Le PLFR dit « de fin de gestion » est d'ordinaire un texte classique du calendrier budgétaire, qui permet de procéder aux ouvertures et aux annulations de crédits en fin d'exercice, mais il revêt cette année une importance toute particulière.
Ce texte traduit la volonté de prolonger et compléter les choix visant à aider notre pays à faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, dans la continuité du paquet pouvoir d'achat présenté en juillet et largement enrichi par le travail parlementaire. Le premier PLFR ouvrait ainsi 44 milliards d'euros de crédits supplémentaires, dont 20 milliards consacrés à la protection du pouvoir d'achat.
Plus modeste dans ses ambitions budgétaires, le texte que nous vous présentons permet néanmoins d'assurer le financement de mesures de soutien concrètes pour le quotidien des Français, tout en procédant à des ajustements classiques dans une logique de fin de gestion. Comme le PLFR de juillet, ce texte traduit une volonté de protection, dans un contexte où la puissance publique a le devoir de répondre présente face à un niveau élevé d'inflation. Une large majorité doit pouvoir être rassemblée derrière cet objectif, et donc derrière ce texte.
Le principal défi consiste à aider l'économie française à résister face à la flambée des prix de l'énergie. La Première ministre l'a rappelé lors de sa conférence de presse jeudi dernier : l'année prochaine, les prix de l'électricité et du gaz seront dix fois supérieurs par rapport à 2020. C'est donc un choc majeur auquel le monde fait face. Dans cette situation, nous devons continuer à soutenir les ménages, comme nous le faisons depuis l'automne 2021, ainsi que les entreprises – nous avons annoncé à cet égard des mesures qui doivent leur permettre, quelle que soit leur taille, de mieux résister au choc énergétique, de manière à poursuivre les investissements et les embauches.
Ces mesures sont certes coûteuses pour les finances publiques, mais elles doivent permettre de consolider l'objectif de croissance, que nous avons fixé à 1 % pour l'année prochaine. On peut débattre de la pertinence de la prévision – vous me direz qu'elle est fragile, je vous répondrai qu'elle est au contraire solide et étayée –, mais le plus important n'est pas là. La croissance réalisée dépend non pas d'une controverse entre experts ou entre politiques, mais de la confiance que l'on est capable de créer et des réformes que l'on mène pour soutenir les entreprises et permettre au secteur économique de tenir bon.
Nous en avons été capables cette année : les derniers chiffres publiés par l'INSEE le montrent. Nous avons d'ores et déjà un acquis de croissance de 2,5 %. L'investissement des entreprises a augmenté de 2,3 % au dernier trimestre, après 0,8 % de hausse au deuxième. Notre économie résiste remarquablement, surtout en comparaison de certains de nos voisins. Il ne s'agit pas de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais lorsque des éléments positifs peuvent nous rendre optimistes, sachons le reconnaître et le souligner.
Le texte qui vous est présenté contribue donc à créer de la confiance parce qu'il montre que l'État continue à lutter sans relâche contre l'inflation et ses effets, dans la continuité de la loi de finances rectificative adoptée cet été.
Le 16 septembre, la Première ministre a annoncé, pour aider les Français à faire face à la hausse de leurs factures, l'octroi d'un chèque énergie exceptionnel à 12 millions de ménages, d'un montant de 200 euros pour ceux qui bénéficiaient déjà du chèque énergie et de 100 euros pour les ménages des troisième et quatrième déciles. Cette mesure trouve sa traduction dans le présent PLFR, pour un coût total de 1,5 milliard d'euros.
La loi de finances rectificative de cet été avait prévu un budget de 230 millions d'euros pour aider les ménages se chauffant au fioul. La disposition, introduite par voie d'amendement sur proposition du groupe LR, notamment, reflétait une préoccupation partagée par les députés MODEM, Horizons et Renaissance. Cette aide, dont le contenu a été défini en liaison avec l'ensemble des groupes politiques, se traduit également par l'attribution aux cinq premiers déciles d'une aide spécifique, d'un montant de 200 euros pour les ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie et de 100 euros pour les ménages des troisième à cinquième déciles. Cette aide sera versée à partir du 8 novembre.
La Première ministre a également annoncé une prolongation jusqu'à la mi-novembre de la ristourne de 30 centimes par litre d'essence pour tenir compte du blocage des raffineries et des difficultés d'approvisionnement dont pâtissent encore certains de nos compatriotes. Cette mesure représente un coût de l'ordre de 440 millions d'euros pour les finances publiques.
Si l'on additionne le chèque énergie exceptionnel et la prolongation de quinze jours de la ristourne, ce sont 1,9 milliard d'euros qui sont dédiés, dans ce PLFR, à l'accompagnement de nos concitoyens face à l'envolée des prix de l'énergie.
Entre le 15 novembre et le 31 décembre, la ristourne sur les carburants sera réduite à 10 centimes. Cela ne signifie pas pour autant que l'année 2023 sera marquée par un arrêt brutal du soutien apporté aux automobilistes. Nous devons continuer à soutenir ceux que l'on a appelés les « gros rouleurs » – je préfère, pour ma part, parler de « gros bosseurs » – c'est-à-dire les Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, qui subissent de plein fouet la flambée des prix de l'énergie et pour qui, si l'on ne fait rien, le coût supporté pour aller travailler finira par être plus élevé que le gain.
