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Intervention de Sylvie Retailleau

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche :

Je vous remercie de permettre un dialogue important dans ce contexte singulier. En 2023, le budget du ministère progressera de près de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2022, hors financements issus du programme d'investissements d'avenir et du plan France 2030. Ce budget est en hausse constante : il a augmenté de 3,6 milliards d'euros depuis 2017. Cette augmentation est d'autant plus notable qu'elle s'inscrit dans un contexte géopolitique et économique compliqué, et alors que le Gouvernement a déjà engagé des dépenses massives en faveur de la préservation du pouvoir d'achat des Français.

Les crédits alloués au ministère en 2023 s'élèvent à 25,7 milliards d'euros, répartis entre les trois programmes qui relèvent de ma responsabilité de la manière suivante : 14,8 milliards d'euros pour le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire ; 7,8 milliards d'euros pour le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ; 3,1 milliards d'euros pour le programme 231 Vie étudiante.

La hausse des crédits du ministère traduit trois objectifs. Le premier, conforme à l'engagement que j'avais pris devant vous, est de confirmer la trajectoire de la loi de programmation de la recherche (LPR), avec 400 millions d'euros supplémentaires et la création de 650 emplois. Le deuxième objectif est de conforter les moyens par une enveloppe de 160 millions d'euros de mesures nouvelles destinées à la réussite étudiante et au renforcement de la visibilité pluriannuelle et la responsabilité des universités sur leurs moyens. Le troisième objectif est d'améliorer les conditions de vie des étudiants, avec environ 200 millions d'euros de mesures nouvelles ou la reconduction à la rentrée universitaire 2022-2023 de certaines mesures exceptionnelles mises en œuvre pendant la crise sanitaire et prolongées depuis. Le budget pour 2023 prévoit également la compensation aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, aux organismes de recherche et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de la revalorisation du point d'indice des agents publics. Cinq cents millions d'euros supplémentaires sont ainsi « soclés » de manière pérenne.

Avant d'en venir plus en détail au PLF 2023, je dirai quelques mots du projet de loi de finances rectificative pour 2022 présenté ce matin. Ce texte concrétise notamment les mesures d'urgence prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat des étudiants, le soutien apporté aux Crous en cette fin d'année et une partie des actions que nous avons décidées pour faire face aux surcoûts énergétiques. Avec la Première ministre, nous avons annoncé, jeudi dernier, des dispositifs complémentaires permettant d'apporter un soutien efficace aux acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche confrontés à l'augmentation des coûts de l'énergie. Ces mesures permettront d'abord de limiter la hausse de la facture d'électricité en 2023 ; vous avez examiné lundi, en séance publique, le dispositif d'« amortisseur électricité » qui concernera notamment les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Même si, on le sait, les prix de l'électricité resteront supérieurs à ce qu'ils étaient en 2021, cette mesure atténuera la hausse subie par nos établissements ; j'espère vous apporter des données plus précises sur son impact au cours des prochaines semaines.

J'ai également annoncé la création d'un fonds de compensation des surcoûts énergétiques de 275 millions d'euros pour aider les établissements publics d'enseignement supérieur, les organismes nationaux de recherche relevant de mon ministère et les Crous à faire face à la hausse de ces dépenses en 2023. Ainsi entendons-nous leur permettre de préserver leurs investissements et leurs campagnes de recrutement, et de ne dégrader ni les conditions de recherche et de formation ni l'accueil des étudiants. L'ouverture de cette enveloppe est prévue dans le projet de loi de finances rectificatif pour 2022 déposé ce matin. Elle permettra aux établissements de bâtir leur budget prévisionnel pour 2023 avec de la visibilité sur leurs moyens financiers. Chaque établissement relevant du ministère sera accompagné au cas par cas : les montants versés tiendront compte des surcoûts constatés, du poids des dépenses d'énergie dans les budgets de fonctionnement et des réserves financières mobilisables dont disposent les établissements.

Les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche sont pleinement engagés dans l'objectif de sobriété énergétique. Étant donné l'importance de leur patrimoine immobilier, cette démarche est indispensable sur le plan écologique ; elle contribuera également à la baisse structurelle des consommations d'énergie. Dans ce cadre, le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé, lors du colloque consacré, le 20 octobre dernier, à la transition écologique, que des travaux sont en cours pour proposer un plan sans précédent de rénovation thermique du parc de l'État, dont celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'occasion m'est donnée d'aborder un sujet particulier qui préoccupe nombre d'entre vous : l'accompagnement de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (Ipev). La recherche polaire est essentielle à la compréhension du changement climatique et de l'évolution de la biodiversité. Je suis consciente du rôle clé que joue l'Ipev dans le soutien logistique aux scientifiques dans des conditions extrêmes, et je m'inquiète comme vous des difficultés structurelles de l'Institut. Je souhaite les résoudre dans leur ensemble, avec toutes les parties prenantes, ce pourquoi j'ai demandé dès mon arrivée au ministère que me soient proposés dans les tout prochains mois des scénarios d'évolution de l'Ipev et des stations. Dans l'intervalle, je prends l'engagement devant vous que l'Institut sera accompagné en gestion comme il est normal de le faire pour des dépenses exceptionnelles, à hauteur de ses besoins, estimés à 3 millions d'euros.

