Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Sarah El Haïry, secrétaire d'État :

Je répondrai, tout d'abord, que j'ai choisi de ne pas donner à mon propos liminaire la forme d'un plaidoyer mais de faire une présentation objective du projet et de ses possibilités d'amélioration.

Comment la volonté de cohésion nationale s'inscrit-elle dans le recours à notre réserve nationale et à nos réserves opérationnelles ? Face aux défis et aux risques qui sont les siens, notre pays a plus que jamais de doubler sa réserve. Dans cette commission, vous y êtes sensibilisés, mais je doute que ce soit le cas de l'ensemble du pays. Pour donner à nos jeunes le goût de l'engagement, il faut leur donner le temps et les moyens de prendre conscience de leur capacité à agir. Combien de jeunes ignorent qu'ils peuvent s'engager dans nos réserves ou ailleurs ? Les échanges avec les réservistes encadrants et lors des forums de présentation sont des temps privilégiés pour présenter des dispositifs tels que le service militaire volontaire, le SMA, les réserves opérationnelles, les réserves citoyennes, les réserves d'active, plus largement l'action des sapeurs-pompiers ou des associations de sécurité civils. C'est la découverte de tout le spectre du port de l'uniforme. Il est possible d'apporter mille et une expertises à ces réserves. La découverte des réserves dans un temps privilégié, augmente la capacité à faire découvrir la beauté et la beauté de ces engagements et de proposer des engagements civils, dans les corps en uniforme ou pas. Il y a des services civiques au sein de nos armées, de nos collectivités et de nos associations. Moyennant une présentation exempte d'idéologie, le jeune est libre de choisir le moyen d'être le plus utile et le plus épanoui, tout en contribuant à l'atteinte de notre objectif d'augmentation de capacité de nos réserves.

Parmi des difficultés rencontrées par le service national universel, vous avez évoqué le manque de communication. Je reconnais que le SNU manque de notoriété. Ce projet n'a jamais fait la une du 20 heures. Il crée du lien armées-nation et d'engagement. Difficile de faire la une sur un projet en cours d'expérimentation et de toucher directement 800 000 jeunes. Ce sont donc les enseignants qui le présentent au sein de leurs établissements. Mais au fil de l'avancement, Les 40 000 jeunes ont déjà fait le SNU sont capables de témoigner, avec leurs convictions et la franchise qui est la leur dans des classes ou dans des associations. Ce sera le cas demain de toutes les réserves qui ont participé à l'encadrement et à la construction du projet et, je l'espère, des parlementaires qui auront vu l'évolution de ce projet pour participer à son amélioration.

Ce dispositif n'est pas bancal mais il est évolutif. Si par bancal, vous entendez mouvant, c'est tout à fait juste. Mais il a vocation à aller chercher quelque chose de très juste. Chaque jeune a pleinement sa place dans notre pays. Par le goût de l'effort et de la découverte, parfois en prenant le risque de découvrir des jeunes très différents de lui. Cet effort peut être accompagné, d'où ce projet.

À aucun moment, le service national universel ne touchera ni au budget de nos armées ni à celui de l'éducation nationale. Dans le projet de loi de finances (PLF), le budget de nos armées est en augmentation et celui de l'éducation nationale l'est de plus de trois milliards d'euros. Le budget du SNU, dont le montant était de 110 millions d'euros, augmentera de plus de 30 millions d'euros. Ce n'est pas de l'argent ponctionné ailleurs, les deux budgets des armées et de l'éducation nationale sont en augmentation. Ni l'un ni l'autre n'a subi la moindre ponction. Pour être tout à fait transparente, j'ajoute que la ligne budgétaire du SNU est clairement identifiée, en sorte qu'on peut la pointer, l'évaluer, suivre son évolution. La ligne du service civique est autonome et voit également son budget augmenter, de 20 millions d'euros.

La question de la présence de jeunes étrangers devra être posée. Nous devrons trancher le point de savoir si la cohésion nationale passe par la présence obligatoire ou volontaire de jeunes étrangers au sein du service national universel. Le sujet sera posé en fonction du débat au sein de la représentation nationale. Un projet aussi essentiel ne doit souffrir d'aucun tabou. Aujourd'hui, il est réservé aux jeunes Français âgés de 15 à 17 ans. Il faudra en débattre.

