Intervention de Estelle Youssouffa

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Youssouffa :

Ayant exercé pendant plus de quinze ans l'activité de journaliste, principalement à l'international, et ayant travaillé pour TV5 Monde, mon expérience nourrit mon opinion sur l'audiovisuel extérieur français, qui me paraît confronté à deux problèmes principaux.

Premièrement, la logique de la réduction des coûts et des effectifs signifie une perte sèche de talents et de compétences. Alors que les uns et les autres se targuent de lutter contre les fausses informations, éliminer des postes de journalistes semble contreproductif. Dans un secteur hautement concurrentiel, qui exige un investissement particulier pour cultiver les profils d'exception, cette vision comptable explique en partie la faible audience de l'action audiovisuelle extérieure de la France par rapport à celle de ses concurrents. Produire de l'information de qualité exige de nombreux journalistes, dont la liberté et l'indépendance dépendent aussi de leur sécurité financière.

Deuxièmement, je discerne un mélange des genres entre l'influence politique mise en avant par le chef de l'État, les membres du Gouvernement et certains élus, et le discours d'impartialité et de neutralité journalistique. Je reste dubitative quant à la possibilité de faire cohabiter de façon étanche ces deux logiques, qui sont ontologiquement incompatibles : j'en veux pour preuve les attaques orchestrées par les puissances étrangères contre les médias français. Les médias sont effectivement des outils d'influence ; ils sont perçus comme tels, et on parle de « guerre informationnelle » à dessein.

L'ambiguïté ne trompe personne. Il est impératif pour la clarté du message qu'envoie l'audiovisuel extérieur français mais aussi pour la sécurité même des journalistes, d'exprimer aux niveaux budgétaire et politique la totale indépendance et la sanctuarisation du financement de l'action audiovisuelle extérieure de la France, faute de quoi nous perdrons en crédibilité, en savoir-faire et en audience.

L'affectation d'une part de la TVA n'est pas une solution satisfaisante. Nous devons réfléchir à de nouvelles formes de financement qui garantissent l'indépendance de l'audiovisuel public. Il nous faut assurer la stabilité, la transparence et la pérennité de ces ressources par un financement adapté aux nouvelles formes de consommation, universel et progressif.

En attendant, ce budget scelle l'incertitude et entérine la politique de réduction des effectifs menée depuis cinq ans. Pour ces raisons, je m'abstiendrai de voter ces crédits.

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