Intervention de Nicolas Metzdorf

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Metzdorf, rapporteur pour avis :

La mission Immigration, asile et intégration est composée de deux programmes : le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmentent de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 et atteindront un peu plus de 2 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement augmentent, quant à elles, plus fortement, de plus de 34 %.

Le programme 303 regroupe l'essentiel des crédits de la mission. Il porte en particulier sur les moyens relatifs à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers, à l'exercice du droit d'asile et à l'éloignement des personnes en situation irrégulière. C'est ce programme qui finance notamment l'hébergement et le versement d'une allocation aux demandeurs d'asile. Dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits de paiement du programme 303 sont quasiment stables, à l'exception de ceux qui concernent la lutte contre l'immigration irrégulière. Ces derniers augmentent de plus de 17 %, en vue de financer, notamment, la poursuite du plan d'ouverture de places en centres de rétention administrative (CRA). En 2023, la capacité de ces centres sera ainsi portée à 1 961 places en métropole, avec la livraison du CRA d'Olivet et l'extension du CRA de Perpignan. Les capacités n'étaient que de 1 490 places en 2017.

Je rappelle que le Gouvernement a décidé de destiner prioritairement la rétention administrative aux étrangers en situation irrégulière qui causent des troubles à l'ordre public. Pour les autres, l'assignation à résidence doit être privilégiée, dans un premier temps, avant de recourir à la rétention administrative si nécessaire. Ces principes ont été clairement posés dans une circulaire du 3 août 2022 et j'ai pu en observer la mise en œuvre lors de ma visite, il y a quelques semaines, du centre de rétention du Mesnil-Amelot. L'accent a donc été mis sur la fermeté à l'égard des étrangers délinquants.

Les autorisations d'engagement du programme 303 augmentent très nettement, de près de 37 %, pour atteindre un peu plus de 2,1 milliards d'euros. Cela s'explique par le renouvellement, pour trois ans, des conventions pluriannuelles de l'hébergement d'urgence.

On ne peut que saluer l'effort fourni depuis 2017 pour créer des places d'hébergement, tant pour les demandeurs d'asile que pour les réfugiés en situation de vulnérabilité. On est ainsi passé d'environ 80 000 places en 2017 à près de 120 000 en 2022. En 2023, 4 900 places supplémentaires seront créées pour les demandeurs d'asile, dont 900 places en hébergement d'urgence.

Le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, qui finance la politique d'accueil et d'intégration des étrangers primo-arrivants, a un poids moindre au sein de la mission : il ne représente qu'un quart de ses crédits. Il est, cette année, orienté très dynamiquement puisque son budget augmente de 24 %, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour atteindre 543 millions d'euros. Le choix a donc été clairement fait, dans le projet de loi de finances pour 2023, de mettre l'accent sur l'intégration des étrangers qui séjournent de façon légale sur notre territoire.

Les crédits du programme 104 financeront en particulier la poursuite du déploiement du projet dénommé Agir, qui est destiné à accompagner dans leur insertion les personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Ce dispositif prévoit la mise en place, dans chaque département, d'un guichet unique pour aider les réfugiés rencontrant des difficultés particulières à accéder à l'emploi ou au logement.

Je dirai à présent quelques mots des grandes tendances que l'on peut observer en matière migratoire. On assiste tout d'abord à une reprise des demandes d'asile après le ralentissement consécutif à la crise sanitaire. On s'achemine ainsi vers les 125 000 demandes d'asile en France en 2022, tandis que le pic historique de 2019, avec 132 000 demandes d'asile, devrait être dépassé en 2023. Il faudra être particulièrement attentifs aux différentes tensions géopolitiques en cours au Sahel, en Tunisie, au Liban ou encore en Europe de l'Est, qui pourraient renforcer les flux attendus.

Concernant les traversées de la Manche, la situation demeure préoccupante. Sur les huit premiers mois de 2022, 44 240 migrants ont été impliqués dans une traversée ou une tentative de traversée, soit une augmentation de 93 % par rapport à la même période de 2021. L'action des autorités françaises a permis de mettre en échec 57 % des tentatives en 2021, contre seulement 28 % en 2018. Depuis le début de l'année 2022, des opérations quasi-quotidiennes ont permis de mettre à l'abri un grand nombre de personnes campant sur les sites de Calais et de Grande-Synthe.

