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Intervention de Charlotte Caubel

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 8h00
Délégation aux droits des enfants

Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance :

La délégation parlementaire aux droits des enfants est une grande chance. Elle sera un interlocuteur de choix et un stimulateur indispensable dans la mission qui m'a été confiée, mais engage aussi tout le Gouvernement.

Vous l'avez rappelé, le Président de la République a souhaité me placer auprès de la Première ministre pour favoriser l'interministériel, mais également les relations avec le Parlement, les départements et tout le secteur associatif – on sait combien ce dernier est engagé.

Beaucoup a été réalisé au cours du précédent quinquennat. La loi portée par Adrien Taquet est essentielle. Elle traduit le souhait de faire de la protection de l'enfance un enjeu qui dépasse le seul ministère en charge des affaires sociales, les dispositions adoptées témoignant d'une logique beaucoup plus transversale. Vous avez également adopté des lois essentielles dans le champ du numérique, dont on sait qu'il potentialise des richesses, certes, mais engendre aussi des difficultés et perturbe, a fortiori les enfants. Je pourrais également évoquer le plan de lutte contre les violences scolaires, la stratégie de protection de l'enfant, le plan de lutte contre les violences, le plan de lutte contre la prostitution, etc.

Le Président de la République a souhaité faire de l'enfance, et en particulier de la protection de l'enfance, une priorité, car il sait qu'il reste malheureusement beaucoup à faire. Les chiffres sont encore dans le rouge : un enfant meurt dans le cadre familial tous les cinq jours. Comment faire pour que le processus de repérage des violences soit efficace et la prise en charge la plus complète possible ?

L'égalité des chances doit concerner tous les enfants, la Première ministre y est particulièrement attachée car on peut tirer la mauvaise carte à la naissance, avec des familles ou négligentes ou violentes. Les éléments que nous livre la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) doivent nous interroger sur cet enjeu, encore plus sociétal que légal, car il engage notre société à tous les niveaux.

En outre, un quart des sans domicile fixe sont d'anciens enfants placés. Je suis donc également en lien avec le ministère en charge du travail, de la formation professionnelle et de l'insertion professionnelle, avec le ministère en charge du logement et celui en charge des solidarités.

L'actualité est bien sûr marquée par le reportage de Zone interdite. S'il faut avoir conscience du prisme journalistique, très particulier, des magazines d'investigation, il faut aussi être conscient que des défaillances persistent et que subsiste un problème d'attractivité des métiers. Ce type de reportage contribue d'ailleurs à ce que les personnels s'interrogent encore davantage sur le sens de leur travail et l'efficacité du dispositif, et donc à rendre le secteur de moins en moins attractif. En conséquence, les personnels ont encore moins de temps pour bien prendre en charge les enfants. Ils ont aussi moins de temps pour se parler, renforcer leur pratique professionnelle et partager les diagnostics sur les enfants dont ils ont la charge.

Il faut se ressaisir, à tous les niveaux. Au niveau de l'État, bien sûr, et cela suppose le renforcement de la place de l'État auprès des départements. Si le Président de la République a évoqué la recentralisation de l'aide sociale à l'enfance, nous avons surtout besoin de proximité et de territorialisation des politiques publiques. L'État ne doit pas se désengager au motif que les départements sont chefs de file car l'enfance n'est le monopole de personne. Ainsi, un enfant va à l'école, il a besoin de soins, du respect de ses droits – donc de justice –, trois domaines régaliens. C'est tout le sens de ma mission : faire en sorte que les ministres – ils sont tous investis, mais ne se parlent pas nécessairement – reviennent dans les territoires porter les engagements de l'État auprès des départements, mais aussi du secteur associatif.

Je compte bien évidemment sur vous pour stimuler le dialogue entre acteurs et entre ministres, mais aussi éclairer les travaux du Gouvernement, en pointant les sujets prioritaires, en faisant remonter les difficultés, en mettant en valeur les bonnes pratiques des territoires. Depuis six mois, je me rends compte que la dispersion est un risque permanent quand on s'occupe d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes, de 0 à 21 ans. J'aime beaucoup le contact des enfants et des professionnels et je serai ravie de rencontrer ceux de vos territoires, pour mieux comprendre les difficultés, mais aussi découvrir de belles histoires.

