Le ministère des Armées a, comme acheteur, un devoir de clarification et de fiabilisation dans le temps de ses besoins. Un travail a été lancé à ce sujet depuis plusieurs semaines. Nous devons donner plus de visibilité aux industriels, afin qu'ils puissent prendre davantage de risques. Je réponds ainsi au député Cormier-Bouligeon sur la question des stocks.
Nous devons en outre distinguer les produits qui s'exportent et ceux qui ne s'exportent pas, soit parce qu'ils relèvent de la dissuasion soit parce qu'ils ne se vendent pas dans d'autres pays. Nous ne pouvons pas avoir les mêmes exigences vis-à-vis de tous les industriels. À Bourges, l'usine Nexter qui fabrique les canons Caesar, désormais internationalement connus, peut prendre des risques, car ses débouchés sont assurés, en France et à l'étranger. Je salue d'ailleurs les efforts engagés par cette entreprise pour augmenter ses capacités.
Comme je l'ai rappelé hier lors des questions au Gouvernement, il faut parfois être opiniâtre. Dassault l'a été. Tout le monde se félicite du succès du Rafale aujourd'hui mais, pendant longtemps, mes prédécesseurs ont subi des attaques remettant en cause la pertinence de cet investissement.
Je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur ce point en répondant au député Thiériot mais je suis favorable à un agenda de relocalisation. Les enseignements du covid doivent être tirés. La plupart des liaisons commerciales dans le monde étaient fermées et certaines industries peinaient à trouver certains composants. Au-delà des stocks, nous devons donc fiabiliser notre BITD. Même si cette audition est publique, j'ose évoquer les risques de sabotage. Nous sommes potentiellement vulnérables. J'ai demandé à l'ensemble des acteurs d'analyser les vulnérabilités des chaînes de production, pour éventuellement dédoubler certains moyens et de s'assurer qu'ils disposent des matériels critiques en suffisamment d'exemplaires, quel qu'en soit le prix. Nous en revenons à une approche gaullienne et à un militantisme franco-français qu'il nous faut assumer.
Le PLF pour 2023 renvoie aux efforts engagés dans le domaine de l'économie de guerre et au tournant que nous allons opérer dans la prochaine LPM. Nous ne pouvons pas nous contenter de faire pression sur la BITD. Nous devrons également l'accompagner. Nous aurons l'occasion de revenir sur les moyens prévus à cet effet.
Je remercie le député Fiévet d'avoir évoqué l'opération Héphaïstos, effectivement méconnue. Par le passé, les armées intervenaient principalement en outre-mer, voire dans le sud de la France. Elles l'ont fait cet été dans des départements où nous ne l'aurions jamais imaginé, comme la Gironde ou encore plus au nord. Les armées se sont également fortement mobilisées en Corse, où elles ont conduit des manœuvres centrales pour la réussite des opérations.
Je ne peux pas apporter de réponse en ce qui concerne la Formisc, puisqu'elle est placée sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Nous avons toutefois prévu d'aborder prochainement le sujet en bilatéral. Nous devons essayer de renforcer la cohérence entre la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) et la LPM. Il existe forcément des passerelles. Elles peuvent être statutaires pour les gendarmes, sapeurs-pompiers de Paris ou marins-pompiers de Marseille ou liées à des missions. Les problématiques de cyber et d'hybridité concernent les deux ministères. Nous devons davantage raisonner de manière interministérielle, raison pour laquelle a été créé le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
En ce qui concerne le plan « famille », évoqué par la députée Métayer, deux pistes d'amélioration pourraient être étudiées dans le cadre d'un groupe de travail commun entre le Parlement et le ministère. Le premier concerne les mutations, qui sont très nombreuses au sein des armées. Le second a trait à la petite enfance. L'accès aux crèches n'est pas un sujet propre aux militaires mais les difficultés sont décuplées quand les mutations ne suivent pas le calendrier scolaire. Ces deux exemples ne sont pas exclusifs mais ils me semblent devoir être traités en priorité.
