Le projet de budget est en trompe-l'œil dans la mesure où la majeure partie des crédits est consacrée aux mesures d'urgence pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, et non à des investissements en faveur la transition écologique. Les événements de cet été, avec les incendies et la sécheresse, montrent qu'il est nécessaire d'investir massivement dans la planification de la transition écologique. Or ce projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux.
La question climatique n'a pas de frontière. Il est donc très important que notre commission s'empare de ces sujets car c'est bien à l'échelle mondiale qu'il faudra y répondre, grâce à des investissements massifs.
Madame Gatel a évoqué le plan de relance. Le PLF prévoit à ce titre une diminution de 8,6 milliards d'euros, avec une baisse de 100 % des AE et de 38 % des CP. Ces derniers diminueront encore de 38 % en 2024, puis de 80 % en 2025. On ne peut donc pas parler d'une pérennisation. L'impression d'augmentation du montant de la mission résulte des mesures liées à la crise de l'énergie.
Sur les grands fonds marins, on assiste aujourd'hui à une accélération de leur exploitation. Des entreprises ont demandé des permis d'exploitation à l'AIFM. Celle-ci est dans l'obligation d'instruire les demandes. Dans le même temps, on engage une procédure de modification du code minier, avec l'idée de protéger au mieux les fonds marins tout en les ouvrant davantage à l'exploitation économique. Or les scientifiques que nous avons entendus indiquent que quel que soit le mode d'exploitation, les conséquences environnementales seront dramatiques. La situation actuelle est figée mais la modification du code minier va permettre de délivrer des permis d'exploiter à des compagnies ou à des États. Il faut adopter une position ferme sur ce sujet car tout se joue maintenant.
Il faut aussi modifier la gouvernance des fonds marins, des océans et de la haute mer car l'empilement des structures et des compétences rend les choses très complexes. En outre, l'AIFM, actuellement financée par les contributions des États, a vocation à devenir financièrement autonome grâce aux recettes issues de l'exploitation des fonds marins. Vous voyez le paradoxe : l'instance chargée de délivrer les permis en vivra directement. C'est encore contrôlé mais cela va évoluer. La France doit donc avoir une position très ferme d'autant qu'elle est un acteur majeur au sein de l'AIFM. Elle doit aussi inciter l'Union européenne, trop timide, à s'impliquer davantage.
Les fonds consacrés au secteur maritime sont beaucoup moins élevés que ceux qui bénéficient au secteur aérospatial. Le plan France 2030 prévoit ainsi, pour ce dernier, 1,5 milliard d'euros, auquel il faut ajouter 5 milliards d'euros inscrits dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Le PLF 2023 prévoit quant à lui 247 millions d'euros en AE et 241 millions d'euros en CP pour le secteur maritime, tandis que le plan France 2030 lui attribue 300 millions d'euros par an sur la question spécifique des grands fonds. L'échelle des budgets est très différente. Et on connaît donc mieux aujourd'hui la lune que les fonds marins…
Oui, il est nécessaire de protéger les câbles sous-marins, qui sont hautement stratégiques. Cela étant, je ne vois pas de contradiction entre la préservation des fonds marins et la protection de ces câbles. Préserver les fonds marins implique précisément de mieux contrôler ce qui s'y passe, ce qui suppose plus de règles et plus de contrôle de l'action des États dans ces espaces. Aujourd'hui, il est possible de couper des câbles du fait de l'insuffisance des moyens de contrôle.
S'agissant de la notion de personnalité juridique, je sais, cher Hubert Julien-Laferrière, qu'une initiative a été lancée pour la préservation du Rhône, durement touché par la pollution de ses eaux, l'exploitation intensive dont il fait l'objet pour la production d'électricité et l'aménagement artificiel. Mais la France ne reconnaît pas, pour l'instant, de personnalité juridique à un élément naturel. Vous avez néanmoins cité trois exemples de progrès à cet égard dans le monde. En tout état de cause, la reconnaissance par la France de la personnalité juridique pour les grands fonds marins ne serait qu'une première étape vers sa reconnaissance internationale car, à terme, il y faudrait une résolution de l'Organisation des Nations Unies (ONU).
Voir la France, premier pays au monde par la superficie de ses grands fonds avec 93 % de sa zone économique exclusive, soit 9,5 millions de kilomètres carrés, à une profondeur supérieure à 1 000 mètres, prendre les devants en la matière donnerait assurément une impulsion positive en ce sens.