Il y a eu des incompréhensions sur la question des rémunérations, mais la situation évolue. Les contrats ont vocation à être stabilisés. Des différences existent, selon que vous veniez de l'éducation nationale ou que vous aviez un contrat de droit privé. Il nous revient à nous, employeur, d'être le plus clair et le plus transparent pour créer la confiance.

Plus on avance et plus on a affaire à des centres dotés de bons équipements sportifs.

Nos jeunes n'étant pas tous au même stade d'avancement physique, il faut faire évoluer les uniformes. À 15 ans, on peut mettre du S, du M, du 36, du 38 ou du 42. Des pantalons étaient trop courts, d'autres trop longs. Il aurait été facile de décider de supprimer l'uniforme, mais je le considère comme important, car il facilite l'esprit de cohésion, gomme certaines inégalités et donne un goût d'appartenance. Quand je visite un centre SNU, on me demande souvent si on peut le garder. Bien entendu, il a pour vocation d'être conservé et porté avec fierté à l'occasion des cérémonies. C'est pourquoi il porte les couleurs du drapeau bleu, blanc rouge. Un groupe travaille à son amélioration, en particulier celle du pantalon.

À celui qui a prononcé un plaidoyer contre le service national universel je demanderai s'il a déjà visité des centres et discuté avec des jeunes engagés dans ce projet. Le SNU permet la rencontre de jeunes qui ne se seraient jamais croisés. On ne réduit pas l'ambition de l'école, puisque les budgets augmentent.

Pourquoi, dites-vous, ne pas investir le budget du SNU dans des séjours de vacances ? Quelque 40 millions d'euros sont consacrés aux Vacances apprenantes, en particulier aux Colos apprenantes, soit plus que l'augmentation du budget du SNU cette année. Un million de jeunes sont partis. Opposer des dispositifs serait dommageable pour la jeunesse elle-même. Avec les Vacances apprenantes, nous avons la chance de pouvoir de promouvoir un projet de vacances pour tous, de continuer à soutenir l'accompagnement des colonies de vacances en ayant les moyens de le faire et de participer à un projet de cohésion. Loin de se percuter, ces dispositifs se complètent. Le séjour du service national universel est un autre projet. Il ne s'agit pas de les mettre en concurrence mais de les conjuguer. Un jeune qui quitte pour la première fois son département pour un séjour de cohésion aura plus de chance d'acquérir l'élan de la mobilité pour suivre une formation dans le département voisin. Il aura vécu la chance de la mobilité.

Pas un seul militaire d'active n'est encadrant. Les corps en uniforme qui encadrent les jeunes du service national universel ne sont pas des militaires d'active, mais des réservistes sous contrat civil, des anciens ayant porté l'uniforme. Ce sont des civils ayant la culture militaire mais ce ne sont pas des actifs.

Certes, tout n'est pas parfait, mais l'amélioration passe par la montée en puissance du service national universel et la capacité à fidéliser les encadrants. D'où ma priorité d'accompagner les emplois, les contrats, la bonne lecture des rémunérations, donc l'acculturation et la fidélisation des encadrants. L'année dernière, nous avons recruté et formé plus de 3 900 encadrants. Plus ils reviennent et plus ils sont aguerris. Il nous revient de créer l'attractivité des parcours.

Quand 116 jeunes désireux de s'engager au sein des cadets de la gendarmerie ne le peuvent pas pour des motifs financiers, on ne peut se contenter de ne rien faire. Avant son changement de fonction, j'ai dit au général Kim que si les associations de cadets de la gendarmerie, présentes dans chaque département, se fédéraient au sein d'une structure nationale, une aide nationale permettrait aux associations départementales, par redistribution, d'accompagner plus de jeunes. Notre mission est de permettre à ceux qui s'engagent dans la transmission du lien d'avoir les moyens de le faire, qu'il s'agisse des cadets de la gendarmerie, des cadets de la police nationale ou des cadets de la sécurité civile dont ceux des sapeurs-pompiers. Notre mission vise à faire en sorte qu'à l'issue du séjour de cohésion, ils aient envie de poursuivre leur action au sein des cadets ou au par une préparation militaire. Je rappelle que le service national universel n'est pas le service militaire. C'est un séjour pour de jeunes volontaires civils. Ne prévoyant pas d'apprentissage du maniement des armes, il est l'expression de la volonté de créer une mixité, de transmettre les valeurs républicaines, de donner le goût du patriotisme, voire de donner aux jeunes un autre regard sur eux-mêmes. Tout le monde n'a pas la chance de vivre la force du symbole, mais celle-ci se partage. À ceux qui souhaitent un engagement plus long, plus militaire ou plus civil, il faut donner les moyens de les découvrir par la présentation des préparations militaires, des services civiques, des engagements bénévoles, du corps européen de solidarité, mais aussi de découvrir leur place de citoyen.