J'en reviens au PLF 2023, pour souligner à nouveau que les trajectoires en crédits et en emplois prévues par la LPR seront pleinement respectées en 2023. Á cette fin, 400 millions d'euros supplémentaires sont prévus, dont 350 millions d'euros concernent les programmes du ministère. La hausse est de 143 millions d'euros pour les universités et les établissements d'enseignement supérieur du programme 150 et de 206 millions d'euros pour les organismes nationaux et les infrastructures de recherche du programme 172. Conformément à la LPR, les 51 millions d'euros restants seront consacrés à la recherche spatiale, qui figure au programme 193.

Les mesures financées sont prévues depuis l'origine dans la LPR. Il s'agit en premier lieu de mesures relatives aux ressources humaines : 114 millions d'euros supplémentaires amélioreront la rémunération et les carrières de l'ensemble des agents, fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou privé, travaillant dans des organismes de recherche ou des universités et écoles. Je souligne que la hausse du point d'indice ne se substitue pas à ces mesures mais s'y ajoute.

À cette enveloppe s'ajoute la hausse d'environ 40 millions d'euros prévue pour le recrutement de doctorants supplémentaires et la revalorisation de leur rémunération. Nous mettons ainsi en œuvre l'objectif de la LPR visant à ce que notre pays compte plus de doctorants, mieux rémunérés. Je réaffirme ma volonté que ces revalorisations s'appliquent non seulement aux nouveaux contrats, comme il était prévu jusqu'à présent, mais aussi aux contrats en cours, sans quoi un sentiment d'iniquité aurait pu apparaître. Aussi, à compter du 1er janvier 2023, la rémunération mensuelle minimale de tous les doctorants sera portée au niveau actuellement fixé pour les seuls contrats conclus depuis le 1er septembre 2022, et s'appliquera aussi la hausse de 3,5 % du point d'indice. La rémunération mensuelle minimale de tous les doctorants contractuels du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche s'établira donc à 2 044 euros bruts. Un arrêté interministériel permettra prochainement cet ajustement.

D'autre part, les autorisations d'engagement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour la sélection de nouveaux projets sont maintenues au niveau fixé par la LPR – qui ne prévoyait pas de montée en charge en 2023 –, soit 400 millions d'euros de plus qu'en 2020, année de référence. Les effets de l'augmentation des autorisations d'engagement de l'ANR sont déjà visibles, avec un taux de sélection des projets qui s'établit désormais à 23 % et, concomitamment, un abondement financier aux établissements avec un préciput qui passera à 28,5 % en 2023. L'augmentation du nombre de projets sélectionnés se traduit logiquement par une hausse d'environ 44 millions d'euros en crédits de paiement.

En troisième lieu, les budgets des organismes de recherche et des universités sont augmentés de 91 millions d'euros pour garantir la soutenabilité de leurs recrutements et élever la dotation de base aux laboratoires de recherche.

D'autres augmentations, pour 81 millions d'euros supplémentaires, permettront d'améliorer les grands équipements scientifiques et de renforcer le lien entre sciences et société en amplifiant la diffusion de la culture scientifique et les transferts des résultats de la recherche vers les entreprises. Enfin, les 650 créations de postes soutiendront l'attractivité de la recherche ; sont prévus 179 nouvelles chaires de professeur junior, 377 doctorants supplémentaires et 94 postes dans les organismes de recherche. Vous le voyez, le budget pour 2023 traduit mon engagement de réinvestir dans la recherche en poursuivant la dynamique de la LPR, sans rien retrancher de notre ambition commune.

Sur un autre plan, une nouvelle augmentation de près de 700 millions d'euros des moyens de l'enseignement supérieur permettra d'améliorer la réussite étudiante et de renforcer la visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens. Á ce sujet, je distinguerai trois blocs de mesures. Le premier concerne les 143 millions d'euros alloués aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche au titre de la LPR dont je viens de vous parler. Le deuxième bloc de mesures se traduit par les 364 millions d'euros prévus en compensation de la revalorisation du point d'indice, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros de crédits de titre II pour les établissements ne relevant pas du régime des responsabilités et compétences élargies.

Enfin, une enveloppe de quelque 160 millions d'euros est destiné à un troisième bloc de mesures nouvelles en faveur de l'enseignement supérieur. Ces crédits concernent principalement la prise en compte de l'évolution de la démographie étudiante, avec le « soclage » pérenne des 50 millions d'euros de crédits ouverts au titre du plan de relance pour la création de places de master et de licence ; une enveloppe complémentaire de 8 millions d'euros destinée à maintenir le taux d'encadrement dans les établissements relevant du programme 150 à la rentrée universitaire 2023-2024 ; le financement d'annonces ou de réformes déjà engagées, avec 13 millions d'euros consacrés aux coûts d'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et 8 millions d'euros à la création de places dans les formations en santé à la prochaine rentrée. Je mentionnerai en particulier la création de six nouvelles unités de formation et de recherche (UFR) d'odontologie, la hausse du taux d'encadrement en deuxième cycle et la création d'un nouveau site aux Antilles.