Les questions de financement sont également essentielles. On oppose souvent les 8 milliards d'euros engagés par les départements aux centaines de millions d'euros alloués à la protection de l'enfance au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Mais d'autres crédits concourent au sein du budget de l'État à la protection de l'enfance : justice des mineurs, unités d'accueil pédiatrique, enquêteurs chargés des violences familiales, etc. Il faut parvenir à les regrouper dans un document de politique transversale, un « jaune budgétaire » afin de bien les identifier, de mieux travailler ensemble dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Vous m'interrogez sur le GIP, créé par la loi du 7 février 2022 précitée. On attend beaucoup de cette institution qui va rassembler trois acteurs : l'État, d'abord, dans toute sa diversité – solidarités, justice, éducation nationale, etc. ; tous les présidents des conseils départementaux, ensuite, et c'est indispensable car, si l'association des départements de France (ADF) réalise un remarquable travail de concertation, le consensus n'est pas toujours au rendez-vous – j'ai pu le vérifier lors de la signature de la convention du GIP et le secteur associatif, enfin, très riche, engagé mais également gestionnaire.

S'agissant des départements, je salue le rôle moteur du président François Sauvadet et de Florence Dabin, qui pilote une organisation spécifique à l'enfance au sein de l'ADF, et préside le GIP Enfance en danger (GIPED) et bientôt le groupement en cours de constitution.

En résumé, donc, responsabilité et légitimité de l'État, liberté de gestion des collectivités territoriales et liberté associative, autant dire que le GIP sera d'abord une instance de liberté, avant d'être une instance de convergence, d'autant qu'il opère également la réunion de plusieurs institutions très différentes : le 119, l'Observatoire national de la protection de l'enfance (Onpe), l'Agence française de l'adoption (AFA) et le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop). Sur le papier, les intentions sont là, mais, dans la réalité, il faudra faire prendre la mayonnaise et faire naître les synergies.

Le secrétariat du Conseil national de la protection de l'enfance (Cnpe), chargé d'éclairer le Gouvernement sur ces enjeux, est également associé au GIP. Le Cnpe est saisi de l'ensemble des projets de décrets de la loi du 7 février 2022. Il espère que l'Onpe et le 119 viendront nourrir ses avis mais il nous faut industrialiser – si vous me permettez l'expression – le processus car le délai, légitime, de rendu des avis peut parfois retarder l'entrée en vigueur des textes.

La loi imposait un délai de six mois pour créer le GIP, qui aurait donc dû être opérationnel le 7 août. Pierre Steker, ancien directeur du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a été désigné préfigurateur en juin, à une période où les administrations étaient en stand-by et les ministres encore en transition, après une longue période électorale. Nous avons pris un peu plus de temps car, derrière les acteurs publics, il y a des personnels, et j'ai voulu éviter les crispations. Nous avons tenu à faire converger les statuts vers le haut et à ce que tous les agents soient payés sur les mêmes grilles indiciaires. Nous avons toujours un problème d'organigramme car la fusion de plusieurs services aboutit à un nombre très important de responsables en poste. Or on ne peut avoir autant de chefs que d'opérateurs. En prenant en compte l'engagement de chacun, nous réfléchissons à une organisation cohérente et une mise en commun des compétences et des responsabilités.

Dans un contexte financier que vous connaissez entre les départements et l'État, nous avons décidé d'additionner les budgets de chaque instance, en y ajoutant les coûts de la transition – adaptation des locaux, système numérique commun –, mais il faut aussi un financement additionnel lié aux trois nouvelles missions confiées au GIP – le fichier des assistants et des agréments familiaux, le centre de ressources que devient l'ONPE et le fichier de l'adoption. Le budget du GIP sera validé par son conseil d'administration, et non par la secrétaire d'État à l'enfance qui, du reste, n'y siège pas.

Les différentes instances décisionnaires pourraient se réunissent en décembre, et nous pourrions peut-être fêter la nouvelle année en saluant la naissance officielle du GIP. Ce n'est pas simple et il faut être attentif à la situation des personnels. Je pense notamment aux écoutants, qui se considèrent comme des oubliés du Ségur et qu'il faut accompagner. Leurs revendications pourraient se traduire dans les jours à venir par des manifestations, qu'il faudra bien évidemment entendre.

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