis le Grenelle, formé beaucoup de RGE (Reconnu garant de l'environnement) et mis l'accent sur la sensibilisation à ces questions. Or force est de constater que le marché n'est malheureusement pas au rendez-vous.
Il n'en demeure pas moins que nous avons continué à travailler sur l'attractivité de nos métiers. Notre secteur a, durant les périodes difficiles que nous avons traversées, créé beaucoup d'emplois et a su faire preuve de résilience pour conserver ses professionnels ou les orienter vers d'autres métiers. Nous savons que la production de logement neuf sera amenée à diminuer très fortement, aussi bien pour la maison individuelle que pour le logement collectif. Il est donc de notre devoir que d'accompagner les entreprises vers une montée en puissance sur le marché de la rénovation. Les entrepreneurs sont désormais conscients de la situation et de la nécessité de s'adapter à cette évolution. Ceci constitue un axe de travail majeur pour la FFB.
Nous communiquons beaucoup sur nos métiers, par le biais notamment de campagnes télévisées, et constatons aujourd'hui un vrai retour des jeunes vers le secteur du bâtiment. Nous n'avons jamais accueilli autant d'apprentis dans les centres de formation d'apprentis (CFA).
D'énormes progrès ont également été effectués depuis une dizaine d'années en matière de salaires, ce qui joue un rôle considérable dans le regain d'attractivité de nos métiers.
La Fédération française du bâtiment a pendant très longtemps travaillé en silos, chaque spécialité professionnelle ne connaissant pas réellement les autres. Nous avons décidé de changer cela et organisé des Assises des métiers, afin de projeter nos métiers à un horizon de dix ou quinze ans et favoriser les groupements d'entreprises, pour faire en sorte que les professionnels apprennent à travailler ensemble et puissent se réunir pour répondre aux projets de rénovation globale.
Nos métiers ont énormément évolué : le numérique et les nouvelles méthodes de production sont aujourd'hui totalement intégrés dans les entreprises. Les relevés pour les rénovations peuvent par exemple s'effectuer grâce à des scanners 3D. Ces techniques, qui sont en train d'être massifiées, intéressent et attirent notamment les jeunes vers nos métiers.
Les entreprises proactives, formées au label RGE, se trouvent malheureusement confrontées à un phénomène d'éco-délinquance. Le développement du marché de la rénovation a créé un effet d'aubaine et de nombreuses entreprises de marketing direct, sans aucune connaissance de nos métiers, ont pris le pouvoir. La situation s'est légèrement améliorée, mais il faut savoir que lorsque nos organismes de qualification RGE attaquent un éco-délinquant, la justice les contraint bien souvent à réintégrer l'entreprise concernée. Il faut vraiment une action forte des pouvoirs publics sur ce sujet. La presse se fait largement l'écho des agissements de ces éco-délinquants, qui effectuent du travail de mauvaise qualité, voire ne terminent pas les chantiers, si bien que les gens hésitent à se lancer dans des travaux de rénovation. Il y a là un vrai combat collectif à mener.
Le dernier sujet sur lequel nous souhaiterions travailler avec vous est celui des copropriétés, au sein desquelles l'intérêt de la rénovation énergétique ne parvient pas à se diffuser. Je pense qu'il serait certainement bénéfique de mettre en place à leur attention une incitation fiscale, sous forme par exemple d'un crédit d'impôt. Peut-être faudrait-il également réfléchir avec le monde bancaire. Aujourd'hui en effet, il est possible d'obtenir un prêt pour l'acquisition d'un bâtiment neuf ; en revanche, un particulier achetant une passoire énergétique n'obtient que difficilement un prêt pour sa rénovation, car la banque considère bien souvent que son reste à vivre n'est pas suffisant. Il faudrait prendre en considération la diminution de la facture énergétique, qui peut varier de 1 à 10 entre une « passoire énergétique » et le même logement après rénovation. Il faudrait que le système bancaire n'accorde pas uniquement des prêts pour l'achat d'un logement, mais considère qu'une rénovation peut aussi permettre des retours sur investissement assez importants.
Nous sommes par ailleurs très présents sur la question des énergies renouvelables. Nous sommes ainsi en avance sur le Groupement des métiers du photovoltaïque (GMPV). Les industriels ont effectué d'énormes progrès dans ce domaine et ils nous aident. Contrairement à ce que j'ai entendu, les fournisseurs de fenêtres nous apprennent à mettre en œuvre leurs produits et nous aident à monter en compétences. Je pense en outre qu'il est important en matière de rénovation énergétique, comme ceci a été fait pour le neuf, d'associer des produits de construction biosourcés, car ce sont des éléments auxquels les jeunes générations notamment sont très sensibles.
Je souhaiterais aborder aussi la question de l'usage. Depuis 2020, toutes les entreprises de la FFB effectuant de la rénovation disposent d'un petit guide à l'attention des clients, afin de permettre à ceux-ci d'apprendre le bon usage des dispositifs techniques installés chez eux (régler un thermostat, etc.). Il existe en effet des gestes simples pour optimiser l'usage de ces dispositifs et faire considérablement baisser la facture énergétique.
J'aimerais pour conclure souligner à nouveau la frustration ressentie par nos adhérents : depuis 2007, on accuse les entreprises de ne pas être prêtes, de ne pas être au rendez-vous, alors qu'elles ont accompli des efforts considérables en ce sens, que les CFA sont pleins, que la filière est à nouveau attractive. Le problème est que le marché de la rénovation ne décolle pas. Il est toutefois évident que, dans les quinze ans à venir, une véritable révolution va s'opérer entre le neuf et la rénovation : les entreprises en sont conscientes et restent mobilisées pour répondre présentes le moment venu.