Le Président de la République a annoncé pour ces Français un dispositif spécifique, dont les modalités, qui seront précisées prochainement, devraient être assez proches de ce que nous avions envisagé en juillet avec l'indemnité carburant pour les travailleurs. Il s'agit d'établir un soutien plus ciblé en concentrant l'argent public sur celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le « combien ça coûte », que je défends, n'a jamais voulu dire que nous allions laisser les Français à la merci de l'inflation. Simplement, dans un contexte où la France emprunte désormais à des taux situés entre 2,5 % et 3 %, il serait totalement déraisonnable de déverser l'argent public sans distinguer les situations et les niveaux de revenus.
Par ailleurs, dans les textes financiers adoptés cet été, vous avez relevé, pour l'année 2023, le plafond du chèque carburant défiscalisé que peuvent verser les entreprises pour couvrir les frais de ceux de leurs salariés pour qui la voiture est nécessaire pour aller travailler. Nous souhaitons que les entreprises qui le peuvent se saisissent de cet outil.
Les mesures contenues dans le PLFR contribueront donc à améliorer le quotidien de nos compatriotes.
C'est aussi un texte de soutien aux opérateurs de l'État, tels que les universités, les établissements de recherche et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), pour les aider à faire face à la hausse des prix de l'énergie. Nous avons prévu un fonds de 275 millions d'euros, immédiatement débloqué, au bénéfice des opérateurs du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ma collègue Sylvie Retailleau et moi-même savons que, face à l'envolée des prix de l'énergie, certaines universités sont tentées de privilégier l'enseignement à distance cet hiver dans le but de limiter leurs factures de chauffage et d'éclairage. Nous préférons des amphithéâtres remplis et éclairés, même si cela doit mobiliser de l'argent public.
Dans la même logique, le PLFR prévoit une ouverture de crédits destinée à compenser l'impact pour le ministère des armées du renchérissement des prix du pétrole et du carburant. Une enveloppe de 200 millions d'euros permettra ainsi de financer l'achat de carburant pour les armées en opérations extérieures.
Ce sont donc 2,5 milliards d'euros qui sont mis sur la table pour aider les Français et les opérateurs de l'État à faire face au choc énergétique. Toutefois, il ne s'agit pas seulement de parer à l'urgence : le PLFR procède aussi à des ajustements de fin de gestion, avec le souci permanent de tenir les comptes publics.
Les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons pour assurer de nouvelles dépenses – de l'ordre de 5 milliards d'euros – sont intégralement compensées par des annulations de crédits. En dehors des 2,5 milliards de dépenses exceptionnelles liées à la crise de l'énergie, nous vous présentons donc un texte d'équilibre budgétaire et qui traduit notre volonté de continuer la réduction des déficits.
La principale ouverture de crédits, à hauteur de 2 milliards d'euros, permet de soutenir la trésorerie de France compétences et de contribuer à l'objectif d'atteindre le plein emploi d'ici à la fin du quinquennat. La loi de finances rectificative votée cet été a ouvert 1,8 milliard d'euros de crédits pour France compétences et près de 750 millions d'euros pour les primes d'apprentissage. La politique de l'apprentissage est une formidable réussite : plus de 700 000 apprentis ont été formés cette année, contre moins de 300 000 en 2017, et nous visons le million d'apprentis au cours des prochaines années.
Un autre effort significatif concerne la mission Défense, à travers une ouverture de crédits de 1,1 milliard d'euros pour financer le soutien militaire à l'Ukraine.
Nous ouvrons également 450 millions d'euros de crédits pour prolonger le financement des mesures d'indemnisation des crises agricoles survenues cet été.
Si notre premier objectif est d'aider l'économie française à absorber le choc des coûts énergétiques, le deuxième est de tenir les comptes publics, conformément aux engagements pris devant les Français et vis-à-vis de nos partenaires européens. Hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l'énergie, nous vous présentons un texte sans ouvertures nettes.
Preuve de notre capacité à tenir les comptes, le solde budgétaire est en légère amélioration : il devrait s'établir en fin d'année à 4,9 %, soit 0,1 point de mieux que la prévision réalisée pour la dernière loi de finances rectificative. Cela s'explique par une réévaluation des recettes, lesquelles sont plus élevées que les nouvelles dépenses engagées par le PLFR, notamment grâce au dynamisme de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés – autres signes que notre économie résiste remarquablement en dépit du contexte.
Il s'agit non pas de s'adresser des satisfecit, mais de constater que notre pays, malgré les aléas, ne cède pas un pouce de terrain au laisser-aller budgétaire. Plutôt que d'une politique d'austérité, il s'agit d'une trajectoire de sérieux, que nous tiendrons en 2023 et les années suivantes afin d'assurer la stabilisation de la dette et le retour du déficit sous la barre des 3 % en 2027.
Nous pouvons nous rassembler autour de l'objectif consistant à protéger nos compatriotes – les étudiants, qui doivent continuer à aller à l'université ; les agriculteurs, qui sont confrontés aux aléas climatiques ; les armées en opérations extérieures –, comme nous pouvons nous rassembler autour de l'idée selon laquelle il importe de tenir les comptes publics.