L'inflation a été évoquée dans de nombreuses interventions, ce qui est parfaitement légitime. Elle a toujours existé mais prend des proportions nouvelles.
Les lois de programmation s'inscrivent dans un cadre pluriannuel et peuvent subir des variations. Nous en subissons certaines et nous en assumons d'autres. Les choix ne sont pas figés. Les achats restent guidés par les besoins, qui peuvent évoluer au fil du temps. Si nous ne procédions pas aux ajustements nécessaires, vous seriez fondés à nous le reprocher.
En ce qui concerne l'inflation, disposer d'un budget aussi important nous donne des marges de manœuvre. Nous assumons les reports de charges. Nous estimons les effets de l'inflation à 1 milliard sur l'ensemble du budget et, comme le SGA en a fait la démonstration, nous allons la traiter par une augmentation de 1 milliard des reports de charges. Si le décalage devait être plus important par rapport aux prévisions, ainsi que l'a envisagé le vice-président Thiériot, nous devrions intervenir en gestion. Le sujet n'est pas tabou. Je conteste l'interprétation du député Jacobelli sur le manque de transparence.
Jusqu'à présent, le ministère a été précautionneux dans les reports de charges, avec une diminution constante sur la période précédente. Je rends d'ailleurs hommage à Florence Parly à ce sujet. Nous pouvons profiter des efforts qui ont été faits au cours des dernières années et activer ce levier.
Il existe des dispositifs particuliers dans la LPM pour tenir compte des variations du cours du Brent ou du volume global de carburant consommé, puisque ce dernier dépend logiquement des opérations. En effectuant une manœuvre entre le Mali et le Niger par exemple, la consommation est plus importante que si nos forces restent statiques. Nous avons donc la capacité, grâce à l'article 5, d'ouvrir des crédits nouveaux en loi de finances rectificative. En 2021, 50 millions d'euros ont, par exemple, été ouverts en gestion. Les questions de carburant n'ont jamais empêché le ministère des armées de fonctionner.
Je comprends votre inquiétude au sujet de l'inflation. Il est très difficile de savoir comment elle évoluera au cours des prochains mois. Par conséquent, je comprendrais tout à fait que, dans le contrôle effectué par le Parlement vis-à-vis du Gouvernement, ce suivi fasse l'objet d'une analyse particulièrement attentive.
Je souligne cependant que lorsque l'inflation est négative, ce qui s'est déjà produit, personne ne se pose de question… L'inflation concerne, en outre, toutes les collectivités locales et tous les ministères. S'il existe une spécificité militaire, elle est plutôt positive, car nous pouvons disposer de davantage de souplesse. La Première ministre et le Président de la République m'ont autorisé à vous présenter une maquette budgétaire intégrant des reports de charges plus importants que pour d'autres ministères.
Je remercie la députée Genetet d'avoir abordé la question de l'Ukraine. Comme je l'ai indiqué à la tribune de l'Assemblée lundi, nous devons nous méfier des classements de pays selon l'aide qu'ils accordent. Ces classements, qui circulent sur internet ou dans la presse, se fondent uniquement sur ce qui est annoncé. Or, à la demande des Ukrainiens, nous restons discrets sur une partie de l'aide que nous leur apportons. Par ailleurs, les critères permettant de calculer les sommes globales peuvent varier, notamment en ce qui concerne les coûts d'acheminement des munitions et du matériel ou les coûts de formation. Pour notre part, nous ne les intégrons pas. La facilité européenne pour la paix, dont la France est l'un des principaux contributeurs à hauteur de 450 millions d'euros, n'est pas non plus prise en compte. Enfin, les classements sont établis à partir de ce qui est promis et non de ce qui est réellement livré. De ce point de vue, nous pouvons nous honorer d'avoir respecté tous nos engagements.
L'aide à Ukraine s'est articulée en trois grandes étapes. Dès l'invasion par la Russie au mois de février, nous avons livré beaucoup d'armements individuels et d'équipements de protection. Puis, nous avons expédié des véhicules de l'avant blindés (VAB) et les fameux canons Caesar, ainsi que quelques autres pièces d'artillerie. Nous essayons de répondre de manière précise aux demandes. Nous restons discrets sur ces échanges mais je m'entretiens environ tous les dix jours avec le ministre de la défense ukrainien et les chefs d'état-major sont en relation régulière avec leurs homologues. Actuellement, les besoins portent sur les fluides, les munitions et la formation. Cette dernière n'est pas très spectaculaire mais essentielle, ce qui justifie l'initiative européenne menée par le représentant Borell.
