Le pont de secours de Dzoumogné vient d'être livré à Mayotte. Je tiens à saluer les efforts de services de l'État, mais je m'étonne que ce pont, qui était sur une étagère à La Réunion, n'ait qu'une seule voie, contrairement à ce que nous avions demandé et à ce qui figurait dans la lettre que vous m'aviez adressée, monsieur le ministre délégué : l'État s'était engagé à construire un pont à double sens de circulation muni d'une passerelle piétonne. Ce pont a vocation à remplacer un ouvrage temporaire en place depuis plus de vingt ans. À Mayotte, le temporaire nous inquiète, car il a le don de durer.
Je le dis avec d'autant plus de franchise que les échanges avec M. Thierry Suquet, préfet de Mayotte, sont particulièrement difficiles. Il m'a rappelé à plusieurs reprises qu'il était l'État et qu'il était seul décisionnaire. Lorsque je lui ai rappelé l'engagement que vous aviez pris par écrit, je n'ai obtenu de lui aucune clarification concernant l'exécution de cet engagement – ni sur le budget ni sur les délais. J'ai dû lui expliquer longuement avec d'autres élus que la question du foncier autour du site où doit être installé le pont à deux voies n'était pas réglée, contrairement à ce qu'il déclarait. C'est le désenclavement de tout le nord de l'île de Mayotte qui est en jeu. Le représentant du gouvernement ne nous a donné aucune perspective, ce qui inquiète les élus et la population au plus haut point.
J'en viens à la question connexe des infrastructures routières. Mayotte ne compte que quatre routes nationales, et l'une d'entre elles, située elle aussi dans le nord de l'île, est en train de s'affaisser à cause de l'humidité. Des dizaines de milliers de personnes se retrouvent enclavées, plus encore que d'habitude. Or, dans les discussions qui se mènent à Paris, je n'entends parler d'aucun projet routier pour Mayotte. Nous, Mahoraises et Mahorais, passons des heures, sur une île qui ne fait que 375 kilomètres carrés, pour parcourir vingt kilomètres, parce que nous n'avons que des routes à une voie, au mieux à deux voies. L'État n'investit pas. En 2018, à l'issue du conflit social, on nous avait promis une route de contournement, une route littorale, une route collinaire. Rien n'a été fait ; nous n'avons pas avancé d'un pouce sur la question des infrastructures routières.
Je me félicite de vos annonces quant au BQP sur un panier de 300 produits à La Réunion. À Mayotte, il est question de 70 produits seulement, et le BQP n'est toujours pas en vigueur. Le pack d'eau se paie 10 euros. Nous nous retrouvons sur une île, beaucoup plus petite, avec trois importateurs et un préfet incapable de mener une discussion, même pour 70 produits. D'après les chiffres publiés par l'Insee en juillet dernier, les prix alimentaires sont plus élevés de 42 % à Mayotte que dans l'hexagone, et l'inflation est de 6 %. Je m'alarme de la lenteur du travail sur ce panier minimal de 70 produits – pas 300 ! Sur une île qui connaît une très grande pauvreté, c'est une question de survie.
L'un des éléments de la vie chère est le prix du billet d'avion. Tous les transporteurs aériens font valoir que le kérosène est beaucoup plus cher à Mayotte qu'à La Réunion, ce qui justifie selon eux ce prix. Nous avions évoqué cette question ensemble, monsieur le ministre délégué. Vous avez eu une discussion avec M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, entreprise qui détient un monopole absolu à Mayotte. Où en est-on sur cette question du kérosène ?
Par ailleurs, dans la mesure où nous importons tous nos produits, nous sommes dépendants du prix des containers, qui a connu une inflation délirante. M. Saadé s'est très habilement exclu de toute discussion sur les superprofits, alors même que CMA CGM en a réalisé. Je signale que le Congrès des États-Unis a ouvert une enquête sur les ententes dans le domaine des transports maritimes. La question sera donc soulevée, et elle concerne tous les territoires ultramarins insulaires, qui dépendent des importations. Je vous invite à réfléchir à un bouclier contre la hausse du prix des containers.
CMA CGM bénéficie d'un tête-à-tête, que certains trouveraient toxique, avec le gouvernement. Comme à M. Pouyanné, le minimum serait de demander à M. Saadé de consentir un effort. Il ne faut pas se moquer du peuple avec des baisses de quelques centaines d'euros alors que les hausses ont atteint plusieurs milliers d'euros ! Nous ne pouvons plus ni construire ni avancer, sachant que l'augmentation du prix des containers n'a pas encore été totalement répercutée sur les prix à Mayotte, lesquels vont donc connaître une hausse explosive.
Il y a quelques semaines, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le président des Comores, M. Azali, a de nouveau revendiqué la souveraineté sur Mayotte. Pourquoi notre diplomatie reste-t-elle silencieuse ? J'ai interpellé Mme Colonna à plusieurs reprises. Paris n'a pas dit un mot pour réaffirmer que Mayotte est française, pour défendre ce territoire qui est français depuis 1841.
Je n'ose imaginer qu'il y ait le moindre doute sur le fait que Mayotte est française. Mais lorsqu'un État hostile, qui envoie toute sa population coloniser Mayotte, fait une telle déclaration, je voudrais qu'on ait le courage à Paris de défendre ses propres concitoyens. Il ne sert à rien de gesticuler pour défendre les Ukrainiens et les autres peuples opprimés lorsqu'on n'est pas capable de défendre ses propres ressortissants. Je vous demande, monsieur le ministre délégué, de répondre à M. Azali.
Je termine par l'insécurité. C'est une tragédie qui s'annonce. Malgré les annonces et les efforts consentis par M. Darmanin – je les reconnais –, nous ne voyons pas d'amélioration au quotidien sur le terrain. Je reprends les termes de l'appel des maires de Mayotte, qui viennent la semaine prochaine à Paris : nous attendons de l'État des mesures choc et un message très clair qui ramène la paix et le calme à Mayotte. Il ne se passe pas un jour sans que se produisent des émeutes ou des affrontements avec les forces de l'ordre, ni sans qu'un bus scolaire, transportant des enfants mineurs, soit attaqué ou caillassé sur le chemin de l'école. Il faut prendre la mesure du traumatisme que vit Mayotte !
La légèreté avec laquelle le sujet est abordé à Paris est non seulement en train de nous coûter des vies, mais aussi d'hypothéquer l'avenir de Mayotte. Le problème dépasse d'ailleurs la question des renforts. Certes, il y a eu un effort en la matière, mais compte tenu du retard pris, cela reste insuffisant : la violence continue à augmenter. Et qu'on cesse de nous dire qu'on ne peut pas peut mettre un flic derrière chaque habitant ! À Mayotte, le nombre d'uniformes rapporté à la population est bien inférieur à la moyenne nationale.
La question de l'insécurité est liée à celle de l'immigration clandestine, puisque 90 % des détenus du centre pénitentiaire de Majicavo sont des ressortissants comoriens. Je demande de nouveau ici le déploiement d'un patrouilleur outre-mer (POM) à Mayotte. Pour lutter contre l'immigration clandestine dans l'océan Indien, on a envoyé un POM à La Réunion, alors que le problème se pose à Mayotte ! J'invite le gouvernement à consulter une carte géographique. Nous avons besoin qu'il développe la base de la marine nationale à Mayotte et y déploie un POM.