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Intervention de Antoine Armand

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Armand, rapporteur pour avis :

J'ai l'honneur de vous présenter les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui susciteront des débats importants puisqu'ils concernent, entre autres, MaPrimeRénov' le bonus écologique, la prime à la conversion automobile et le chèque énergie.

Avant d'évoquer ces trois sujets, j'aimerais dire quelques mots d'ordre général sur le programme 174. Le budget envisagé pour 2023 s'établit à un peu plus de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 4,86 milliards d'euros en crédits de paiement. Le Gouvernement a prévu une hausse de 40 % des crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette augmentation concerne essentiellement les dépenses d'intervention, c'est-à-dire les aides reversées aux ménages, afin de maintenir le haut niveau des crédits dévolus à MaPrimeRénov', de financer le chèque énergie et de renforcer les aides à l'acquisition de véhicules propres.

L'action 01 « Politique de l'énergie » disposera d'une enveloppe, en très légère augmentation, de 117 millions d'euros. Elle finance essentiellement les travaux et les études nécessaires à notre politique énergétique, notamment pour le développement des énergies renouvelables. Elle permet également de financer les programmes mis en place pour la reconversion des territoires qui ont accueilli les dernières centrales à charbon et la centrale nucléaire de Fessenheim, pour lesquelles les trajectoires prévues sont respectées.

L'action 04 « Gestion économique et sociale de l'après-mines », qui concerne notamment l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) et les prestations servies aux anciens mineurs, voit ses crédits baisser de manière régulière compte tenu de la diminution naturelle des populations bénéficiaires. Les crédits s'élèveront à 270 millions d'euros en 2023, soit une baisse cohérente d'un peu moins de 11 %.

L'action 05 « Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air » sera financée à hauteur de 56 millions d'euros. Cette augmentation de 19 % par rapport à 2022 s'explique par les chantiers importants à venir, à savoir la révision des plans de protection de l'atmosphère, celle du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques et la mise en œuvre des nouvelles zones à faibles émissions mobilité.

Je défendrai un amendement de crédits visant à renforcer le budget des associations chargées de la surveillance de la qualité de l'air. En raison de l'extension de leurs missions de surveillance les années passées, des tâches supplémentaires qui vont leur incomber dans le cadre des politiques dont je viens de parler et de la hausse de différents coûts incompressibles, je suis convaincu qu'un effort budgétaire complémentaire doit être réalisé afin de maintenir l'excellence de cet outil de mesure indispensable.

J'en viens maintenant aux trois sujets principaux du programme.

MaPrimeRénov' est désormais pleinement ancrée dans le paysage des politiques publiques. Depuis sa création en 2020, le dispositif a permis d'aider à la rénovation de près de 1,2 million de logements. Pour répondre à la demande, l'État prévoit 2,45 milliards d'euros en 2023 : c'est un haut niveau de financement, qui pérennise les efforts consentis dans le cadre du plan de relance.

Les principaux objectifs assignés à MaPrimeRénov' ont été atteints. Le premier est la massification, puisque les Français se sont pleinement emparés des aides MaPrimeRénov' : près de 650 000 logements en ont bénéficié en 2021 et déjà plus de 450 000 en 2022, malgré la conjoncture difficile. L'enjeu de la rénovation est désormais connu du grand public et les moyens d'information déployés sous la bannière France Rénov', déjà importants, vont encore monter en puissance. Par ailleurs, du fait de la transformation du crédit d'impôt en prime, MaPrimeRénov' a permis de réorienter l'argent public vers des travaux efficaces d'un point de vue énergétique grâce à un relèvement des exigences techniques et réglementaires. Enfin, le dispositif a permis de réorienter massivement les aides publiques en direction des ménages aux revenus modestes qui en sont maintenant, de loin, les principaux bénéficiaires. Pour l'année 2022, ce sont 83 % des montants de prime engagés qui reviennent ainsi aux ménages modestes et très modestes.

Ces trois améliorations sont incontestables, et je crois qu'il faut vraiment s'en féliciter. Il existe cependant un consensus sur les importantes marges de progrès du dispositif.

Il convient tout d'abord de mieux cibler les logements les plus énergivores, les fameuses passoires énergétiques. Nous pouvons légitimement considérer que le compte n'y est pas encore et que le rythme des rénovations est insuffisant pour venir à bout des 5 millions de passoires classées F et G d'ici à 2030. Nous devons tenir le calendrier d'interdiction à la location des passoires énergétiques car c'est surtout dans le parc locatif privé que se trouvent ces logements – là où l'on retrouve aussi le plus grand nombre de ménages en situation de précarité énergétique. Il faut continuer à inciter les bailleurs à rénover leurs biens, sachant qu'ils ont déjà accès à MaPrimeRénov' et à MaPrimeSérénité comme n'importe quel propriétaire occupant.

Nous devons en outre améliorer les aides destinées aux plus modestes, en faisant évoluer les critères et les montants de MaPrimeRénov' et en progressant encore plus vite que les annonces bienvenues du Gouvernement sur Mon Accompagnateur Rénov' en matière d'accompagnement des ménages.

S'agissant enfin de la performance des rénovations, nous devons mieux articuler l'ensemble des mesures et des aides existantes. Par exemple, nous avons un problème avec les montants des aides MaPrimeRénov' et des primes des certificats d'économies d'énergie (CEE) : leur cumul pour des travaux effectués séparément est parfois plus avantageux que les aides versées pour un projet global plus performant. Nous devons inverser cette situation, dans la mesure où les travaux isolés sont moins efficaces que des bouquets de travaux bien coordonnés. Dans le même temps, il faudra augmenter les montants des bonus délivrés en cas de rénovation performante pour mieux financer ces chantiers coûteux et mieux allouer l'argent public.

