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Intervention de Stéphane Delautrette

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Delautrette, rapporteur pour avis :

Le champ du programme 181 est particulièrement large : il couvre la prévention de nombreux risques, qu'ils soient naturels, technologiques, industriels, nucléaires ou miniers. Ce programme apporte également un soutien à l'économie circulaire et au développement des énergies renouvelables à travers le financement de l'Ademe. Après une présentation des crédits du programme 181, mon intervention portera plus particulièrement sur le fonds pour l'économie circulaire et le fonds chaleur gérés par l'Ademe.

En 2023, le programme 181 sera doté de 1 141 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 1 143 millions d'euros de crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 7,1 % en AE et de 6,6 % en CP par rapport à 2022. Cette augmentation était attendue et malheureusement rendue nécessaire par le changement climatique, qui tend à accroître les risques, notamment naturels. En outre, la densification des populations dans des zones exposées à de nombreux aléas augmente les coûts humains et économiques des catastrophes naturelles et technologiques.

La direction générale de la prévention des risques (DGPR), dont je tiens à saluer l'action, est chargée d'identifier, de prévoir et de prévenir ces différents risques. Si l'on déplore généralement peu d'accidents industriels graves en France, les risques n'en demeurent pas moins présents, comme nous l'a rappelé le grave accident industriel survenu en septembre 2019 au sein de l'entreprise Lubrizol de Rouen. Tout récemment, en août 2022, l'explosion d'une usine classée Seveso à Bergerac nous a rappelé la nécessité de contrôler ce type de site.

Je voudrais relayer des inquiétudes concernant la prévention des risques industriels et technologiques.

L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), qui joue un rôle central dans la connaissance de ces risques, fait face à une baisse régulière de ses moyens depuis plusieurs années. L'institut a été contraint de revoir son organisation en 2021 pour s'adapter à la baisse des subventions et des emplois publics. Cette évolution pourrait modifier, à terme, l'équilibre des recettes de l'Ineris en faveur du secteur privé.

Le risque nucléaire reste également d'actualité. S'il semble jusqu'à présent raisonnablement maîtrisé, il est aggravé par le changement climatique. Les épisodes de canicule et de sécheresse affectent également le fonctionnement des centrales en rendant le refroidissement des installations plus difficile. Plus que jamais, le nucléaire est confronté à des défis majeurs : on peut notamment citer les difficultés rencontrées par le réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville, le problème non résolu du stockage des déchets, la question de la disponibilité du parc nucléaire en raison de la corrosion sous contrainte, ou encore la volonté du Gouvernement de créer six EPR de deuxième génération. Alors que les missions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont amenées à s'accroître, je regrette que seuls quatorze ETP lui aient été accordés, pour la période 2023-2027, sur les vingt et un qu'elle réclamait. Cette demande non satisfaite par le Gouvernement était pourtant tout à fait justifiée.

J'en arrive aux risques naturels, qui tendent à devenir de plus en plus fréquents et sévères en raison du dérèglement climatique. Les inondations, mais également les tempêtes et les cyclones, qui touchent plus particulièrement les territoires d'outre-mer, occasionnent toujours plus de dégâts. Les incendies de forêt, quant à eux, ne se limitent plus au sud-est de la France et à la période estivale.

Vous le voyez, les actions de prévention des risques menées dans le cadre du programme 181 sont vastes et d'une importance cruciale. Elles concernent directement notre sécurité et notre santé.

À l'exception des agents de l'ASN, les effectifs chargés de mettre en œuvre les politiques de prévention des risques sont rattachés à l'action 16 du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». Le plafond d'emplois prévu pour cette action s'établit à 3 246 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une augmentation de 28 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2022, mais il reste inférieur à son niveau de 2017.

La quasi-stagnation des effectifs chargés de la mise en œuvre du programme 181 pose problème. L'accroissement des risques suppose au contraire de renforcer les effectifs chargés de les prévenir. L'absence de nouveaux recrutements en l'espace de six ans est d'autant plus regrettable que le ministère de la transition écologique recourt massivement à des cabinets de conseil. Or je rappelle que les missions exercées par les services chargés de la prévention des risques comportent une forte composante technique et scientifique ; la capacité de leurs agents à fournir une expertise indépendante et de haut niveau sur des sujets de plus en plus complexes et nombreux doit être préservée.

J'en viens maintenant au thème qui a retenu plus particulièrement mon attention cette année : le fonds pour l'économie circulaire et le fonds chaleur de l'Ademe.

L'Ademe occupe une place à part au sein du programme 181 puisque sa mission ne concerne pas la prévention des risques. Elle bénéficie d'une subvention pour charges de service public qui devrait atteindre 700 millions d'euros en 2023.

