Innovation de défense, relations internationales de défense, renseignement, analyse stratégique : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, dont la commission de la défense m'a fait le plaisir de me nommer rapporteur pour avis, est essentiel à l'avenir de cette politique. Son budget enregistre cette année une augmentation de 7 % en crédits de paiement (CP), ce qui correspond pleinement à la stratégie de remontée en puissance définie par la LPM ; les moyens alloués à l'innovation de défense sont maintenus au niveau fixé par cette même loi, soit plus de 1 milliard d'euros en crédits de paiement, tandis que d'autres fonds permettront à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) de poursuivre la réalisation de leurs grands projets immobiliers.
Permettez-moi de partager avec vous trois observations. Tout d'abord, s'agissant des deux projets immobiliers que je viens d'évoquer, nous ne pouvons ignorer le fait que le niveau de l'inflation dans le secteur du bâtiment affectera les trajectoires financières déterminées en 2021 : je serai attentif à la manière dont ils sont conduits, car il y va de la résilience et de la performance de nos services de renseignement. Ensuite, il n'est pas normal qu'en raison d'une règle budgétaire subordonnant l'ouverture d'une mission de défense à la fermeture d'une autre, nous ayons dû attendre cet été pour en ouvrir une en Estonie : le réseau des attachés de défense doit être mis en cohérence avec nos ambitions politiques, nos déploiements hors de nos frontières et l'évolution de la conflictualité. Enfin, je suivrai de près le projet de réforme des quatre grands corps techniques de l'État, qui concerne en premier lieu les élèves de l'École polytechnique ; il convient de veiller à la préservation de la militarité et du statut d'officier des ingénieurs de l'armement, aux rémunérations, au risque de marginalisation des compétences spécifiques à la défense.
J'ai choisi cette année d'étudier les enseignements de la guerre en Ukraine : à cet égard, je souhaiterais vous faire part de trois conclusions. En matière d'anticipation stratégique, je salue le fait que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ait été chargé de coordonner la rédaction de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, car l'échelon interministériel est celui qui convient en vue d'une prospective pertinente. Du reste, les biais cognitifs des prospectivistes et ceux relatifs aux moyens dont disposent nos services de renseignement, qui ne font pas partie des Five Eyes, doivent être dûment pris en compte.
Par ailleurs, l'innovation de défense pourrait être utilement intégrée aux réflexions en cours sur l'économie de guerre : elle est en effet susceptible de contribuer à l'allègement des processus de spécification et de dérisquage des systèmes d'armes, comme à l'accélération du processus de maintien en condition opérationnelle des équipements. Enfin, une leçon importante de la guerre en Ukraine réside dans le fait qu'il importe de ne pas confondre cette innovation avec le rattrapage capacitaire. Ce conflit a mis en évidence des carences en matière de drones aériens, de défense sol-air, de guerre informationnelle, que nous devons combler pour gagner aujourd'hui ; en revanche, si nous voulons gagner demain, il nous faut concomitamment investir dans d'autres domaines-clés, à commencer par les drones sous-marins et le quantique. Or, de même que l'ambitieux budget du programme 144, les crédits de la mission "Défense" sont à la hauteur des défis qui nous attendent ; c'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à les adopter.