Étant donné d'où je viens, je ne suis pas un européiste béat. Comme le jeune séguiniste que j'étais, je suis attaché à la souveraineté française. Néanmoins, je prends en considération notre histoire et ce que nous devons au général de Gaulle, que le groupe Rassemblement national convoque régulièrement dans ses interventions. Il a tendu la main à l'Allemagne, qui restera toujours notre voisin et qui partage avec nous des intérêts stratégiques. Nous réussirons demain à affronter d'autres compétiteurs qui sont encore plus importants, tels que la Russie, qui a été évoquée, ou la Chine. Certains enjeux dominent l'ensemble de l'Europe. Considérer que la France seule peut tout ne reflète pas la pensée gaullienne.
Il n'en demeure pas moins que nous avons besoin d'un avion qui succède au Rafale. Comme je l'ai dit en commission et au Sénat, j'affirme ici encore que, quoi qu'il arrive – ce n'est pas une affaire d'idéologie zélatrice du couple franco-allemand –, il y aura un avion de chasse pour succéder au Rafale dans l'armée française. C'est notre objectif numéro un. Nous ne serons pas naïfs, ni en ce qui concerne l'élaboration ni l'exportation. Vous savez que c'est un des éléments de discussion – disons-le ainsi – avec nos amis et partenaires allemands. Nous avons des intérêts stratégiques, pas pour vendre des armes, monsieur le député, mais parce que, en donnant notre parole dans les accords de défense, nous créons quelque chose entre la France et des pays qui n'ont pas acheté seulement des Rafale, des pays qui achètent aussi, à travers ces grands contrats d'armement souvent adossés à des traités de défense, un peu de stratégie française.
Ensuite, sans naïveté, monsieur le député, cet avion de chasse, qui appartiendra aux forces aériennes stratégiques, fera partie de notre stratégie en matière de dissuasion. Il a vocation à emporter l'ensemble de nos bombes dans le cadre de la dissuasion nucléaire.
Une fois qu'on a dit tout cela, il y a un débat, pour le coup, idéologique, qui demande du pragmatisme. On sait que les Allemands comme les Français ont besoin de la phase 1B, que le député Jean-Louis Thiériot connaît pratiquement par cœur. Il y a deux manières de faire. Selon la première, faisant preuve de pragmatisme, on laisse sa chance à cette phase 1B – moi qui suis un enfant de Vernon, je sais que le programme Ariane a aussi connu des hauts et de bas –, en se souvenant qu'il faut être capable de persévérer ; puis, à la fin de la phase 1B, on examine ce qu'il est possible de faire ou non. Selon la seconde, on décrète tout de suite – c'est en quelque sorte l'objet de l'amendement – la mort du Scaf, et on rentre chez soi sans mener à bien la phase 1B. J'y vois une ligne de partage et de fracture entre nous et entre les groupes, entre ceux qui disent : « Tentons la chance », et ceux qui préfèrent jeter le bébé avec l'eau du bain. Je le dis comme je le pense : laissons cette chance, car c'est aussi être français que de persévérer.