Ma deuxième inquiétude tient à l'inefficacité des outils d'intervention en matière de fixation des prix. Manifestement, les avancées contractuelles permises par les lois Egalim 1 et Egalim 2 – la loi de 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et celle de 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs – ne suffisent pas à régler la question du partage de la valeur ajoutée. Je l'ai souvent dit : seule une remise en cause profonde des rapports de force dans la chaîne de valeur peut véritablement changer la donne. Pour cela, il faut que l'État et les premiers concernés – c'est-à-dire les agriculteurs eux-mêmes – interviennent directement dans la formation des prix et des marges.
L'exemple de la filière laitière est particulièrement instructif, puisque la France est le pays européen où les prix d'achat sont les plus bas : fin août, la tonne de lait s'y vendait entre 430 et 450 euros, contre 520 euros dans l'Union européenne. Si l'on ne couvre pas les coûts de production, la flambée des prix de l'énergie, des intrants et de la ration alimentaire accélérera encore le déménagement laitier du territoire. Il faut encadrer strictement le prix du lait par une régulation continue, car le recul du cheptel laitier occasionne toujours une jungle des prix. Mon collègue Sébastien Jumel me faisait observer combien le prix du lait dans le pays de Bray était à géométrie variable, au bon vouloir des transformateurs, avec des disparités qui plombent certains élevages.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les enjeux majeurs de formation et d'installation…