Le rapport qui vient de nous être présenté me semble assez éclairant sur les priorités réelles du Gouvernement en matière de relations internationales. Pendant que le ministère des affaires étrangères affronte de graves tensions dues à une réforme qui détruit un mode de fonctionnement éprouvé – je vous remercie, monsieur le président, d'avoir souligné que personne dans cette commission n'est d'accord avec cette réforme, qui semble pourtant devoir s'appliquer, ce qui pose un assez grave problème démocratique –, tout va pour le mieux s'agissant de la diplomatie économique. D'un côté, on propose de dématérialiser un grand nombre d'opérations ayant trait aux demandes de visas, et de l'autre on renforce la longue liste des dispositifs spécifiques, et individualisés, qui sont déployés pour assister les entreprises sur les marchés internationaux. Chacun voit bien que vous faites deux poids, deux mesures.
Les conditions du dispositif Cap France Export sont ainsi très surprenantes : elles vont bien au-delà des prêts garantis par l'État lors de la crise du Covid, qui n'ont d'ailleurs que peu aidé, voire pas du tout, nos très petites et moyennes entreprises (TPE et PME), les critères étant particulièrement drastiques. Pourquoi un tel déséquilibre ? Alors que nous concevons la diplomatie d'influence comme une manière d'aborder les relations internationales en œuvrant à davantage de coopérations et de droits pour les peuples, vous allez dans le sens d'une subordination de notre outil diplomatique à des intérêts privés. Il est ainsi question dans le rapport écrit, s'agissant de l'appareil d'État, « d'attirer les investisseurs étrangers » et « d'influencer les normes internationales », sans doute en faveur du libre-échange et de la concurrence libre et non faussée.
Comment peut-on penser, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et la probabilité élevée que des conflits de haute intensité aient lieu dans les prochaines années, que la priorité de notre diplomatie se limite à la diplomatie économique ? J'y vois un marqueur idéologique particulièrement grave de ce qui structure votre vision des rapports de force internationaux. On pourrait résumer ainsi : aucun problème à faire des affaires avec des dictatures tant que les marchés sont rentables, ce qui est évidemment inacceptable. J'avais interrogé la ministre sur l'impunité qui règne en France pour le cimentier Lafarge mais nous n'avions pas eu de réponse. Le groupe a été condamné hier, outre-Atlantique, à une amende de 778 millions de dollars pour avoir commercé avec Daech en Syrie.
Nos ambassadeurs ont une vraie expertise et une vraie intelligence de l'aire géographique dans laquelle ils évoluent. Ne les cantonnons donc pas à un rôle de vendeur-représentant-placier (VRP) des intérêts des multinationales du CAC40. Je vous rejoins, monsieur le rapporteur pour avis, quand vous écrivez que l'outil économique est un outil de hard power, mais pas concernant la prééminence donnée au volet économique.