Ce projet de loi de finances, le premier de la législature, est un marqueur de notre ambition en matière d'éducation. Traduisant les engagements du Président de la République, il représente un projet d'investissement massif et sans précédent dans l'enseignement scolaire, au service des élèves, pour préparer l'avenir de la nation.
Cette augmentation inédite s'inscrit dans une dynamique de croissance constante depuis 2017. En effet, lors du précédent quinquennat, le budget de l'Éducation nationale a progressé de 13 %, passant de 48,8 milliards d'euros en 2017 – hors contribution des pensions de l'État – à 55,2 milliards en 2021. Néanmoins, ce budget, par l'ampleur de l'augmentation proposée, constitue une rupture. Ainsi, le PLF pour 2023 prévoit un budget de 59,7 milliards, soit 3,7 milliards supplémentaires par rapport à 2022, ce qui représente une croissance de 6,5 %. La hausse est considérable et inédite.
Les priorités s'organisent autour de cinq axes. Le premier, la revalorisation de l'enseignement, est celui qui compte le plus dans le budget. La revalorisation est indispensable à toute action de refondation et de transformation de l'école. Il s'agit de reconnaître l'engagement des enseignants au service de leurs élèves et de leur pays, un engagement qui, reconnaissons-le, n'a pas toujours été récompensé à sa juste valeur. Il s'agit aussi d'une question de niveau de vie, et d'un marqueur indispensable de considération, de respect et de soutien pour ces agents publics qui apportent tant à la société. Je n'ai pas besoin d'insister sur les difficultés de recrutement que nous rencontrons.
Si cet effort a été amorcé en 2017 par mon prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, notamment dans le cadre du Grenelle de l'éducation, le PLF pour 2023 traduit une ambition nouvelle. Ainsi, la revalorisation des rémunérations représente une enveloppe totale de 1,135 milliard, ce qui est d'autant plus considérable qu'elle est budgétée pour seulement quatre mois – elle entrera en vigueur le 1er septembre prochain.
Cette revalorisation est composée de deux parties. La première est inconditionnelle ; la seconde sera perçue dans le cadre d'un pacte, à condition que les enseignants exercent certaines missions. Celles-ci seront définies dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales ouverte le 3 octobre.
La première partie dispose d'une enveloppe de 635 millions, ce qui représente 1,9 milliard en année pleine. En concentrant les moyens sur la première partie de carrière – les vingt premières années –, l'objectif est de casser le faux plat qui caractérise la progression de salaire sur cette période. Cette enveloppe permet de prolonger l'effort fourni dans le cadre du Grenelle de l'éducation et complète la hausse du point d'indice des fonctionnaires, pour aboutir à une hausse moyenne de 10 %. La promesse du Président de la République sera tenue : aucun nouvel enseignant ne sera payé moins de 2 000 euros net par mois.
Les personnels en fin de carrière ne sont pas oubliés. L'accès aux grades finaux – hors classe et classe exceptionnelle – sera amélioré dans le cadre de mesures interministérielles encore en discussion.
La revalorisation passera aussi par un pacte, proposé à tous les enseignants. Ils percevront, s'ils exercent certaines missions, une hausse supplémentaire de rémunération. Sans préjuger des conclusions des concertations en cours, la formation hors temps d'enseignement, la mise en œuvre de projets pédagogiques, le suivi individualisé des élèves, l'aide à l'orientation ou le remplacement de courte durée pourraient faire partie des missions considérées. D'ailleurs, elles sont souvent déjà effectuées, sans être pleinement valorisées.
En prenant en compte la part inconditionnelle, la revalorisation pourra être portée à 20 % pour les enseignants volontaires. Ce dispositif conditionné est doté d'une enveloppe de 300 millions ; l'équivalent en année pleine évoluera, à compter de 2024, en fonction du rythme des adhésions au pacte. L'ensemble des enseignants, y compris ceux des lycées professionnels, bénéficieront de ces revalorisations.
