Tout d'abord, et c'est une nouvelle suffisamment importante pour être saluée, les armées n'ont cessé de voir leur budget progresser depuis 2019 d'environ 1,7 milliard d'euros par an.
À la lecture du projet de loi de finances pour 2023, nous constatons que la mission "Défense " bénéficiera des 3 milliards supplémentaires prévus par la loi de programmation militaire, alors que les militaires craignaient des coupes budgétaires, et nous notons que les crédits consacrés à l'innovation sont consolidés à 1 milliard, conformément à la LPM également. Cette augmentation, évidemment bienvenue dans un contexte de dégradation géostratégique, signale aussi, à nos yeux, l'urgence de voir émerger une autonomie stratégique européenne. Nous espérons que cet objectif majeur sera investi à la hauteur de son importance.
Toutefois, et je m'exprime également en tant que membre de la commission des affaires étrangères, je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle avec les moyens alloués à notre arsenal diplomatique. Alors que la guerre fait rage en Ukraine, alors que Vladimir Poutine brandit chaque jour la menace d'une attaque nucléaire, alors que les civils de Kherson tremblent, nul ne peut douter de l'importance de disposer d'une armée forte, capable d'intervenir et de protéger l'Europe face aux menaces extérieures.
Cette armée a besoin de moyens à la hauteur de l'instabilité qui marque la période actuelle. Mais, chers collègues, n'oublions pas notre objectif : la paix. Or, au fil de notre histoire, le maintien de la paix a reposé sur un pilier essentiel, qui est aujourd'hui profondément affaibli : la diplomatie. Alors que depuis trente ans le budget du ministère des affaires étrangères a été raboté, le projet de loi de finances pour 2023 propose la création de 100 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Si nous pouvons saluer cette mesure, rappelons que ce n'est rien, absolument rien, en comparaison de ce dont la France aurait besoin pour maintenir un réseau diplomatique qui a maintes fois fait la preuve de son excellence. Le temps est venu de lui redonner son influence d'antan. C'est pourquoi le groupe Écologiste – NUPES demande un rééquilibrage des crédits alloués à l'action extérieure de la France.
Ces sujets sont primordiaux pour les Français. Ils doivent pouvoir être débattus, sans contrainte ni retenue, au Parlement. Je le précise alors que la Première ministre a eu recours hier, pour la troisième fois en une semaine, au 49.3. Je le dis aussi alors que le Président de la République nous accuse de « cynisme » et de « désordre ». Mais enfin, chers collègues, dans quelle société vivons-nous ? Comment pouvons-nous laisser bafouer ainsi la démocratie et insulter cette assemblée ?
Le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement doit redevenir central, utile et efficace. Nous n'acceptons pas que le Gouvernement ait, par le passé, refusé de réaliser avec le Parlement une réactualisation de la loi de programmation militaire ou encore refusé d'estimer les surcoûts avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Nous n'acceptons pas non plus que le Gouvernement ait échappé à tout contrôle parlementaire, en abusant à tout va de la diffusion restreinte de certains documents au prétexte d'une trop grande confidentialité. À quoi servent les huis clos ? Sommes-nous indignes de confiance, perpétuellement infantilisés, incapables d'exercer notre mission de contrôle ? Je le dis ici avec force : ces pratiques doivent cesser. Ne nous étonnons pas, au vu des méthodes utilisées, que les Français nourrissent un immense déficit de confiance à l'égard de leurs dirigeants. Le résultat est là : quatre-vingt-neuf députés du Rassemblement national dans cet hémicycle !