S'agissant des réserves, sur lesquelles m'a interrogé le député Ardouin, j'ai déjà évoqué le volet quantitatif. J'insisterai donc plutôt sur le volet qualitatif. Les armées doivent formaliser des expressions de besoins vis-à-vis de l'emploi des réservistes. Cette réflexion est pratiquement achevée. Le sujet pourra également être abordé dans le cadre du groupe de travail que je souhaite mettre en place avec le Parlement pour préparer la prochaine LPM.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous devrons traiter la question des déserts militaires et de la territorialisation des réservistes. La création de réserves pourra également être envisagée dans certaines unités. Des propositions seront notamment formulées pour la DGA, où la réserve ne concerne que les officiers, qui doivent en outre être ingénieurs. Pour certains métiers particuliers, pourquoi ne pourrait-elle pas intégrer des sous-officiers ?
S'agissant du service de santé des armées, nous devons proposer plus largement aux personnels de soins civils, issus de la médecine libérale ou hospitalière, d'intégrer les réserves. Nous ne pouvons pas écarter l'éventualité d'être confrontés simultanément à un attentat, une pandémie et une préparation opérationnelle au combat. Nous avons vécu ces situations au cours des dernières années. Même si nous renforçons ses moyens, le service de santé des armées ne pourra pas voir ses effectifs augmenter massivement. Il doit donc pouvoir s'appuyer sur des moyens complémentaires.
Par le passé, le service militaire permettait d'intégrer presque automatiquement les jeunes médecins dans les réserves. À la fin de leur internat, ils avaient souvent un statut de médecin-capitaine ou de médecin-commandant en fonction de leur spécialité. En cas de conflit, nous étions capables de rappeler de nombreux personnels de santé. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux seraient certainement ravis d'être réservistes et de pouvoir accomplir des missions utiles pour le pays. Dans le domaine sanitaire, les réserves peuvent être un levier d'adaptation à la haute intensité.
Concernant les réticences des employeurs, j'ai reçu une délégation importante du Medef, qui est particulièrement engagé à ce sujet. J'ai également commencé des consultations avec les représentants des salariés. L'État doit montrer l'exemple au travers de la fonction publique. S'il ne le fait pas, il est ensuite difficile de demander aux chefs d'entreprise d'accepter des efforts. Beaucoup y sont prêts, à condition toutefois que les règles soient claires. Ils pourraient notamment être informés quand l'un de leurs salariés signe un engagement à servir dans la réserve (ESR). Ce point pourra en tout cas faire l'objet de débats dans le cadre du groupe de travail que je souhaite mettre en place avec le Parlement. Ce dernier pourra également réfléchir à la reconnaissance des employeurs qui libèrent leurs salariés ou aux éventuelles adaptations du droit du travail. Je n'ai pas de tabou dans ce domaine.
Le député Royer-Perreaut m'a interrogé sur le projet d'hôpital militaire à Marseille. Il est important pour les forces armées de disposer de cet équipement. Les discussions se poursuivent avec les élus locaux au sujet du foncier.
Je laisserai le chef d'état-major de la marine apporter des précisions sur l'expérience menée sur le Mistral. Le SGA répondra à la question sur la protection sociale complémentaire.
La députée Lingemann a évoqué, pour le compte du député Lainé, la problématique du logement. Le PLF pour 2023 prévoit 5 503 hébergements pour les unités d'Hyères, Toulon, Bourges et Saint-Mandrier et 4 600 places pour Versailles, Brest ou Istres. Nous préciserons ces chiffres qui ne sont pas très explicites quand ils seront présentés de manière globale. Nous poursuivrons les efforts déjà engagés dans le cadre de la prochaine LPM. Nous devons nous appuyer plus largement sur les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Un modèle économique existe autour du logement pour les militaires, comme l'a prouvé le développement de la société nationale immobilière (SNI). Des réflexions sont en tout cas indispensables pour élargir l'offre immobilière, par la construction ou la rénovation.