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Intervention de Hadrien Clouet

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHadrien Clouet :

Les tours de parole ont été un peu inversés. J'espère que cela n'a aucun rapport avec l'atmosphère « 49.3 » qui conduirait à repousser certaines prises de parole. Merci en tout cas de permettre l'examen de cette mission importante.

La présente discussion revêt-elle une dimension politique. S'agit-il de traiter du chômage ou de la privation d'emploi ? Poser cette question implique un choix fort en termes économiques et moraux. Le chômage concerne les personnes qui recherchent un emploi, qui sont disponibles dans l'immédiat et qui n'ont pas exercé une seule heure d'activité. La privation d'emploi renvoie aux citoyens tenus éloignés de l'emploi quels que soient leurs conditions d'existence ou leurs comportements. Il ne s'agit ainsi plus du destin de 2 millions de personnes qui seraient au chômage, mais de 8 millions de nos compatriotes qui sont éloignés de l'emploi, pour qui le 49.3 patronal, c'est tous les jours sur le marché du travail. L'augmentation affichée du nombre d'emplois est largement artificielle : 150 000 emplois sont liés à des microentreprises, 300 000 à des contrats d'apprentissage qui valent aujourd'hui aux entreprises des primes exorbitantes complètement supportées par le contribuable. De la sorte, certains travaillent et paient des impôts qui servent en fait intégralement à payer leur propre salaire.

Dans le même temps, on assiste à un développement du travail gratuit ou quasi gratuit lorsqu'il est rémunéré en dessous du Smic. Je pense évidemment aux apprentis, aux alternants de moins de 16 ans, aux stagiaires, aux personnes en service civique, aux assistantes maternelles, au travail en milieu carcéral ou en établissement ou service d'aide par le travail. Des millions de personnes interchangeables partagent leur poste de travail avec d'autres et sont rémunérées en dessous de ce qui leur assurerait un minimum de dignité. Même les salariés de droit commun – le garagiste, la pâtissière – voient le revenu de leur travail diminuer de 3 %, ce qui représente une perte de 60 euros par mois pour celui qui gagne 2 000 euros : drôle de cadeau de Noël quand on a commencé l'année à 2 000 euros et qu'on la finit à 1 940 euros !

Cette crise des salaires n'affecte pas tous les salariés : elle s'arrête à partir de 2 500 ou 3 000 euros. Selon le rapport remis la semaine dernière par l'Institut de recherches économiques et sociales, 160 milliards d'euros d'aides publiques sont versés chaque année aux plus grandes entreprises du pays. Cela équivaut à un quart des salaires du secteur privé. Autrement dit, toute personne qui travaille paye elle-même un euro sur quatre pour cela. L'usage de l'argent public et la sous-rémunération du travail sont donc dans les faits un seul et même problème.

Dès lors, à quoi sert cette mission Travail et emploi ? Les augmentations évoquées par le ministre sont presque exclusivement liées aux milliards supplémentaires destinés à l'apprentissage, tandis que tout ce qui est socialement utile subit des coupes. Je pense au programme 102 et à la diminution de 5 % des sommes consacrées aux allocations chômage versées par l'État, qui n'est pas liée aux retours à l'emploi, mais traduit une baisse des moyens affectés aux contrats aidés.

Le chiffre de 400 000 CEJ paraît enthousiasmant mais il ne s'agit que du regroupement des 200 000 bénéficiaires de la garantie jeunes en mission locale et des 240 000 bénéficiaires d'un accompagnement intensif de la part de Pôle emploi, soit une perte sèche de 40 000 contrats !

À l'évidence, la remise en cause des droits engagée avec la réforme de l'assurance chômage se poursuit.

À une question écrite relative à l'allongement exceptionnel de la période d'affiliation pour les chômeuses et chômeurs, vos services ont répondu que les allocataires qui s'estiment lésés étaient invités à saisir le médiateur de Pôle emploi. Dois-je comprendre que vous faites voter des lois dont les conséquences doivent ensuite être contestées, avec votre approbation ?

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