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Intervention de Chantal Jourdan

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Jourdan :

Le 5 octobre dernier, le groupe Socialistes et apparentés a présenté une proposition de sobriété solidaire concernant l'ensemble des secteurs d'activité, qui devrait pousser la France à prendre, dès cet automne, un grand virage en matière de mobilités, qu'il s'agisse du transport de personnes ou de marchandises, du ferroviaire, du fluvial, du routier ou de l'aérien.

Dans le domaine des mobilités du quotidien, l'État français vient une nouvelle fois d'être sanctionné pour n'avoir pas suffisamment amélioré la qualité de l'air. L'instauration de ZFE partout en France nécessite de développer des infrastructures et de rendre les moyens de transport bas-carbone accessibles à tous nos concitoyens. À cet égard, si nous nous réjouissons que le fonds mobilités actives soit doté d'un budget de 250 millions d'euros supplémentaires, on est encore loin des recommandations de l'Agence de la transition écologique (Ademe). Il faudrait planifier un investissement en faveur du vélo de 2,5 milliards d'euros pour doubler le réseau existant dans les cinq prochaines années. En outre, nous regrettons vivement l'absence d'incitations à l'utilisation des transports en commun par un billet au taux de TVA à 5,5 % ou une proposition de forfaits réduits, par exemple.

La politique du transport ferroviaire devrait être une priorité absolue. Selon M. Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF, « le seul report de 10 % de la part modale de fret et voyageurs de la route au rail atteindrait 22 % à 33 % de l'objectif de décarbonation des transports de la France ». Notre groupe considère qu'une politique très ambitieuse de l'État doit tendre vers l'objectif simple du report modal vers le ferroviaire. Or c'est le contraire qui semble acté par le Gouvernement dans le contrat de performance signé en juin dernier avec la SNCF : tous les acteurs l'estiment insuffisamment doté pour entretenir le réseau et a fortiori pour le développer. Nous demandons expressément la révision de ce contrat.

Le ferroviaire nécessite, au contraire, une vision à long terme, concrétisée par un grand plan d'investissement visant à doubler d'ici à 2030 la part du train en France. Nous proposerons d'ailleurs, par un amendement, d'organiser à l'Assemblée nationale un débat sur la politique ferroviaire, de fret et de passagers, qui pourrait déboucher sur une programmation pluriannuelle, à l'instar de ce qui existe pour l'énergie.

Ces vingt dernières années, des centaines de gares de fret et d'embranchement ont été fermées et le nombre de cheminots travaillant à Fret SNCF est descendu de 12 000 à 4 000. Pour enrayer cette évolution et atteindre l'objectif de 30 % de transport de marchandises par le ferroviaire avant 2030, nous proposons de stopper la privatisation de Fret SNCF, d'accorder un bonus aux entreprises réalisant 50 % de leur transport de marchandises par rail et de prélever 1 milliard d'euros par an sur les profits des sociétés d'autoroute afin d'investir dans le développement des infrastructures de fret ferroviaire.

Pour le transport fluvial, le Gouvernement se vante d'allouer des crédits supplémentaires à VNF, mais le PLF poursuit la trajectoire de réduction des postes – 40 ETPT perdus cette année. Nous proposons de doubler les financements alloués à Voies navigables de France, pour atteindre 400 millions d'euros.

Enfin, concernant l'aviation, les grands changements nécessaires sont abordés avec grande timidité : peu de sobriété recommandée, pas de taxe, notamment sur les jets privés, pas d'interdiction, pas d'incitation, pas d'investissement, un peu d'information, de la pédagogie. L'urgence commande pourtant des mesures significatives, cohérentes, des mesures de justice sociale et environnementale. Comment comprendre, après la crise des gilets jaunes et en période de tension de la disponibilité énergétique, que le kérosène soit exonéré de l'imposition sur les produits énergétiques ? La suppression de cette dépense publique néfaste pour le climat permettrait à la France d'économiser 3,6 milliards d'euros par an.

Autre défaut criant, l'absence de plan pour réorienter et former à d'autres métiers les travailleurs du secteur aérien. Le plus efficace pour réduire les émissions, c'est moins de vols sur les moins longues distances. Dès lors que le Gouvernement y encourage les citoyens, il doit prévoir une politique pour former les professionnels du secteur et leur trouver des débouchés.

Nous constatons néanmoins avec satisfaction que, pour les vols en jet privé, le rapporteur pour avis propose d'augmenter la fiscalité, notamment par l'assujettissement à la TICPE du kérosène, et la transparence. Ce sont des mesures de bon sens, comme l'interdiction de ces vols lorsqu'existe une autre solution de transport par le train. La loi « climat et résilience » l'impose déjà pour les autres vols. L'appel à réparer cet oubli malheureux est, pour nous, plus que bienvenu.

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