. – Membre d'une unité mixte de recherche (UMR) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du pôle Santé et Alimentation (Santal), je suis également titulaire de la chaire Food Studies : Food Cultures and Health, créée conjointement par la Taylor's University de Kuala Lumpur et l'université Toulouse – Jean Jaurès. Je suis doté d'une double culture, technologique et sociologique. Spécialisé en effet dans l'ingénierie des systèmes alimentaires, je suis devenu par la suite sociologue de l'alimentation.
Il faut soutenir et financer les travaux de recherche visant à clarifier la problématique de la classification des aliments, ainsi que les questions relatives aux matrices et aux liens entre alimentation et santé, en tenant compte de différents facteurs, dont des facteurs confondants comme la position sociale ou les revenus.
Il convient également d'inviter les industriels à mener une autocritique sur l'utilisation de certaines technologies et d'aider à court terme les populations victimes de la situation actuelle. On répertoriait ainsi 9,3 millions de personnes au-dessous du seuil de pauvreté avant la pandémie de Covid-19, et l'on en compte un million supplémentaire depuis 2021. Il faut leur donner les moyens de se nourrir, tout en évitant le victim blaming consistant à leur dire que, en plus d'être pauvres, elles se nourrissent mal et risquent de tomber malades.
L'analyse des effets de l'industrialisation de l'alimentation sur la santé et les comportements des populations présente un intérêt majeur. Un changement de paradigme s'opère à cet égard, l'idée étant désormais de relier certains degrés de transformation à des conséquences sur la santé, en tenant compte de variables intermédiaires comportementales comme la consommation de sel.
La difficulté est de définir la catégorie dont relèvent ces travaux. Une ancienne ingénieure agronome, sociologue des sciences, a recensé plus de 124 publications sur ces questions – certaines allant dans un sens positif, d'autres étant plus critiques. Une tension s'opère entre une approche analytique décomposant les sous-ensembles de la transformation et une approche plus synthétique ou holistique travaillant sur les matrices ou les ensembles. Plusieurs débats ont cours entre ces deux grilles de lecture. L'enjeu est non pas de tomber dans un discours religieux, mais de donner aux chercheurs les moyens d'avancer le plus rapidement possible.
Cependant, la variable dépendante liée à ce sujet est d'une importance majeure, puisqu'il s'agit de la santé. S'ajoutent à cela des variables confondantes comme la position sociale ou le niveau d'éducation, qui peuvent donner aux aliments ultra-transformés un statut, non de cause, mais de marqueur d'une autre variable active. Il faut donner aux chercheurs en épidémiologie les moyens d'avancer sur ces questions.
La question de l'impact de la situation sociale sur l'alimentation est également cruciale. Si l'on dispose de connaissances permettant d'inviter les industriels à réduire certaines formes d'alimentation susceptibles de poser problème, cela pourrait fonctionner sans que les consommateurs y pensent eux-mêmes. Toutefois, il est également possible de conduire ces derniers à faire les bons choix. Certains acteurs plaident en ce sens, au travers du Nutri-Score, par exemple, quand d'autres se montrent plus modérés, alors que certains représentants politiques soulignent la nécessité d'agir rapidement sur ces questions.
L'importance de la santé chez les consommateurs se retrouve particulièrement au sein des classes moyennes qui ont les moyens de raisonner à long terme. En revanche, elle est moindre chez les populations qui se préoccupent de savoir comment se nourrir au quotidien. Les associations comme les Restos du Cœur, le Secours Catholique, le Secours populaire et les banques alimentaires ont été débordées pendant la pandémie. Or la situation va s'aggraver du fait de la hausse des prix et des effets de la conjoncture. Il faut réfléchir rapidement aux conditions d'attribution des aides permettant aux personnes qui ont des difficultés à se nourrir au quotidien et à manger correctement, tout en laissant à la recherche le temps nécessaire pour avancer.