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Intervention de Frank Giletti

Séance en hémicycle du jeudi 27 octobre 2022 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrank Giletti, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

La guerre est de retour en Europe. La guerre est à nos frontières. Je me permets de redire cette évidence car les exercices d'autocongratulation auxquels certains s'adonnent sur le respect de la loi de programmation militaire me laissent pantois. Car, mes chers collègues, la question n'est pas là, je le dis avec force. La question n'est pas de savoir si la marche de 3 milliards d'euros – devenue, du reste, une marche à 1,5 milliard en raison de l'inflation – a été franchie. La question n'est pas de savoir si un texte voté en juillet 2018, dans un contexte stratégique radicalement différent de celui qui prédomine aujourd'hui, a été respecté. La seule et unique question qui vaille, mes chers collègues, est celle-ci : sommes-nous prêts ? Les moyens alloués à nos armées leur permettent-ils de faire face, de ne pas subir, en cas de guerre ? Pourrons-nous, en cas d'affrontement, nous qui sommes membres de la représentation nationale, regarder nos enfants droit dans les yeux et leur dire que nous avons fait ce qu'il fallait pour les protéger, pour protéger notre nation ? Voilà la véritable question, voilà l'enjeu du budget de la défense !

Oui, 3 milliards – ou plutôt 1,5 milliard, comme je le disais – c'est mieux que rien, tout le monde en convient.

Mais il faut bien comprendre d'où l'on vient, mes chers collègues : nos armées ont été décimées par des décennies de déflation de leurs moyens et de leurs effectifs, sacrifiés sur l'autel des prétendus « dividendes de la paix ». Pour la seule armée de l'air et de l'espace, dont j'ai l'honneur de rapporter le budget, les chiffres sont édifiants. Depuis 2008, en l'espace de quatorze ans, celle-ci a subi une réduction de moitié du format de sa flotte de chasse ; une perte de 30 % de ses effectifs ; une fermeture en moyenne d'une base aérienne par an.

Voilà d'où l'on vient. Et cette déflation a naturellement des répercussions directes sur le terrain. Aujourd'hui, le format de notre flotte d'aviation de chasse a ainsi atteint son point le plus bas historique. Le nombre d'avions a été tellement réduit que les taux d'activité opérationnelle sont en chute libre. Un pilote de chasse devrait voler cent quatre-vingt heures par an : c'est la norme Otan, reprise dans la LPM. En 2023, il est prévu cent quarante-sept heures de vol par aviateur – cent quarante-sept heures au lieu de cent quatre-vingts ! Plus grave encore, il est aujourd'hui impossible à l'armée de l'air et de l'espace d'assurer pleinement, en cas d'alerte, à la fois ses missions de dissuasion nucléaire – qui exigent de sanctuariser un grand nombre d'aéronefs – et l'ensemble de ses missions conventionnelles.

Voilà où nous en sommes réduits en raison de décennies de déflation et de sous-investissement dans nos armées, notamment dans l'armée de l'air et de l'espace.

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