Les autres professionnels de l'Éducation nationale pourront bénéficier de mesures catégorielles, les enjeux d'attractivité et de reconnaissance pouvant aussi toucher ces catégories. Ainsi, la prime en réseau d'éducation prioritaire (REP) et réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP +) sera étendue à des personnels qui ne la touchaient pas, tels que les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les assistants d'éducation (AED). Cela correspond à une enveloppe totale de 74 millions d'euros. Par ailleurs, les personnels de la filière médico-sociale, les personnels administratifs ou les conseillers pédagogiques bénéficieront de revalorisations spécifiques. Une enveloppe de près de 66 millions d'euros sera mobilisée pour l'ensemble de ces mesures catégorielles.
La réussite de tous les élèves constitue le deuxième axe et se traduit, d'un point de vue budgétaire, par deux actions. L'amélioration du taux d'encadrement sera poursuivie dans le premier degré et stabilisée dans le second degré. Les dispositifs tels que les dédoublements en REP, le plafonnement à 24 élèves des classes de primaire hors REP ou le développement des classes unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) seront étendus.
Cela peut paraître antinomique avec le schéma d'emploi négatif. En réalité, le mouvement démographique, qui entraîne la baisse du nombre d'élèves chaque année, s'accélère. En dix ans, le nombre annuel des naissances est passé de 830 000 à 738 000. La baisse du nombre d'élèves – de 300 000 – constatée lors du dernier quinquennat, va s'accentuer, à un rythme de 100 000 élèves par an. À la rentrée 2022, nous constatons une diminution de 58 000 élèves, légèrement moins importante que prévu car 19 000 élèves ukrainiens sont venus renforcer les effectifs. Nous devrions compter entre 95 000 et 100 000 élèves en moins pour l'année scolaire 2023-2024.
Si nous devions répercuter l'intégralité de cette baisse sur le nombre d'enseignants, nous supprimerions 5 000 postes. En limitant la réduction à 2 000 postes, nous poursuivons l'effort engagé pour améliorer le taux d'encadrement. Dans le premier degré, qui est notre priorité, nous sommes passés de 23,6 enfants à 21,6 enfants en moyenne par classe entre 2016 et 2022 ; nous prévoyons de faire encore baisser ce chiffre en 2023 pour atteindre 21,3 élèves en moyenne par classe.
Au-delà des dispositions budgétaires, la réussite des élèves passera par des réformes structurantes, comme celle du collège, à laquelle nous travaillons activement.
Le Président de la République a souhaité procéder, dans le cadre d'une large concertation menée par la ministre déléguée Carole Grandjean, à la réforme de l'enseignement professionnel. Certains amendements témoignent de la crainte d'une remise en cause de l'acquisition des fondamentaux. Une voie doit être trouvée pour préserver l'acquisition des connaissances générales tout en améliorant l'insertion des élèves de lycées professionnels dans le marché du travail. Le PLF pour 2023 ne traduit pas ces orientations, qui ne seront prises qu'à l'issue de la phase de concertation – dès vendredi, quatre groupes de travail seront lancés.
Le troisième axe, c'est la poursuite de l'école inclusive. Celle-ci demeure plus que jamais une priorité, pour mon ministère comme pour le Gouvernement. Ainsi, 4 000 postes d'AESH sont créés pour la rentrée 2023, après une hausse identique en 2022. Vos propositions d'amendements font apparaître une préoccupation légitime quant à la situation financière de ces personnels. Je partage les objectifs de revalorisation et de « déprécarisation ».
Je tiens néanmoins à souligner que l'avenir de cette profession doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale sur l'école inclusive ; il nous faut travailler sur la diversité des formes d'accompagnement, rénover les modalités de notification, privilégier l'évaluation des besoins des élèves en situation de handicap. Des concertations ont débuté après la tenue, le 8 octobre, du comité interministériel sur le handicap. Elles permettront d'engager des évolutions plus profondes.
