Je vous indique d'emblée que j'émettrai un avis défavorable sur l'adoption des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », du fait du gigantesque contraste entre le défi que nous avons à relever et l'atonie de l'action politique.
L'année 2022 a dépassé tous les records de canicule enregistrés en 2019. Plus forte et plus longue que toutes celles que nous avions connues jusque-là, elle s'est accompagnée d'une sécheresse sans précédent. À cela se sont ajoutés les incendies de forêts, qui ont ravagé la Gironde et sont apparus dans des aires géographiques où ils étaient rares, comme la Bretagne. Cette situation n'est pas propre à la France. L'Europe méridionale et centrale a été frappée par des incendies plus importants encore, la Californie continue de subir une sécheresse historique, tandis que le Pakistan a perdu un tiers de ses récoltes en raison d'inondations records. L'urgence climatique n'est pas qu'une expression : c'est une réalité que vit un nombre croissant de nos concitoyens.
En théorie, notre pays a une feuille de route : l'agenda européen. Nous pouvons former des vœux pour sa réussite, mais je rappelle que le Haut Conseil pour le climat a estimé, dans son rapport de 2021, que les politiques publiques étaient insuffisantes pour réussir la stratégie nationale bas-carbone.
Le contexte étant rappelé, j'en viens au programme 217. Je rappelle qu'il constitue le support de la mise en œuvre des politiques publiques du pôle regroupant le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le ministère de la transition énergétique et les cinq ministères délégués et secrétariats d'État qui leur sont associés, ainsi que le secrétariat d'État à la mer. Il porte l'essentiel de la masse salariale des ministères précités et de trois autorités administratives indépendantes – l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et la Commission nationale du débat public (CNDP) –, ainsi que le financement des politiques transverses de fonctionnement et d'investissement nécessaires à la réalisation de ces politiques.
Les crédits de ce programme s'élèvent à 3,004 milliards en autorisations d'engagement et à 3,021 milliards en crédits de paiement, soit une hausse respective de 3,4 % et 4,3 % par rapport à l'année dernière – mais il faut tenir compte de l'inflation.
Le mot qui résume ce programme, c'est la stabilité, notamment celle des effectifs. Les ministères qui pilotent les transitions énergétique et écologique ont fait l'objet d'une quinzaine de réformes en vingt ans – restructurations, redéfinition de leur mission, transfert de compétences de l'échelon central à l'échelon départemental, etc. Alors que la réduction des effectifs de l'administration centrale a été une constante des dernières années, le Gouvernement nous présente cette stabilisation comme une victoire. Mes auditions ont pourtant montré que toute l'administration travaille à flux tendu pour accomplir ses missions.
La campagne électorale du Président de la République a été placée sous le signe de l'ambition écologique avec, entre autres, l'annonce de la création d'un secrétariat général à la planification écologique. Dont acte : je salue la reprise par M. Emmanuel Macron d'une idée exprimée par M. Jean-Luc Mélenchon dès 2012 ! Je rappelle que les crédits de ce secrétariat sont inscrits à ceux du Premier ministre, au programme 129, et qu'il est doté de quinze emplois. J'espère que cette structure donnera une impulsion à la politique du Gouvernement. Mais qui peut croire que la bifurcation écologique peut réellement changer de dimension avec un tel organe ?
On constate donc de la stabilité, là où il faudrait une impulsion, et de la continuité, là où il faudrait de l'ambition. Les crédits du programme 217 sont à peu près les mêmes qu'en 2020 et 2021, avec les mêmes problèmes de manque d'emplois au sein des autorités administratives indépendantes et les mêmes difficultés pour les écoles d'ingénieurs à investir et à former les cadres dont notre pays a tant besoin pour la bifurcation écologique. On ne voit pas non plus de crédits dégagés pour la politique de rénovation thermique des bâtiments du pôle ministériel.
Pourtant, des moyens budgétaires existent. J'en veux pour preuve le fait que le pôle ministériel a fait partie, ces dernières années, de ceux qui ont le plus recouru aux dépenses d'audit externe. De 2018 à 2021, les dépenses qu'il a engagées auprès de cabinets de conseil ont dépassé 114 millions d'euros, une somme qui aurait pu couvrir les besoins d'investissement des écoles d'ingénieurs ou permis d'augmenter le nombre d'emplois à l'ONF ou à l'OFB.
Le Gouvernement a beau déclarer qu'il rationalise le recours à ces cabinets, la commission d'enquête sénatoriale de Mme Éliane Assassi et M. Arnaud Bazin a montré qu'il n'était toujours pas au rendez-vous de la transparence. Lors d'une audition, il m'a ainsi été indiqué que, conformément à la circulaire du Premier ministre, le pôle ministériel devait respecter un objectif de réduction des dépenses d'audit, sachant toutefois que les études sur les éoliennes en mer – 69 millions d'euros – n'entraient pas dans cette trajectoire de diminution.
Je ne peux admettre que des sommes aussi importantes ne soient pas prioritairement consacrées à des investissements nécessaires et à l'emploi public. C'est donc pour une raison à la fois comptable et morale que j'émettrai un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », pour la partie qu'il m'est revenu d'examiner. J'ai par ailleurs déposé un amendement qui vise à aider les autorités administratives indépendantes à accomplir leurs missions, en majorant leur plafond d'emplois. Cet amendement n'ayant rien d'excessif, j'espère, chers collègues, qu'il suscitera votre adhésion.