Le lancement de nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance dont je vous ai parlé lors de ma précédente audition vise à renforcer la visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens et leur implication dans la mise en œuvre des politiques prioritaires de l'État. Trente-cinq millions d'euros leur sont alloués dans le PLF 2023, qui s'ajoutent à l'enveloppe du dialogue stratégique de gestion ; c'était l'une de mes priorités, et l'application pourra démarrer dès 2023.

La programmation immobilière du ministère conduit à 30 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement, en raison de la montée en charge des projets prévus dans les contrats de plan État-région (CPER) et de l'augmentation de près de 400 millions d'euros des autorisations d'engagement, notamment pour permettre le lancement du campus hospitalo-universitaire Saint- Ouen Grand Paris-Nord.

La compensation en base aux établissements de mesures de ressources humaines transversales mises en œuvre en 2022 – ainsi des revalorisations de certains personnels administratifs, sociaux et de santé – est prévue à hauteur de 17 millions d'euros.

Enfin, le budget 2023 permettra d'améliorer les conditions de vie étudiante et de continuer à lutter contre la précarité étudiante. Il traduit bien sûr les mesures annoncées avant l'été par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat de nos étudiants, dont les deux principales auront à elles seules un impact de 135 millions d'euros l'an prochain : la revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée universitaire 2022-2023 coûtera 85 millions d'euros environ en année pleine ; le maintien du repas à 1 euro dans les restaurants universitaires pour les étudiants précaires représentera pour les Crous un manque à gagner d'environ 50 millions d'euros qui sera intégralement compensé par l'État.

Le PLF 2023 permettra encore de renforcer l'accompagnement des étudiants, de mieux protéger leur santé, de mieux prendre en compte leurs difficultés. Je pense, ce disant, au doublement des moyens – ils augmenteront de 1,8 million d'euros – consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement. C'est pour moi un sujet majeur dont j'ai parlé il y a quelques semaines lors du lancement d'une campagne de sensibilisation sur le consentement. Nous amplifierons ainsi notre soutien aux associations et aux établissements dans leurs projets de prévention et de formation. Je pense également au doublement des moyens pour l'accompagnement des étudiants en situation de handicap, avec une dotation en hausse de 7,5 millions d'euros, conformément aux conclusions du comité interministériel au handicap de février 2022. J'ai annoncé récemment la réforme, pour laquelle je mobiliserai 8,2 millions d'euros supplémentaires, des services de santé universitaire, appelés à devenir les services de santé étudiante (SSE). Les crédits ouverts l'an dernier pour financer la distribution gratuite de protections périodiques dans les restaurants et résidences universitaires sont par ailleurs pérennisés. Je pense enfin à l'augmentation de 3 millions d'euros de l'enveloppe allouée à la mobilité étudiante pour faciliter les études dans d'autres académies et à l'international.

Le PLF 2023 traduit aussi le soutien apporté au réseau des Crous. L'impact de la hausse du point d'indice, soit 15 millions d'euros, sera compensé en 2023. Il le sera également en 2022 dans le cadre du schéma de fin de gestion. Le PLF 2023 permettra de revaloriser le salaire des agents du réseau, notamment des personnels ouvriers, à hauteur de 12 millions d'euros supplémentaires. D'autre part, 4 millions d'euros supplémentaires seront alloués à la mise en œuvre des objectifs de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (loi Egalim), ces objectifs impliquant le renchérissement des coûts d'approvisionnement. Est également prévu le renforcement des services sociaux des Crous, avec le recrutement de quarante travailleurs sociaux supplémentaires. Le dispositif de référents étudiants en résidence universitaire sera pérennisé pour lutter contre l'isolement des étudiants et améliorer leur accueil en résidence.

Avant de conclure, je rappelle qu'au budget du ministère s'ajoutent les crédits de France 2030, plan d'investissement massif qui vise à répondre aux défis de notre temps, la transition écologique en particulier. La recherche et l'innovation sont à la source des nouvelles découvertes, qu'il s'agisse des fonds marins ou de l'espace, de nouveaux médicaments ou de nucléaire, d'agriculture ou de mobilités propres. Le déploiement de ces innovations imposera de former de nouveaux talents en s'appuyant, entre autres, sur l'excellence de nos sites universitaires et de nos établissements d'enseignement supérieur – et plus de 13 milliards d'euros seront investis au bénéfice des acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation pendant la période 2020-2027.

Le budget du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche est un budget important au sein du budget de l'État. Malgré les contraintes actuelles il est, cette année encore, en augmentation. Cela traduit l'engagement renouvelé du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, en faveur de nos étudiantes et de nos étudiants, et donc en faveur de notre avenir.

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