L'agence apporte tout d'abord un soutien important à l'économie circulaire à travers le fonds du même nom. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi Agec) a fixé des objectifs ambitieux en termes d'économie circulaire, comme celui de tendre vers 100 % de recyclage des emballages en plastique à usage unique en 2025, ou encore la réduction de 15 % des quantités de déchets ménagers produits par habitant en 2030 par rapport à 2010. L'Ademe, via le fonds pour l'économie circulaire, joue un rôle essentiel d'accompagnement technique et financier des collectivités territoriales et des entreprises dans le déploiement de cette politique.

Les crédits dont bénéficie le fonds au titre du programme 181 passent de 164 millions d'euros en 2022 à 210 millions d'euros en 2023. Cette augmentation était attendue en raison de la quasi-extinction, en 2023, des crédits accordés au titre du plan de relance. Le fonds devrait en outre bénéficier, pendant une période de cinq ans, d'une enveloppe de 470 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030.

Ce budget reste néanmoins trop limité pour espérer atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement en matière de réduction des déchets. La quantité d'ordures ménagères produites par habitant – 583 kg en 2019 – est quasiment équivalente à celle produite il y a dix ans. L'Ademe nous a indiqué que de nombreux projets identifiés ne pourraient être pris en charge par le fonds. Pour répondre à l'ensemble des demandes d'aide, il conviendrait d'augmenter de 100 millions d'euros les crédits du fonds pour l'économie circulaire : c'est ce que je propose dans un amendement.

Il est en outre urgent de réorienter les crédits du fonds vers des projets portant sur la prévention des déchets, le réemploi et la réutilisation. En 2020, 28,9 millions d'euros ont été consacrés au recyclage et 25,7 millions d'euros aux investissements dans la filière des combustibles solides de récupération (CSR) et à l'incinération des déchets. Dans le même temps, seuls 30 millions d'euros étaient alloués à la prévention des déchets, qui comprend la réparation, le réemploi et la tarification incitative.

Plusieurs mesures doivent être mises en place ou renforcées afin de réduire la quantité de déchets produits : l'accélération du développement de la tarification incitative, qui devrait concerner 25 millions de nos concitoyens en 2025 ; l'amélioration du tri des biodéchets, qui représentent encore un tiers des ordures ménagères résiduelles, alors que seules 157 collectivités avaient mis en place une collecte séparée en 2019 ; la réduction à 5,5 % du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux activités de réemploi et de réparation afin de l'aligner sur le taux en vigueur pour les activités de collecte, de tri et de recyclage des déchets.

Par ailleurs, la présence de l'Ademe doit être renforcée sur le terrain. Il s'agit de faire de l'agence un véritable interlocuteur des collectivités territoriales et des entreprises, alors que certaines d'entre elles ont le sentiment que son rôle se limite de plus en plus à celui d'un simple instructeur de dossiers. Afin de renforcer cet accompagnement, les moyens humains de l'Ademe doivent être confortés au niveau de ses directions régionales, sur le long terme et non simplement par des contrats de courte durée en intérim.

Je termine mon intervention par quelques mots sur le fonds chaleur. Ce fonds, qui accompagne le développement de la chaleur renouvelable et de récupération, est particulièrement stratégique dans le contexte actuel, tant pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre que pour accroître la souveraineté énergétique de notre pays. La chaleur, qui représente près de la moitié de la consommation énergétique totale en France, reste en grande partie produite par des énergies fossiles importées et émettrices de gaz à effet de serre. La chaleur renouvelable ne couvre qu'à peine un quart de la consommation finale de chaleur.

Les dotations du fonds chaleur ont régulièrement augmenté depuis sa mise en place en 2008, pour atteindre 520 millions d'euros en mars 2022. Ce montant devrait stagner en 2023. Or tous les acteurs que j'ai auditionnés ont indiqué que les crédits dont bénéficiait le fonds chaleur étaient largement insuffisants. J'ai donc déposé un amendement visant à les augmenter de 200 millions d'euros.

Enfin, si l'ensemble des projets doivent être soutenus, je souhaite insister plus particulièrement sur les réseaux de chaleur renouvelable. Une étude récente de l'Ademe montre qu'un développement ambitieux de ces réseaux permettrait de décarboner l'énergie consommée pour les besoins de chaleur de l'équivalent de 9 millions de logements, soit près de 21 millions d'habitants en 2050. Ce développement soutiendrait entre 41 000 et 57 000 emplois directs et indirects en 2050 : il est donc primordial et ne doit pas être limité aux grandes villes, comme c'est trop souvent le cas. Les communes de plus petite taille ont parfois l'impression que ces réseaux ne les concernent pas alors que la présence de bâtiments municipaux, de logements sociaux ou d'activités économiques devrait les inciter à étudier leur mise en place.

Je conclus en rappelant les multiples avantages des réseaux de chaleur. Au-delà de leur intérêt financier en période d'augmentation du prix des énergies fossiles, ils contribuent à mieux protéger les ménages précaires, à réduire l'empreinte carbone et à améliorer la résilience et le développement économique des territoires.

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