Les programmes dont je suis le rapporteur spécial financent toute la recherche non universitaire, ainsi que l'enseignement supérieur agricole.
Le programme 172 est, de loin, le principal programme dans le champ de mon rapport. Il porte à près de 8 milliards d'euros les subventions allant à un très grand nombre d'organismes, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui bénéficiera de 3 milliards d'euros, et l'Agence nationale de la recherche (ANR), principal acteur de la recherche sur projets, à hauteur d'un milliard.
Ce budget, comme les précédents, s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR), qui prévoit 25 milliards supplémentaires sur dix ans en faveur de la recherche, ciblés sur l'ANR et donc le financement sur projets.
L'augmentation des crédits du programme 172 est de 330 millions. La loi de programmation prévoyait 226 millions, dont 92 millions pour la revalorisation des personnels de la recherche. Le surplus devait financer l'augmentation des moyens des différents opérateurs du programme, dont l'ANR, pour 72 millions. La revalorisation du point d'indice contribue également à l'augmentation des crédits, à hauteur de 121 millions.
Les crédits de l'ANR passent de 884 à 961 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 9 %. Le plafond d'emplois est également dynamique, puisqu'il est porté de 318 à 338 ETPT.
Ces chiffres montrent que l'État met les moyens pour la recherche. Je regrette cependant qu'il les place parfois au mauvais endroit. J'ai été sensibilisé, lors de mes nombreuses auditions, aux problèmes que pose le choix de l'État de privilégier la recherche sur projets au détriment des financements récurrents : précarité des chercheurs, temps perdu à remplir des dossiers de candidature, manque de vision de long terme et entrave à la liberté de la recherche. Si je suis convaincu que la recherche sur projets peut être justifiée pour des thématiques très spécifiques et clairement délimitées, ou nouvelles, son développement croissant, au détriment des financements récurrents alloués aux laboratoires de recherche, représente à mon sens une menace pour l'excellence de la recherche française.
Je regrette d'autant plus cette augmentation des moyens presque exclusivement en faveur de la recherche sur projets que de nombreux opérateurs se trouvent dans une situation critique. En effet, ils doivent faire face à l'augmentation du prix de l'énergie et, dans une moindre mesure, à la revalorisation du point d'indice, dont je me félicite mais que l'État doit absolument compenser aux opérateurs, y compris pour les mois de juillet à décembre.
L'Institut Paul-Émile-Victor, opérateur logistique et de moyens pour la recherche aux pôles, fait ainsi face à de grandes difficultés. Cet institut est particulièrement vulnérable à la hausse du coût de l'énergie et des transports, en raison du lieu de ses activités. J'ai par conséquent déposé un amendement pour lui affecter des ressources exceptionnelles, et j'ai constaté avec plaisir que je n'étais pas le seul à être convaincu par la nécessité de soutenir notre recherche aux pôles. J'espère que les amendements concernant cet institut pourront être adoptés, faute de quoi la recherche aux pôles serait amoindrie voire éteinte, et la France risquerait de perdre toute influence dans cette région géostratégique.
Je me suis enfin intéressé à un enjeu très important, mais hélas trop souvent négligé, qui est l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche. Il existe de grandes disparités entre les opérateurs, mais aussi de très bons élèves, comme l'IFP Énergies nouvelles. En tout cas, j'ai été satisfait de rencontrer des opérateurs désireux de progresser sur ce sujet, et je proposerai un amendement visant à intégrer l'index de l'égalité professionnelle parmi les indicateurs de performance.
Même s'il n'est rattaché qu'à titre indicatif au programme 172 et que nous en avons déjà discuté pendant les débats sur la première partie du PLF, je regrette que des amendements relatifs au crédit d'impôt recherche (CIR), dont les miens, aient été rejetés. Le CIR devrait dépasser 7 milliards d'euros en 2023. Il aurait été souhaitable que cette dépense fiscale, extrêmement coûteuse, soit fléchée vers des activités de recherche favorables à l'environnement et davantage vers les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Le CIR est en effet plus efficace lorsqu'il est entre les mains des TPE-PME qu'entre celles des grandes entreprises. Pourtant, 77 % du montant total sont perçus par 10 % des bénéficiaires. Avouez qu'en matière de dispositif vertueux, on peut largement mieux faire.
Je suis favorable à l'adoption des crédits que je rapporte, car leur rejet ne permettrait pas de poursuivre la trajectoire prévue par la LPR pour le renforcement des moyens alloués à la recherche et la revalorisation des rémunérations des personnels. Je déplore cependant que l'augmentation se fasse majoritairement en faveur de l'ANR, opérateur de la recherche sur projets, et non en faveur des organismes de recherche, par une hausse des financements récurrents qui leur sont attribués.