Intervention de Christophe Plassard

Séance en hémicycle du jeudi 27 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Plassard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le budget de la défense pour 2023 est un budget de transition entre la fin de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, écourtée, et une prochaine LPM, en cours de préparation, les deux exercices ne devant pas être confondus. La mission Défense est dotée de 62 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 53 milliards en crédits de paiement, mais c'est le chiffre de 44 milliards d'euros, hors contribution au compte d'affectation spéciale qui mérite plutôt d'être retenu.

Sur cette base, le budget augmente de 3 milliards par rapport à 2022. Pour la cinquième année consécutive, il est conforme à la LPM 2019-2025. Il ne faut pas sous-estimer l'effort réalisé. La LPM était ambitieuse et nous pouvions douter que la marche de 3 milliards serait atteinte en 2023. Or toutes les annuités de la LPM ont été respectées. Entre 2018 et 2023, le budget de la défense aura augmenté de 36 % pour atteindre 2 % du PIB. L'impact de l'inflation – 1 milliard environ – est maîtrisé et compensé par un relâchement du report de charges et par la structure des relations contractuelles dans le secteur de la défense, caractérisées par des contrats de long terme et donc par des possibilités d'ajustement plus importantes que pour des achats de court terme.

Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, qui comprend notamment les crédits relatifs au renseignement, à la prospective, aux études en amont et à l'innovation, est doté de 1,9 milliard, soit 7 % d'augmentation par rapport à 2022. Il faut souligner la montée en puissance des moyens humains et matériels des services de renseignement, qui bénéficient d'une hausse de crédits de 16 %, et l'accroissement de l'effort budgétaire en faveur de la prospective et de l'innovation de défense. Par ailleurs, 1 milliard est prévu pour les études en amont.

Le programme 146 Équipement des forces, qui correspond aux moyens de dissuasion, de commandement, d'information, de protection et de logistique, aux capacités d'engagement et de combat des armées et aux moyens de protection, et qui finance les commandes passées à la base industrielle et technologique de défense (BITD), est doté de 15,4 milliards, soit une augmentation de 900 millions par rapport à 2022, dont 8,5 milliards pour les grands programmes d'armement, 4,65 milliards pour la dissuasion et 14 milliards pour de nouvelles commandes.

D'importantes livraisons seront effectuées en 2023 : dix-huit chars Leclerc rénovés, 264 véhicules blindés multirôles Griffon, Serval et Jaguar, treize avions de chasse Rafale, deux avions de transport A400M, trois avions multirôles de transport et de ravitaillement (MRTT), ainsi que le deuxième sous-marin nucléaire d'attaque du programme Barracuda et un patrouilleur outre-mer (POM). On voit ici les effets du cycle long de l'industrie de la défense et l'inertie qui caractérise les LPM, au vu des effets de celle qui a débuté avec clairvoyance en 2019 ; ils témoignent du fait qu'une LPM produit des résultats sur le long terme.

S'agissant du renouvellement des stocks de munitions, 2 milliards d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et 1,1 milliard en crédits de paiement. Ils serviront notamment à l'achat de missiles antichars et antiaériens de moyenne portée, de missiles d'interception de combat et d'autodéfense et d'obus de 155 millimètres pour les canons Caesar – camion équipé d'un système d'artillerie.

L'année 2023 sera, je l'ai dit, une année charnière entre la LPM 2019-2025 et celle des années 2024-2030, annoncée par le Président de la République. Dans un contexte géopolitique instable marqué par une recrudescence des menaces et le retour de la guerre sur le sol européen, nous devons préserver un modèle d'armée cohérent, crédible et équilibré. Nous devons aussi garder notre autonomie stratégique, préparer nos forces à la haute intensité, renforcer les entraînements et retrouver de la masse tout en conservant notre avance technologique dans plusieurs domaines.

Il faudra aussi nous préparer à l'économie de guerre, c'est-à-dire reconstituer des stocks de matériel et de munitions et nous mettre en capacité d'augmenter rapidement et massivement la production industrielle d'armement, comme nous avons su ou dû le faire pendant la crise du covid s'agissant des masques.

Il est tout aussi important de renforcer le lien entre l'armée et la nation : l'engagement de la population ukrainienne dans la défense de son territoire montre qu'un tel lien est essentiel pour la performance des forces armées. Cela suppose notamment de renforcer la réserve opérationnelle, et c'est aussi nécessaire pour rendre l'effort financier acceptable et compréhensible pour les Français.

Enfin, il faut accélérer la transition écologique du ministère des armées et réduire l'empreinte environnementale des infrastructures militaires. Sur ses bases en France comme en opérations extérieures (Opex), l'armée peut être un lieu d'expérimentation en matière de politique environnementale et énergétique, sachant que l'autonomie énergétique d'une base est aussi un atout, tant la logistique en Opex peut être un facteur de fragilité aussi bien qu'une ressource.

Dans ce contexte, je vous invite évidemment à adopter les crédits de la mission "Défense" . Notre armée a fait preuve d'habileté malgré des creux capacitaires et des stocks contraints ; nous devons lui permettre d'accéder à l'agilité.

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