Le vote s'apprend. On n'est pas naturellement sensibilisé à son importance. Au regard de quelques pays voisins non démocratiques, nous avons conscience de l'importance du droit et de la chance de pouvoir voter pour choisir nos dirigeants. Le recul du taux d'abstention, enjeu de compréhension de nos institutions, passe par le renforcement de l'éducation civique et morale, voire par la transformation de son programme, par un temps plus long. Les travaux que nous menons avec le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse vont dans ce sens, en vue d'un temps de parcours plus long et de la reconnaissance des engagements au sein de la démocratie scolaire. Le temps du séjour de cohésion devient l'application de l'éducation civique et morale, en acte, en vécu et en partagé.

L'école ne fait pas tout et ne peut pas tout, mais elle fait beaucoup. On peut l'accompagner pour continuer, mais elle doit s'inscrire dans des parcours. Tout se complète. Il faut avoir l'intelligence de construire les programmes en complémentarité. C'est pourquoi nous travaillons sur des projets pédagogiques adaptés.

L'encadrement passe par une formation plus poussée, un accompagnement de la fidélisation de nos encadrants et la qualité de l'accueil. Nous devons nous appuyer sur des territoires qui ne soient pas des déserts militaires. La culture militaire n'est pas identique dans l'ensemble des départements. Il y a des fleurons. Des territoires ont une plus forte culture mémorielle parce qu'ils ont vécu, dans leur chair, dans leur terre, des temps plus forts. Afin de renforcer le lien armées-nation dans le cadre du service national universel, nous travaillons sur les programmes pédagogiques à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes, à l'accompagnement des encadrants et à la sortie de ces jeunes. Le séjour de cohésion n'est pas l'alpha et l'oméga, ma mission ne s'achève pas après la sortie. Nous le préparons pour que ce temps soit le plus opérationnel et pour que le débat se focalise moins sur sa durée que sur son inscription dans un parcours. D'où l'importance des dispositifs qui peuvent être immédiatement présentés aux jeunes.

Le service national universel permet d'identifier des jeunes en difficulté. La mixité n'est pas parfaite, mais elle existe. Comment ne pas les lâcher, comment en faire une double chance, celle de vivre un parcours de citoyenneté et celle de trouver un accompagnement éducatif dans un Epid ou un autre type d'établissement, immédiatement après ? Plus le nombre augmente et plus les recrutements sont stables. Puisque le temps d'encadrement est plus long, plus le temps de formation permet d'avoir des encadrants bien formés et expérimentés.

S'agissant des décrocheurs, je partage la notion de nouvel élan et de nouvel espoir. Il suffit parfois d'une rencontre. Mais il est nous est difficile d'aller les chercher. Ce sont souvent des jeunes en décrochage scolaire plus ou moins identifiés par des missions locales. Une part minime de ceux qui viennent directement sans avoir été identifiés y ont été incités par les réseaux sociaux. Avant d'envisager une généralisation, il faut progresser dans la recherche des jeunes qui sont encore plus éloignés et que l'on ne touche évidemment pas lors des présentations scolaires. Pour ce faire, je m'appuierai sur toutes les expertises proposées, dont votre expérience personnelle de la protection de l'enfance et l'action des départements.

La représentativité des jeunes issus des QPV s'améliore, passant de 4,2 % à 7 %, sachant que 9 % des jeunes y vivent. Nous sommes attentifs à deux typologies de jeunes, ceux venant de territoires ruraux et qui, éloignés, rencontrent les mêmes difficultés de mobilité et d'accès, et ceux qui vivent en QPV. La nouveauté, ce sont les partenariats avec les associations sportives qui présentent le SNU et avec celles fréquentées par les jeunes. Quand on signe un projet avec le Souvenir français, on touche une jeunesse différente mais tout aussi éloignée de certains dispositifs.

