C'est pratiquement un sujet de colloque. Je répondrai quelques mots sur chacun des amendements par respect et intérêt pour les questions posées, qui sont, à bien des égards, des questions partagées par tous.
Est-ce que 3 milliards d'euros supplémentaires sont suffisants ? Pour l'année 2023, oui. Par ailleurs, selon toute vraisemblance, la prochaine loi de programmation militaire ne proposera pas une diminution des crédits que nous venons d'augmenter. Il faudra poursuivre la réflexion sur la courbe même si, comme je le disais tout à l'heure à la tribune, ce n'est pas la courbe qui crée les effets militaires.
Quel format d'armée voulons-nous et quelles missions voulons-nous traiter ? Au fond, dis-moi quel est ton danger, je te dirai quelle est ton armée. Jusqu'à la dissolution du pacte de Varsovie, notre modèle d'armée a été ce qu'il devait d'être dans le cadre d'une menace nucléaire conventionnelle Est-Ouest. Les années 1990 se sont soldées par la diminution importante du format et des moyens des armées – et même de l'une des composantes de la dissuasion nucléaire – et par la fin du service militaire, en vertu de l'idée selon laquelle il fallait, pour reprendre une citation célèbre, tirer les dividendes de la paix. Pourtant, le monde n'était pas si calme, si l'on se rappelle ce qui s'est passé dans les Balkans. Le 11 septembre 2001 a marqué un autre tournant majeur quand les nations ont redécouvert – ou découvert, pour certaines d'entre elles – le terrorisme militarisé ; à bien des égards, la manœuvre abjecte des terroristes sur le World Trade Center était déjà marquée du sceau de l'hybridité.
Le moment actuel est historique. Non seulement il faut continuer de traiter et de combattre le terrorisme – dont plus personne ne parle parce que l'Ukraine nous rend myopes, mais il suffit de regarder la situation en Afrique – et les menaces hybrides – nous n'avons pas parlé une seule fois de Wagner, qui constitue pourtant une menace d'une nature différente de ce que nous avions connu jusqu'à présent –, mais il faut aussi, bien évidemment, continuer de s'intéresser aux enjeux conventionnels de dissuasion nucléaire et de solidarité.
Cela m'amène à la question européenne et franco-allemande, que nous aurons l'occasion de traiter plus au calme, avec l'ensemble des sensibilités de l'hémicycle, lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire. Il faut écouter nos partenaires européens : quand on est présent en Roumanie et en Estonie, comme nous le sommes actuellement, on participe à la réassurance et à la défense du flanc oriental de l'Europe. Ces nations, pour des raisons évidentes, ont peur de ce qui se passe actuellement, encore plus que la nation française. Tout cela conditionnera nos grands choix politiques, budgétaires et militaires. Il ne faut pas oublier que l'Allemagne ne fait pas uniquement un choix politique avec les Américains, mais aussi un choix militaire : celui du parapluie nucléaire. Cela pose des questions plus profondes que nous devrons évoquer dans le respect des orientations politiques de nos voisins. Il faut chercher à les comprendre et faire en sorte que la France parle à l'ensemble de l'Europe.
Tous ces sujets sont clairement identifiés dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale et dans la future loi de programmation militaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.