Intervention de Claudia Rouaux

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 17h40
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudia Rouaux, rapporteure pour avis :

Cette mission comporte trois programmes. Le programme 219 rassemble les crédits des politiques sportives. Le programme 350 retrace les contributions de l'État aux deux organisateurs des JO de Paris 2024 – la Solideo et le Cojop. Le programme 163 finance la vie associative et certains dispositifs en faveur de la jeunesse, notamment le service civique et le SNU.

Avec ses 1,82 milliard d'euros de crédits de paiement (CP), la mission Sport, jeunesse et vie associative n'est sans doute pas la mieux dotée au sein du PLF, mais elle met en œuvre des politiques publiques essentielles pour la vie de la nation : le développement du sport pour tous ainsi que de la vie associative ; le soutien à la jeunesse et à l'éducation populaire.

Les crédits demandés au titre de ces trois programmes s'élèvent à 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,82 milliard d'euros en CP.

Si l'on soustrait les crédits consacrés à l'organisation des JO, qui obéissent à une logique et à une programmation budgétaire propres, les CP atteignent 1,52 milliard d'euros, soit 100 millions d'euros de plus qu'en 2022.

C'est un niveau inédit, ce que je salue en toute objectivité.

J'ai conduit vingt-sept auditions, ce qui m'a permis de rencontrer de nombreux acteurs du monde du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire. Il en ressort un constat partagé : les moyens sont disponibles. Cependant une question est sur toutes les lèvres, et je la reprends à mon compte : « Pour combien de temps ? »

La quasi-totalité des personnes auditionnées ont exprimé la même inquiétude sur les crédits du sport. Ces crédits sont en forte hausse depuis l'attribution des JO à la France. Cependant, le risque est grand qu'une fois les Jeux terminés, la lumière budgétaire s'éteigne sur la scène sportive. La lecture du projet annuel de performances (PAP) du programme Sport est à ce titre éclairante. Si les crédits atteignent 690 millions d'euros en 2023, ils ne seraient plus que de 591 millions d'euros en 2024 et de 554 millions d'euros en 2025, soit une baisse de 20 %.

Comme je l'ai écrit dans mon rapport, la construction d'une « grande nation sportive », pour reprendre les mots du Président de la République, passe par la stabilité budgétaire et une vision pluriannuelle claire pour le monde du sport. Je m'associe d'ailleurs à mon collègue Belkhir Belhaddad pour réclamer une loi d'orientation et de programmation pluriannuelle du sport, très attendue par les élus locaux. Ce serait là un signal fort en direction du monde sportif et la démonstration par l'État qu'il entend poursuivre son effort après les Jeux. Il faut un grand plan Marshall de construction et de rénovation des équipements sportifs, avec une enveloppe de 500 millions d'euros par an.

Pour 2023, la hausse des crédits du sport profite essentiellement à l'action 01, qui regroupe les crédits du sport amateur, notamment le financement du pass'sport visant à soutenir l'activité physique et sportive des jeunes. Je soutiens ce dispositif mis en place par le Gouvernement en 2021 et que mon groupe proposait depuis 2019, notamment par la voix de mon collègue Régis Juanico. Je salue les simplifications apportées à la rentrée 2022, qui ont nettement amélioré le taux de recours au dispositif. Ainsi, au 1er octobre, le nombre de bénéficiaires du pass'sport augmente de près de 50 % par rapport à l'an dernier ; quant au nombre de clubs engagés dans le dispositif, il progresse de 18 %. Alors que l'université est trop souvent frappée par un décrochage sportif, l'extension du pass'sport aux étudiants boursiers est très pertinente. Le dispositif gagnerait également à être élargi aux fédérations sportives scolaires, qui font un travail remarquable mais ont perdu beaucoup de licenciés du fait de la crise sanitaire.

Plus largement, je souhaiterais relancer la réflexion sur le soutien apporté par les pouvoirs publics à l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (Usep), qui intervient dans les écoles maternelles et élémentaires. Lors des débats sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, la question de la création obligatoire d'une association Usep dans chaque école avait été posée. Les produits d'affiliation et d'adhésion représentent 35 % des recettes de l'Usep et les subventions sont très faibles, puisqu'elles n'atteignent que 1,9 million d'euros pour l'ensemble des ministères et l'ANS. On ne compte que 7 000 associations Usep sur le territoire. Je souhaite qu'à terme, chaque école dispose d'une association, notamment pour organiser les trente minutes d'activité physique quotidienne.

