Cette analyse est plus vraie que jamais pour notre alimentation, au centre des tensions géopolitiques, tensions que nos gouvernants ont le devoir d'anticiper. Il y a soixante ans, il y avait 3 milliards d'êtres humains sur Terre : la France maîtrisait sa stratégie agricole pour mieux lutter contre la famine au sortir de la guerre. Aujourd'hui, nous sommes 7 milliards et la balance commerciale alimentaire de la France est en déficit net. Dans trente ans, nous serons 10 milliards : quelle stratégie agricole et alimentaire voulons-nous, monsieur le ministre ? Sommes-nous prêts à produire plus et mieux face à l'enjeu démographique et écologique qui s'impose à nous, tout en respectant la biodiversité et les sols ?
Nous pouvons mettre toujours plus de moyens dans nos projets de loi de finances et continuer à dire qu'il y en a trop d'un côté et pas assez de l'autre côté ! Tout cela n'aura du sens que si la France se construit une stratégie alimentaire claire, sur le long terme, et si elle s'y tient, que ce soit en matière de production, de méthodes de production, en mettant l'accent sur l'échelle locale pour convertir les filières en perte de vitesse, en assumant le recours à la science ou en modifiant la réglementation de manière qu'elle fasse moins obstacle. Sans cela, nous ne compterons plus que parmi les populations consommatrices et hyperdépendantes.
Alors que l'agriculture est à l'aube d'un nouveau modèle, les moyens alloués aux filières doivent permettre un investissement efficient pour endiguer la crise agricole et accompagner la profession vers des pratiques toujours plus respectueuses de l'environnement qui répondent aux attentes des consommateurs.
Prenons le cas de la filière « endive » qui connaît une crise sans précédent depuis plusieurs mois en raison des prix de l'énergie qui ne cessent de grimper – ils ont été souvent multipliés par huit ou par dix. Vous devez plus que jamais, monsieur le ministre, prendre des mesures décisives en faveur de ces producteurs si vous voulez les sauver et leur permettre de continuer à travailler.
Cette inquiétude résonne dans les deux chambres du Parlement. Le récent rapport du sénateur Duplomb dresse ainsi un constat sans appel : la ferme France est en perte de compétitivité et sans changement de cap, c'est la reprise même des exploitations qui est mise en question.
Votre budget répond-il donc aux enjeux ? Nous pouvons émettre des doutes sur l'adéquation entre moyens mis en œuvre et objectifs de la mission "Agriculture" . Alors que la mauvaise politique énergétique menée depuis dix ans vient percuter d'emblée le secteur agroalimentaire, vous ne prévoyez aucune revalorisation des budgets puisque l'enveloppe globale de la mission est surtout gonflée par les crédits consacrés à la réforme de l'assurance récolte adoptée en mars dernier.