Nous allons prochainement engager une nouvelle étape de notre dispositif d'aide à l'Ukraine. Le Président de la République l'évoquera dans les prochains jours.
Même s'il n'est jamais simple de répondre à un absent, je voudrais revenir sur les propos du député Jacobelli. Parler de manque d'enthousiasme ou d'ambition est une appréciation subjective. En revanche, prétendre qu'une augmentation du budget ne permet pas de combler un retard, ce n'est pas cohérent ! Au regard de toutes les LPM depuis 1971, nous disposons d'un budget historiquement haut. Cet élément est factuel. Il suffit de visiter un régiment ou une base aérienne pour constater les efforts engagés.
Il est peut-être nécessaire d'aller plus vite et de s'adapter encore mieux aux besoins sécuritaires mais nous y reviendrons dans la prochaine LPM. Quand Mme Le Pen prendra des engagements à hauteur de 55 milliards par an, nous verrons comment ils se comparent à la nouvelle trajectoire et qui sera là pour les voter. Il y a un moment où il faut bien distinguer ceux qui sont passés des paroles aux actes et ceux qui ont voulu aveuglément profiter des fameux dividendes de la paix. Nous pouvons toujours diverger sur la manière d'utiliser le budget mais il faut bien que nous reconnaissions collectivement cet effort en faveur de nos armées. Comme l'a souligné le député Roussel, c'est la nation et tous les contribuables qui l'ont consenti, pas le Gouvernement et les parlementaires.
S'agissant des programmes européens, je comprends la prudence demandée par le député Thiériot sur le SCAF. En revanche, j'ai l'impression que le groupe du Rassemblement national cherche à s'opposer à tous les projets franco-allemands, par principe. Or nous avons toujours eu des coopérations industrielles européennes, notamment avec le programme Ariane. S'en priver n'a pas de sens, surtout si elles nous permettent de gagner en compétitivité ou en rapidité. Elles doivent, en revanche, s'inscrire dans une logique gagnant-gagnant, avec des lignes rouges à ne pas franchir. En ce qui nous concerne, elles portent sur l'exportation et sur la dissuasion nucléaire. Nous devons également être chefs de file dans les domaines où notre savoir-faire est reconnu, comme l'aviation. Le génie français en la matière se traduit en particulier dans les carnets de commandes du Rafale.
Un dialogue de vérité est indispensable avec les Allemands sur le SCAF. Même dans une coopération européenne et fraternelle, nous avons le droit d'être gaulliens et donc de défendre notre souveraineté et nos intérêts stratégiques.
S'agissant des transmissions, sujet évoqué par la députée Lingemann, les efforts seront poursuivis en 2023. La question de l'interopérabilité est également essentielle. Mener des projets avec nos amis et voisins allemands contribue à la renforcer, tout comme la coopération au sein de l'Otan. Beaucoup de militaires français, notamment dans l'aviation, y sont présents à haut niveau et travaillent sur les sujets de prospective.
J'ai déjà répondu à la députée Santiago au sujet de l'inflation. S'agissant des bleus budgétaires, ils sont disponibles en ligne depuis seulement ce matin. Il est donc normal que vous ne les ayez pas encore en votre possession. Avec le président Gassilloud, nous considérons que l'audition de cet après-midi est un point de départ. Nous continuerons à travailler avec vous jusque dans l'hémicycle, voire lors de la navette.
Les sujets de transition écologique et surtout énergétique ont également été évoqués par le député Bayou. Le ministère des armées est l'un des principaux propriétaires de foncier bâti et de foncier non bâti de la République. Beaucoup d'efforts ont déjà été consentis par les armées, puisque les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 30 %. Pratiquement 20 % d'économies d'énergie ont été réalisées sur le parc immobilier ces dernières années. Nous devons toutefois faire encore mieux. L'objectif que j'annoncerai prochainement est une réduction supplémentaire de 10 %, ces deux prochaines années, pour les armées et l'ensemble des services du ministère. Le bâtimentaire constitue le premier levier, en baissant les températures ou en éteignant les éclairages qui ne sont pas nécessaires. Il est évident que nos soldats engagés en opérations extérieures (Opex) ont d'autres préoccupations que la transition énergétique. Même si certains articles préfèrent entretenir le flou, les efforts attendus concernent l'Hexagone et, pour la climatisation, l'outre-mer.
