Vous êtes plusieurs à l'avoir rappelé : la France est la deuxième puissance maritime au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés, une présence dans quatre des cinq océans et plus de 18 000 kilomètres de littoraux. Par ses atouts, ses richesses, son étendue, la mer est au cœur de trois grands enjeux.
Le premier, c'est le changement climatique. On a pu le constater cet été avec l'accumulation des épisodes météorologiques dramatiques, notamment en Corse et en Guadeloupe : nous n'avons plus le temps d'attendre et nous savons à quel point la régulation du climat par les océans est un élément indispensable pour faire face au changement climatique ; celui-ci touche également les pêcheurs et tous ceux qui vivent sur le littoral.
Le deuxième enjeu, c'est la souveraineté économique. On voit, avec la guerre en Ukraine, le Brexit ou encore la crise sanitaire, que la maîtrise de l'espace maritime est un facteur d'indépendance stratégique mais aussi énergétique.
Le troisième enjeu enfin, c'est la défense : la mer est le lieu de conflictualisation des rapports comme on peut le constater dans l'Indo-Pacifique ou plus près de chez nous dans la mer Noire, avec l'instrumentalisation par la Russie de l'approvisionnement en céréales.
La mer et les enjeux maritimes sont au cœur des priorités locales, nationales et internationales. Nous avons souhaité que notre organisation conforte la nature interministérielle de ces enjeux, avec plus de 2 800 agents sur le littoral et 300 à Paris qui défendent la politique maritime au sein de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA).
La feuille de route qui m'a été confiée par la Première ministre et le Président de la République est claire, et le budget que nous examinons aujourd'hui permet de répondre à trois objectifs principaux. Il s'agit d'abord d'accélérer et de renforcer la protection des océans et de la biodiversité marine pour répondre à l'urgence écologique et faire de l'océan un régulateur du climat. Le deuxième objectif, c'est la modernisation de l'économie maritime française et le soutien aux divers modèles de pêche. Il s'appuiera sur deux piliers : la décarbonation du secteur maritime, pour atteindre nos objectifs – européens notamment – de neutralité carbone, et la formation et l'attractivité des métiers de la mer. Le troisième objectif, comme vous pouvez l'observer dans vos territoires, c'est la cohabitation des usages et de la planification en mer : il s'agit de faire face à la nécessité de développer les énergies marines renouvelables, de garantir des zones de pêche et de renforcer les aires marines protégées tout en développant des activités littorales, notamment touristiques. Nous disposons de plus de 17 millions d'euros pour relever l'enjeu essentiel de la planification maritime et nous travaillerons avec vous à sa mise en œuvre, à l'occasion de l'examen de différents textes et au sein du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML).
Les enjeux et les chantiers sont nombreux et nécessitent un budget à la hauteur. Pour 2023, le programme 205 – renommé « mer » dans un souci de visibilité, de cohérence et d'approche interministérielle – dispose d'un budget de 240 millions d'euros qui permet de faire face à tous les enjeux et de mettre en œuvre nos priorités. Après que le budget a augmenté de 34 millions d'euros en 2022, nous poursuivons l'effort. Nous avons fait le choix d'augmenter les investissements de 30 % pour préparer l'avenir au travers de la décarbonation des navires et pour renforcer le volet maritime de France 2030.
Ce budget et ce niveau de ressources inédits nous permettront de développer quatre axes stratégiques que je vais vous présenter brièvement.
Le premier est la préservation de l'environnement marin ; il passe par le soutien à notre recherche maritime, unanimement reconnue à l'international, et à notre recherche océanographique. Nous investissons plus de 5 millions d'euros au profit d'un organisme que tout le monde connaît et dont tout le monde salue l'excellence, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Notre but est de soutenir la recherche halieutique et de renforcer nos connaissances pour garantir une pêche de qualité et accompagner nos pêcheurs vers la pluriannualité des quotas. Nous subventionnons aussi à hauteur de 10 millions d'euros la SNSM qui sera ainsi aidée dans le verdissement et le renouvellement de sa flotte et pourra faire face aux nombreux défis qu'elle rencontre partout en France.
Le deuxième axe stratégique est le soutien à notre économie maritime, avec notamment le développement du navire zéro émission. Cette formidable aventure industrielle, technologique et territoriale concernera à la fois la flotte de commerce, le transport de passagers et les navires de pêche. Lors des assises de la pêche, j'ai ainsi annoncé que plus de 6 millions d'euros seraient dédiés pour amorcer la décarbonation des navires de pêche. Dans le même temps, comme nous l'avons annoncé avec Clément Beaune la semaine dernière, une enveloppe de plus de 30 millions d'euros sera destinée à accélérer la transition écologique des ports de plaisance ; elle s'ajoutera aux 175 millions dédiés à la transition énergétique portuaire. Nous poursuivrons aussi les exonérations de charges visant à renforcer l'attractivité du pavillon français dans un contexte de forte concurrence internationale, face à des pratiques inacceptables de dumping social. Nous annoncerons, dans les prochains jours, une série de mesures visant à renforcer à la fois notre pavillon national et notre modèle social. Dès 2023, nous travaillerons aussi à « maritimiser » le plan France 2030 afin de disposer de crédits supplémentaires et de faire en sorte que la France soit à la pointe de l'innovation face à l'objectif de neutralité carbone.