Je souhaite également interroger Mme la ministre des sports sur les effectifs de conseillers techniques et sportifs (CTS). Les CTS sont des agents du ministère des sports dont la qualité et l'engagement au service des fédérations sont unanimement reconnus. Après dix ans d'« hémorragie », pour reprendre les mots de Ludovic Royé, président de l'Association des directeurs techniques nationaux, que j'ai auditionné, les effectifs se sont stabilisés à 1 442 agents selon la direction des sports. Des redéploiements sont-ils prévus ? Font-ils l'objet de concertations avec les fédérations concernées ? Un concours de professeur de sport option CTS sera organisé en 2023 : le nombre de places a-t-il été fixé et permettra-t-il d'assurer la stabilité des effectifs ? Plus généralement, comment comptez-vous revaloriser l'attractivité de ce corps vieillissant, dont l'avenir inquiète ses agents et les fédérations ?

S'agissant du programme Jeunesse et vie associative, je m'interroge sur la pertinence de certains dispositifs, leur articulation et leurs modalités d'évaluation. Je pense en particulier au mentorat. Quel premier bilan peut-on tirer de ce dispositif, doté de 27 millions d'euros ? Je m'interroge également quant à l'efficacité du compte d'engagement citoyen, censé encourager et valoriser le bénévolat. Les crédits qui lui ont été consacrés ont été très largement sous-consommés et la dotation pour 2023 est en forte diminution. La Cour des comptes vous a recommandé d'examiner l'opportunité du maintien de ce dispositif : qu'en est-il aujourd'hui ?

Je regrette que les crédits dédiés au soutien à la vie associative n'augmentent pas, alors que la crise du bénévolat et la crise énergétique fragilisent le tissu associatif local. Cela m'a conduite à déposer un amendement visant à doubler les crédits du FDVA. Sa dotation atteindrait 100 millions d'euros, ce qui me semble un minimum dans le contexte actuel.

Le service national universel suscite beaucoup d'interrogations. Sa généralisation semble avoir été écartée pour le moment. Où en est la réflexion en la matière ?

Je souhaite enfin vous alerter au sujet de la progression dramatique des comportements sédentaires et de l'inactivité physique chez les jeunes. En cinquante ans, les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25 % de leur capacité physique. Aujourd'hui, 66 % des 11-17 ans présentent un risque sanitaire préoccupant, parce qu'ils passent plus de deux heures par jour devant un écran et ont moins de soixante minutes d'activité physique par jour ; 49 % des mêmes 11-17 ans présentent un risque sanitaire très élevé, passant plus de quatre heures et demie devant un écran ou ayant moins de vingt minutes d'activité physique par jour. Ce constat est alarmant et appelle une mobilisation de la société tout entière. J'ai entendu de nombreux professionnels de l'activité physique et sportive, notamment le docteur Sophie Cha, médecin conseiller à la délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) de Bretagne, qui m'a indiqué que de jeunes adultes souffraient déjà de troubles cognitifs liés au manque d'activité physique dans l'enfance. La société est en train de préparer les invalides de demain. Certains d'entre eux souffriront d'ostéoporose à 35 ans. Le tableau est sombre ; aussi devons-nous agir davantage.

La construction d'une nation sportive passe d'abord par l'école. De ce point de vue, l'enseignement de l'éducation physique et sportive (EPS) et le sport scolaire doivent être renforcés. Les trois heures obligatoires en primaire sont rarement respectées. Nous gagnerions à écouter davantage les acteurs de l'éducation nationale, dont le dont le Syndicat national de l'éducation physique (SNEP-FSU) qui a fait des propositions intéressantes pour revaloriser l'EPS.

J'ai observé un décrochage de la pratique physique entre la fin de l'enseignement secondaire et le début de l'enseignement supérieur. Les universités manquent d'encadrants et d'infrastructures sportives, si bien que de nombreux étudiants qui souhaiteraient pratiquer une activité physique se voient refuser l'inscription, faute de places.

Les crédits qui nous sont proposés sont encore insuffisants, et je regrette que mes amendements en première partie visant à rehausser les plafonds des taxes affectées au sport afin de dégager 100 millions d'euros supplémentaires pour les petits clubs et associations sportives de nos territoires n'aient pu être discutés. Je constate cependant un engagement certain de l'État en faveur du sport et de la jeunesse, qui doit impérativement être maintenu dans les années à venir. Je donne donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

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