Ces différents points nous amènent à la question du financement de la rénovation énergétique.

Des auditions que j'ai menées, il ressort très largement que l'urgence est bien moins à l'augmentation des crédits budgétaires alloués à MaPrimeRénov' par rapport à ce qui est inscrit dans le PLF qu'à l'amélioration de l'efficacité et de la qualité des rénovations engagées. Or, à l'heure actuelle, le réseau des professionnels est insuffisant pour répondre à la demande. Il y a un vrai problème d'effectifs, mais aussi de qualifications, car réaliser des rénovations performantes et globales suppose de posséder les compétences et savoir-faire nécessaires.

Se pose également le problème du ciblage des logements : comment aller à la rencontre des ménages qui habitent les passoires énergétiques si nous ne pouvons pas les localiser ? Seul un tiers des logements ont été soumis à un diagnostic de performance énergétique (DPE) ; or c'est à partir de ces DPE qu'est estimé l'état global du parc. Il faut donc augmenter le volume et améliorer la pertinence des données sur ce parc. Cela nous permettra ensuite de donner aux particuliers de la visibilité sur leurs besoins ainsi que sur l'utilité, la pertinence et la performance des rénovations à effectuer. Nous nous donnerons ainsi les moyens de bien piloter les stratégies de rénovation, au niveau global comme à l'échelle territoriale. Je défendrai d'ailleurs quelques amendements à ce sujet.

À ce stade, il me semble donc préférable de mieux dépenser les crédits actuels de MaPrimeRénov' en les réorientant vers les ménages les plus modestes et en les fléchant vers les primes favorisant les rénovations performantes. Cela doit se faire parallèlement à la montée en puissance de l'accompagnement offert par France Rénov' afin de maximiser l'efficacité des chantiers qui seront entrepris dans les prochains mois et années.

Le Gouvernement a déjà affirmé à de nombreuses reprises sa détermination à modifier le dispositif pour en améliorer l'attractivité et l'efficacité, ce que j'appelle aussi de mes vœux. Cela ira de pair avec la montée en puissance de l'accompagnement et la mise en œuvre d'une planification stratégique de la rénovation, qui trouvera toute sa place dans la planification écologique que nous devons établir pour notre pays.

J'en viens aux dispositifs introduits pour juguler la hausse des prix de l'énergie et pour faire face à la précarité énergétique. Le Gouvernement a engagé des sommes importantes pour réduire l'impact de la hausse des prix sur les Français et nous avons, globalement, fait mieux que nos voisins européens. Sans ces mesures, la hausse des prix du gaz et de l'électricité attendue pour 2023 ne serait pas de 15 %, mais de 120 %. La lutte contre la précarité énergétique ne doit pas se faire au détriment de la lutte pour la rénovation énergétique, c'est-à-dire de la sortie définitive et pérenne de la précarité énergétique.

Après le chèque énergie exceptionnel de la fin de l'année 2021, celui de 100 ou 200 euros qui sera distribué à 12 millions de ménages modestes d'ici la fin de l'année aura un impact important, comme le chèque fioul. Ils pourront être utilisés en 2022 ou en 2023 pour n'importe quelle énergie. Ils viennent compléter le dispositif classique du chèque énergie pour 2023. Concernant ce dernier, les crédits ouverts s'élèvent à environ 900 millions. Cette enveloppe est satisfaisante mais il conviendrait d'en adapter les paramètres d'attribution. La Cour des comptes propose une indexation automatique des tranches du barème sur l'évolution pluriannuelle du niveau des salaires. Enfin, je souhaite que toutes les pistes pour améliorer le taux d'utilisation du chèque soient explorées, à commencer par l'ouverture de son utilisation pour le paiement des charges incluant les frais de chauffage collectif.

En matière d'aides à l'acquisition de véhicules propres, le Gouvernement a prévu une enveloppe de près de 1,3 milliard d'euros pour financer le bonus écologique, la prime à la conversion et le futur dispositif de leasing social. Les aides existantes ont permis de renouveler 4,3 % du parc automobile depuis 2018. En plus de réduire les émissions polluantes, ces aides ont permis de soutenir notre industrie automobile dans la grande transformation technologique que représente le véhicule électrique.

Si le niveau de financement de ces aides est globalement satisfaisant, je recommande d'introduire une plus grande progressivité dans leur montant, au bénéfice des ménages les plus modestes. Il ne faut pas s'interdire de réfléchir à un seuil de revenu au-delà duquel ces aides ne seraient plus accessibles : cela permettrait d'éviter les effets d'aubaine et les sommes ainsi récupérées pourraient revenir aux ménages les plus précaires. Je vous proposerai des amendements en ce sens.

Il faut adapter les aides aux réalités territoriales de notre pays, notamment aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Les enjeux liés aux transports y sont très importants pour les ménages modestes. Cela pourrait passer par l'attribution sans condition de la surprime ZFE rattachée à la prime à la conversion ou à l'amélioration du dispositif de microcrédits véhicules propres. Enfin, il faut offrir aux ménages une solution juste de location longue durée ou avec option d'achat pour un véhicule électrique. Je pense que le budget actuel peut répondre à ces différents enjeux, s'il évolue favorablement pour s'adapter aux besoins des ménages modestes.

Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

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