Mais nous travaillons déjà à l'amélioration des conditions de rémunération des AESH. Ainsi, ils bénéficieront des primes d'exercice en REP et REP +, pour une enveloppe de 43 millions. La revalorisation de la rémunération passe également par une progression du temps de travail, l'objectif étant que ceux qui le souhaitent puissent effectuer 35 heures. Cela représente un gain substantiel de revenu pour ces personnels essentiels à la réussite des élèves.
La lutte contre les inégalités constitue le quatrième axe de notre action. Elle est au fondement de notre capacité à faire société, elle est la condition du bon fonctionnement de l'éducation nationale et de l'amélioration globale de nos résultats. Nous développons les dispositifs de soutien aux familles les plus fragiles grâce à une hausse des bourses de 4 % dès la rentrée 2022, ce qui représentera 835 millions en 2023. Par ailleurs, nous encourageons fortement les établissements à mieux utiliser leurs fonds sociaux, actuellement sous-consommés.
Le dispositif visant à offrir des petits-déjeuners gratuits à l'école sera amplifié, le nombre d'établissements demandeurs étant en augmentation : une enveloppe en forte hausse y est consacrée, pour un total de 21,3 millions d'euros.
Je suis très vigilant en matière d'inégalités territoriales. L'expérimentation des contrats locaux d'accompagnement et des territoires éducatifs ruraux sera étendue. Près de 9 millions d'euros sont inscrits au PLF 2023 pour ces deux dispositifs qui complètent la carte de l'éducation prioritaire.
La baisse des effectifs d'enseignants tiendra compte des enjeux liés à la ruralité. Conformément à l'engagement du Président de la République, aucune fermeture d'école n'interviendra sans l'accord des maires.
Enfin, l'enjeu de la mixité sociale est essentiel pour la réussite des élèves les plus défavorisés, tout comme l'ouverture vers des parcours plus diversifiés. Nous poursuivons la création de sections internationales en éducation prioritaire pour faire de ces établissements des centres attractifs.
Le cinquième et dernier axe consiste à donner aux équipes éducatives qui le souhaitent des moyens pour construire des projets pédagogiques innovants. Ces moyens sont inclus dans le fonds d'innovation pédagogique, dont la création a été annoncée par le Président de la République, dans une optique de généralisation de l'expérience « Marseille en grand ». Ce fonds a pour vocation de financer des projets qui s'inscrivent dans la continuité des projets d'établissement, et qui pourront être très divers dès lors qu'ils visent à améliorer la réussite des élèves. Ils devront se rapporter à l'une au moins des trois dimensions fondatrices de la politique éducative : l'élévation du niveau de tous les élèves, la réduction des inégalités, le bien-être des élèves. Je me réjouis de constater que, depuis deux semaines, plusieurs centaines d'établissements se sont déjà lancés dans des concertations.
Cette approche constitue une rupture fondamentale. Elle s'appuie sur une déconcentration totale du financement et une réponse rapide aux propositions issues du terrain. Le fonds d'innovation pédagogique permettra par exemple – comme le proposent certains de vos amendements – de financer du matériel adapté aux élèves en situation de handicap, des projets culturels, environnementaux ou centrés sur des méthodes innovantes d'apprentissage des savoirs fondamentaux. Ce fonds sera doté de 500 millions d'euros sur la durée du quinquennat, et de 150 millions dès l'année 2023. Il s'agit d'un montant considérable, qui permettra à toutes les équipes souhaitant s'engager dans cette démarche d'être soutenues financièrement.
Je suis certain qu'avec ce fonds, en faisant confiance aux communautés éducatives dans les écoles et établissements, en leur permettant de construire des projets qui répondent aux besoins qu'elles identifient, nous parviendrons à transformer l'école, au bénéfice de tous les élèves. Pour 2023, les crédits du fonds sont inscrits dans la mission Investir pour la France de 2030.