Le pacte européen sur la migration et l'asile, présenté par la Commission européenne le 23 septembre 2020, devrait aboutir à un nouveau règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration, qui vise à refondre le règlement Dublin III de 2013. Il s'agit de trouver un équilibre entre la responsabilité de l'État de première entrée – souvent la Grèce ou l'Italie – et la solidarité que doivent lui manifester, par des mesures de relocalisation ou de soutien, les autres États membres. De vraies avancées ont été obtenues pendant la présidence française de l'Union européenne, les États membres s'étant mis d'accord sur une mise en œuvre graduelle du pacte, ainsi que sur un mécanisme volontaire et temporaire de relocalisation des demandeurs d'asile.

J'en viens à présent à la question de l'accueil des réfugiés ukrainiens. Plus de 7,7 millions d'Ukrainiens ont fui leur pays depuis le déclenchement du conflit, le 24 février 2022. Cette situation inédite depuis la seconde guerre mondiale a conduit les États membres de l'Union européenne à décider, le 4 mars 2022, l'activation du mécanisme de la protection temporaire, prévu par la directive du 20 juillet 2001. Ce dispositif avait été adopté à la fin des années 1990, à l'issue de la guerre de Yougoslavie, et visait à faire face à d'éventuelles arrivées massives de réfugiés. La protection temporaire permet d'accorder un statut protecteur similaire à celui des réfugiés pour une durée maximum de trois ans, sans avoir à examiner les situations individuelles.

Il ressort des auditions que j'ai menées et de mes déplacements que la France a mis en place, dans des délais très brefs, un accueil particulièrement efficace et digne, dont nous pouvons légitimement être très fiers. Nous accueillons à ce jour plus de 105 000 déplacés ukrainiens titulaires d'une autorisation provisoire de séjour. Ils perçoivent l'allocation pour demandeur d'asile, ont accès à une couverture maladie et ont le droit d'exercer une activité professionnelle, ce qui est le cas de 12 % des adultes. Près de 20 000 enfants ukrainiens sont scolarisés. S'agissant de l'hébergement, les solutions sont diverses : une moitié des déplacés ukrainiens ont trouvé des solutions par eux-mêmes, l'autre moitié se répartissant entre des structures d'hébergement collectif proposées par l'État et un hébergement citoyen conventionné. Il faut saluer l'engagement d'un grand nombre de nos compatriotes, qui se sont mobilisés avec générosité pour offrir un accueil. Enfin, une attention particulière a été portée aux femmes, qui représentent 77 % des déplacés, et aux enfants pour éviter tout risque de traite et d'exploitation. La France s'est donc montrée à la hauteur de son histoire dans l'accueil remarquable qu'elle a réservé aux Ukrainiens contraints de fuir leur pays.

Les enjeux qui se profilent sont de trois ordres. Tout d'abord, il faut anticiper de nouvelles arrivées, qui pourraient être plus substantielles que prévu avec la dégradation de la situation en Ukraine. Il convient ensuite de tirer les conséquences de la poursuite à moyen terme de la présence des déplacés ukrainiens sur notre sol, ce qui implique que l'État prenne le relais de l'hébergement citoyen, que les déplacés ukrainiens soient davantage accompagnés vers l'emploi et qu'ils s'investissent plus dans l'apprentissage du français. Enfin, l'expérience engrangée au cours de ces derniers mois ne doit pas rester inemployée. Des leçons doivent être tirées pour le cas où une autre crise et un autre afflux de déplacés se produiraient.

Je conclurai cette présentation en vous invitant à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Il s'agit d'un budget équilibré, reposant sur une augmentation non négligeable des crédits de paiement et une augmentation notable des autorisations d'engagement et axé sur le financement de priorités claires : l'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés, la mise à niveau du parc de rétention et le renforcement de l'intégration des ressortissants étrangers qui séjournent de manière régulière dans notre pays.

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