Je note, chers collègues, que vous êtes bien peu nombreux pour examiner un sujet aussi important que celui des transports et, en particulier, de leur reconversion dans un contexte global d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Avec notre collègue Eva Sas, nous avons souhaité étudier le budget des transports à la lumière de la crise majeure du dérèglement climatique. C'est la raison pour laquelle nous avons auditionné en tout premier lieu la présidente-directrice générale (PDG) de Météo-France, qui nous a fait part de ses projections eu égard à l'augmentation des températures. Ces projections sont alarmantes.
Rappelons qu'en France le secteur des transports représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre – dont 93 % du fait du transport routier –, et 30 % de la consommation d'énergie. Le report modal vers des mobilités vertueuses sur le plan environnemental et pour la santé est donc un levier d'action essentiel pour mener l'indispensable lutte contre le dérèglement climatique.
Le programme 203 Infrastructures et services de transports comporte les crédits de l'État en faveur des transports terrestres. Les crédits de ce programme sont stables en autorisations d'engagement (AE) avec 3,8 milliards d'euros et en hausse de 5 % en crédits de paiement (CP) avec 4,1 milliards d'euros. Comme chaque année, le programme recevra des fonds de concours très importants, en provenance essentiellement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). En prenant en compte ces fonds de concours, l'évolution traduit une baisse de 7 % en AE et une augmentation de 10 % – soit environ 600 millions d'euros de hausse – en CP.
On peut grossièrement diviser ces 600 millions d'euros en quatre augmentations distinctes de 150 millions d'euros chacune : 150 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'Afitf mais sans garantie ni transparence démocratique sur l'utilisation de ces fonds nouveaux ; 150 millions d'euros pour un changement de périmètre lié à la budgétisation du congé de fin d'activité des transporteurs routiers et, là encore, rien pour le transport ; 150 millions d'euros pour l'augmentation des crédits de développement et de modernisation du réseau routier non concédé et, là encore, rien pour le climat ; enfin, 150 millions d'euros partagés entre une augmentation des paiements par l'État à SNCF Réseau des redevances d'accès facturées pour les transports express régionaux (TER) et les trains d'équilibre du territoire (TET) – et là encore, rien pour le climat.
Vous ne serez pas surpris : le budget des transports est très largement en dessous de nos attentes et, surtout, des besoins. Le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Réseau ne prévoit que 2,8 milliards d'euros pour la régénération du réseau, un montant largement insuffisant. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'intégralité des spécialistes des transports, du PDG de la SNCF M. Farandou, à l'Autorité de régulation des transports (ART), des représentants des entreprises de fret ferroviaire à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), des sénateurs de droite Hervé Maurey et Stéphane Sautarel aux sénateurs écologistes Ronan Dantec et Jacques Fernique. Tout le monde l'affirme : notre réseau est l'un des plus vieux d'Europe, avec comme conséquence des capacités de circulation limitées et une fiabilité insuffisante – et le Gouvernement investit tout juste assez pour stabiliser l'ancienneté du réseau, à supposer même que ces 2,8 milliards d'euros puissent être financés, ce qui est douteux car cela supposerait une augmentation importante et régulière des péages facturés par SNCF Réseau qui paraît difficilement soutenable.
Je déplore également le manque d'investissements pour moderniser le réseau, alors que la commande centralisée de réseau (CCR) et le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS, pour European Rail Traffic Management System), sur lesquels nous reviendrons à l'occasion de la discussion des amendements, permettraient d'améliorer la fiabilité du réseau, le cadencement des trains et l'interconnexion au niveau européen.
Les crédits alloués aux trains de nuit sont insuffisants et correspondent à peine à la moitié de ceux jugés nécessaires par l'administration du ministère elle-même dans un rapport de 2021. Ce manque d'investissement pénalise le fret ferroviaire qui doit se contenter de créneaux inadaptés. Quant aux RER (réseaux express régionaux) métropolitains, il n'en est pas question.
En ce qui concerne la politique de mobilités actives, la forte attraction du vélo nécessiterait une augmentation des moyens consacrés au développement des infrastructures cyclables. Il y a eu certes des avancées mais elles restent insuffisantes. Nous déplorons également l'insuffisante mise en valeur de la marche, alors qu'elle représente 23,5 % des déplacements de nos compatriotes. Beaucoup reste à faire, donc, en la matière, et nous vous présenterons de nombreuses propositions.
Je laisse Eva Sas s'exprimer sur le transport aérien, en m'associant pleinement aux regrets qu'elle émettra sur son insuffisante taxation.
Vous l'aurez compris, je considère le budget des transports très en deçà de ce qui est absolument nécessaire pour répondre à l'urgence climatique. J'émets donc un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 203.