Permettez-moi de m'interroger sur l'utilité de cette audition alors que votre Gouvernement s'apprête à activer l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sur le PLF et à rejeter la majorité des amendements que nous, députés, avons votés, pour ne retenir que ceux qui lui plaisent. Une nouvelle fois, c'est le signe d'un profond mépris de la Macronie à l'égard du Parlement, donc de la volonté du peuple. À quoi bon débattre puisque vous décidez de tout avec votre minorité parlementaire ? La question du travail et de l'emploi est pourtant fondamentale et mériterait un peu plus d'humilité et d'écoute de votre part.
Vous vous félicitez régulièrement des bons chiffres du chômage. Pourtant, dans le Nord dont les habitants m'ont élu, il n'y a pas de quoi se vanter. La réalité de nombreux territoires comme le mien est celle d'un chômage endémique lié à une désindustrialisation et à des délocalisations désastreuses imposées par votre idéologie ultralibérale et mondialiste. Les Hauts-de-France comptent 9,4 % de chômeurs, soit 2 points de plus que la moyenne nationale – et nous ne parlons que des demandeurs d'emploi de catégorie A. Pour cette France qui souffre, que faites-vous au juste ? Ce PLF est une illustration du non-sens de votre politique. Nous le savons tous, la difficulté qu'il y a à retrouver un emploi est proportionnelle au temps passé au chômage. C'est particulièrement vrai dans mon département où le taux de demandeurs d'emploi de longue durée est élevé. Les services d'aide à ces publics devraient voir leurs moyens renforcés. Vous faites tout le contraire, puisque, dans le programme 102, vous diminuez de 9,2 % les AE et CP alloués à l'amélioration de l'efficacité du service de l'emploi. Où est la cohérence chiffres ?
Concernant France Travail, projet phare du Président de la République, au-delà du marketing entourant le lancement d'un nouvel outil, le flou artistique prévaut. Le rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi favorise certes l'accompagnement des personnes handicapées, ce qui mérite d'être salué, mais le cycle des concertations ouvert depuis septembre laisse les partenaires sociaux profondément dubitatifs. Le secrétaire général de la CFTC, cité par Le Monde, déclare d'ailleurs qu'« on a l'impression qu'ils naviguent à vue ». C'est une habitude chez vous. En l'état, le risque semble réel que France Travail ne soit au mieux qu'un gadget et, au pire, qu'un outil qui dégrade l'existant. Vous mésestimez l'importance qu'il y a à disposer d'un personnel bien formé, motivé et confiant dans son propre avenir professionnel. Comment comptez-vous aider les publics les plus fragiles alors que vous précarisez ceux qui leur viennent en aide ? Dans certaines agences de Pôle emploi, jusqu'à 50 % des personnes accompagnant les demandeurs d'emploi seraient en contrat à durée déterminée (CDD).
Les personnels sont dotés d'outils informatiques qui visent moins à s'adapter aux réalités humaines des demandeurs d'emploi qu'à produire des statistiques et à faire entrer les demandeurs dans des catégories, des cases et des secteurs de recherche d'emploi définis par des algorithmes. Les chiffres viennent avant la qualité des services. Dans ces conditions, les personnels du service public de l'emploi ont bien du mérite à accomplir leur mission avec dévouement. Nous espérons au moins que, pour cette nouvelle structure, vous mobiliserez l'intelligence et la compétence des personnels de grande qualité qui y travailleront plutôt que des cabinets de conseil, qui interviennent à des prix exorbitants pour des prestations souvent hors-sol et que votre Gouvernement a littéralement gavés ces cinq dernières années.
Lorsque nous constatons les dégâts que certaines de leurs propositions ont causés, à l'hôpital public par exemple, il y a de quoi craindre le pire, d'autant que ces cabinets sont extrêmement bien implantés auprès des opérateurs de l'emploi, où ils dégagent du chiffre d'affaires.
Vous avez exclu députés et sénateurs des travaux engagés depuis septembre 2022, alors que, tous ici, quels que soient nos groupes politiques, nous connaissons la réalité de nos territoires pour être confrontés chaque jour à la misère économique et sociale. C'est le signe d'un profond mépris pour ce Parlement. Je doute hélas que cette audition nous apporte des réponses concrètes.