Concernant les lycées professionnels, vous avez raison de dire que le Président de la République souhaite voir le SNU profondément ancré comme un projet d'excellence. On voit les résultats de la réforme de l'apprentissage ou du plan « 1 jeune, 1 solution », on voit que le chiffre de plus de 700 000 apprentis a été atteint, alors que l'élan manquait. Ces voies permettent une insertion professionnelle d'excellence et sont de nature à réduire en profondeur les inégalités sociales. On réduit les inégalités d'accès au réseau et on permet parfois de faire des études inaccessibles pour des raisons financières. L'apprentissage ou l'alternance permettent de financer des études payantes et de découvrir, du CAP au master, des parcours bien différents. C'est une priorité à laquelle, avec ma collègue Carole Grandjean, nous travaillons spécifiquement, pour des présentations à l'ensemble des établissements professionnels technologiques et agricoles ou généraux, mais aussi dans le souci d'adapter les temps de séjour. Nous sommes sortis de juin et de juillet, parce que nous savions bien que des jeunes en lycée pro avaient des obligations de stage professionnel. C'est à nous de leur donner le temps et le cadre pour s'engager. On identifie une difficulté à laquelle on apporte une réponse. C'est ainsi qu'on est passé à 24 % de volontaires pour le séjour de février, alors que 33 % des jeunes sont scolarisés en lycée professionnel. La méthode est identifiée. La présence de la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnelle permet aussi une mobilisation forte au sein du réseau.

M. Taché n'a pas posé de question mais a prononcé un plaidoyer en règle à l'encontre du SNU et au-delà. « Endoctrinement », « briser des rêves » : j'ai trouvé ses propos très excessifs alors qu'au contraire, le SNU permet à des jeunes, grâce à un investissement financier massif, de vivre une aventure et de connaître la mixité sociale. Ces jeunes ne se seraient jamais rencontrés. Neuf sur dix se déclarent heureux de l'avoir fait. On peut toujours penser à leur place, mais nous avons voulu construire le projet avec eux en les interrogeant afin de l'améliorer. Après les premiers séjours, des jeunes m'ont dit que les sujets environnementaux et les questions mémorielles étaient traités de façon trop théorique et trop scolaire. Pour les sujets environnementaux, nous avons fait le choix d'aller découvrir notre riche patrimoine naturel, dont la forêt ou la mer.

Je peux tout entendre, mais il est faux qu'on prendrait de l'argent du budget de l'éducation nationale. Je le répète, il n'y a eu aucune ponction, puisque le budget de l'éducation nationale augmente de plus de 3 milliards d'euros et celui du SNU de 30 millions, en plus des 110 millions de l'année dernière. C'est un budget autonome dont on peut suivre l'utilisation. Alors députée, j'ai soutenu la création de cette ligne budgétaire destinée à éviter les amalgames et à laisser penser au ponctionnement d'un budget ou d'un autre. En tant que rapporteure spéciale du budget pour le SNU, je souhaitais en avoir une lecture exacte. Même le poste animation du budget de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire augmente de 5,5 millions d'euros. On peut être hostile à un projet visant à faire vivre un temps de mixité à des jeunes et à leur donner le goût de faire ensemble, mais je ne peux laisser dire que ce budget ponctionne le budget de l'éducation nationale ou des armées.

Dans le cadre des expérimentations, on a parfois délégué l'organisation de séjours de cohésion à des structures associatives comme l'Injep, afin d'en évaluer le coût. Le projet pédagogique était respecté, mais compte tenu des difficultés rencontrées pour une partie des uniformes, certains ne les portaient pas. Notre trajectoire vise à professionnaliser les encadrants, afin de garantir un socle commun à l'ensemble des séjours de cohésion. Celui-ci implique le port de l'uniforme, qui est une des règles du service national universel, et la découverte des différents corps dans lesquels les jeunes peuvent s'engager.

C'est aussi la volonté du Président de la République d'opérer ce double rattachement, d'assumer l'excellence et l'expertise de l'éducation nationale et de nos armées en levant les doutes sur les questions budgétaires. La LPM, promue par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, est en cours de rédaction. Le budget du SNU est autonome et identifié, mais pas un euro n'est soustrait à nos armées ou à l'éducation nationale. Je le répète car je sais que l'acceptabilité de ce projet passe par la clarté de son financement.

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