Plus de 500 millions d'euros sont consacrés au plan « famille ». Vous serez très rapidement associés au groupe de travail pour la préparation du plan « famille » II, que je souhaite voir aboutir en même temps que la présentation de la future LPM. Nous devons progresser dans la coopération avec les collectivités territoriales, avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les conseils départementaux. Nous fonctionnons encore trop en silo. Nous devons notamment accélérer sur la question des crèches.
En ce qui concerne les programmes satellitaires, évoqués par le député Larsonneur, la question du calendrier des tirs, avec la fin des tirs d'Ariane 5 et le début des tirs d'Ariane 6, se pose. Je confirme qu'un tir est a priori prévu au premier semestre 2023 pour le lancement du satellite Syracuse 4B. Nous suivons avec attention le projet entre Eutelsat et OneWeb mais les armées ne sont pas le principal client de ces entreprises. Il pourrait être intéressant, Monsieur le président, d'organiser une audition spécifique sur le spatial, en invitant les ministres qui se partagent la tutelle du centre national d'études spatiales (CNES) et des différents programmes.
Le député Bayou a soulevé une question philosophique intéressante, qui est de savoir si nous pouvons nous satisfaire de la situation actuelle. Je me suis récemment exprimé dans la presse, car je suis surpris que certains élus veuillent recourir à l'armée pour conduire des bus en cas de grève par exemple. L'armée a une mission essentielle, qu'il ne faut pas perdre de vue. Elle a également un héritage, avec des valeurs qui renvoient à l'idée que le sacrifice suprême peut être fait pour son pays. S'agissant du climat, elle a l'habitude d'intervenir dans les crises. Elle le fait systématiquement en outre-mer, pour la prise en charge des catastrophes naturelles comme les ouragans ou du covid. Les moyens aériens, maritimes ou terrestres peuvent être mobilisés. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) est parfois mis à contribution. Nous devons toutefois nous interroger sur la ligne de partage avec le ministère de l'intérieur.
L'armée peut apporter un soutien, y compris avec l'adaptation de certains moyens capacitaires. Pour l'A400M par exemple, Airbus envisage de proposer une option destinée au ministère de l'intérieur. Cet avion de transport militaire de grand gabarit pourrait effectuer des largages d'eau. Il n'interviendrait pas dans les mêmes conditions que les Canadair, car le rechargement s'effectuerait au sol et non sur mer ou sur lac.
Pour chaque programme d'armement, nous devons avoir le réflexe d'étudier les adaptations possibles pour la sécurité civile et la résilience climatique. Les forces armées peuvent également intervenir avec leurs moyens propres, comme en Gironde, où l'action du génie a été déterminante pour creuser ces grandes tranchées qui servent de barrières antifeux. Ce concours ponctuel est normal et correspond au secours que l'armée a vocation à apporter à la nation.
Nous pouvons malheureusement être confrontés à plusieurs problèmes simultanément, par exemple un évènement climatique grave survenant pendant une pandémie mettant en tension le service de santé des armées, alors que les forces doivent parallèlement assurer un statut de nation-cadre ou mener une opération d'évacuation de ressortissants (Resevac). Nous devons réfléchir à un système qui prenne en compte de telles situations. Cet exercice sera engagé dans le cadre de la prochaine programmation militaire.
Je voudrais revenir sur les propos du député Lachaud, qui m'a interpellé sur la forme de cette audition et qui, je le constate à l'instant, s'exprime également sur Twitter. La responsabilité politique m'incombe. Toutefois, les ordonnateurs délégués engagent parfois de telles sommes qu'il me semble important, dans un souci de transparence et de respect vis-à-vis du Parlement, de leur demander de participer à cette audition. Je constate qu'aucun format, de toute façon, ne paraît convenir aux députés de La France insoumise, qui se plaignent alternativement que les débats soient à huis clos ou qu'ils ne le soient pas, que je sois seul ou que je sois accompagné.
Vous êtes attachés à la transparence lorsque vous me demandez d'aller visiter des unités. Je pense qu'il en est de même dans cette enceinte. Pour ce qui est du fond, nous avons de nombreux sujets sur lesquels échanger démocratiquement. Je souhaiterais entendre La France insoumise sur les grands agrégats budgétaires mais également sur la dissuasion nucléaire ou l'appartenance à l'Otan, puisque j'ai cru comprendre que celles-ci étaient remises en cause pendant la campagne présidentielle. Ces débats seraient certainement plus utiles que de dire sur Twitter que je ne connais pas mes dossiers.