Nous examinons pour avis l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE). Ce montant devrait être de 24,5 milliards d'euros.
Je commencerai par vous présenter la procédure suivie pour déterminer le budget de l'Union pour 2023.
Ce budget constitue la troisième annuité du dernier CFP, qui prévoit un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d'euros en crédits d'engagement sur sept ans. Ce budget de long terme a permis à l'Union européenne de se doter, pour la première fois, d'une capacité budgétaire propre, quoique temporaire, qui s'est concrétisée par le plan de relance européen Next Generation EU. Conformément à l'article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, chaque budget annuel doit s'inscrire dans les limites des dépenses fixées par le CFP. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, de manière à laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés – ce qui est particulièrement important par les temps qui courent. Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d'être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.
La Commission a prévu le 7 juin 2022 un budget de 185,6 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 166,3 milliards d'euros en crédits de paiement, auxquels s'ajoute une enveloppe de quelque 113,9 milliards d'euros de subventions dans le cadre du plan de relance européen. Une fois encore, le budget annuel proposé par la Commission vise à réaliser des investissements importants dans le but de renforcer l'autonomie stratégique de l'Europe, de stimuler la reprise économique, de préserver la durabilité et de créer des emplois. En outre, une part importante des fonds devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l'objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme et de l'instrument de relance à cette priorité politique.
La position du Conseil, approuvée le 13 juillet 2022 et formellement adoptée le 6 septembre 2022 par la voie d'une procédure écrite, est un budget de 183,95 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 165,74 milliards d'euros en crédits de paiement, inférieur donc à la proposition de la Commission. Le Conseil a en effet opté pour une approche prudente compte tenu de l'instabilité du contexte actuel, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Le Conseil insiste sur la nécessité de conserver des marges de manœuvre budgétaires pour faire face aux incertitudes découlant des différentes crises en cours. La diminution par rapport à la proposition initiale de la Commission permettrait d'augmenter les marges de 1,6 milliard d'euros en crédits d'engagement et de 530 millions d'euros en crédits de paiement. La rubrique 7 du budget de l'Union, relative aux dépenses administratives, a été un point difficile dans la négociation entre les États membres du fait de l'ajustement salarial élevé – une hausse de 8,6 % – et des demandes d'effectifs supplémentaires formulées par le Parlement européen.
La présidence tchèque dispose maintenant d'un mandat pour négocier avec le Parlement européen le budget de l'Union pour l'année à venir. Cette procédure devrait aboutir dans le courant du mois de novembre.
J'en viens à l'analyse de la contribution française. Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne finance la majeure partie de celle-ci. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l'Union, à savoir la ressource relative à la TVA, la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) et, depuis le 1er janvier 2021, la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés.
La contribution française au budget de l'Union, composée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles, est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s'accroît dans les recettes fiscales nettes de l'État. Son montant a plus que doublé en quarante ans, passant, à périmètre constant, de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023. Cette évolution a logiquement suivi celle du budget européen dans le produit national brut (PNB) des États membres.
La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 avait prévu une hausse significative du prélèvement européen, de l'ordre de 5,7 milliards d'euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni, alors deuxième contributeur net au budget européen, de l'Union européenne et de l'augmentation des dépenses requise pour répondre à la crise sanitaire : il était évalué à 27,2 milliards d'euros, contre 21,4 milliards en 2020. Le projet de loi de finances pour 2022 s'inscrivait dans cette lignée, avec une stabilisation du PSR-UE à hauteur de 26,4 milliards d'euros ; la LFI l'avait finalement fixé à 26,359 milliards d'euros, la diminution de 41 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances étant liée à la prise en compte du montant du budget annuel de l'Union européenne pour 2022 tel qu'adopté formellement par le Conseil et le Parlement européen à la faveur du compromis trouvé entre les deux institutions.
Au 30 septembre 2022, quatre projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission. Cumulés, les projets de budgets rectificatifs, ainsi que la budgétisation d'amendes et la variation de la contribution britannique au titre de l'accord de retrait conduisent à une baisse du PSR-UE. Sur la base des différents éléments disponibles à ce jour, ainsi que de divers ajustements techniques, la prévision a été diminuée de 1 418 millions d'euros par rapport à la celle inscrite dans la LFI pour 2022. Elle se trouve fixée à quelque 24,9 milliards d'euros. Cette baisse résulte principalement d'effets favorables en recettes qui compensent l'actualisation à la hausse des dépenses de l'Union du fait notamment de l'accueil des réfugiés ukrainiens. On peut ainsi mentionner les effets asymétriques en Europe de la reprise économique, qui se traduisent par une baisse relative de la part française dans le revenu national brut européen ainsi que dans la ressource TVA et, partant, à une réduction de nos clefs de contribution nationale ; l'augmentation des droits de douane versés au budget européen par suite de la reprise du commerce international ; un report de solde et diverses recettes – amendes et contribution britannique – plus importants qu'anticipé.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, l'article 25 évalue le montant du PSR-UE à 24,5 milliards d'euros. Cette estimation correspond à une diminution de 356 millions d'euros par rapport à l'évaluation révisée pour 2022. La stabilisation transitoire du PSR-UE, après le pic enregistré dans la LFI pour 2021, correspond aux facteurs précédemment évoqués.
La ressource RNB devrait représenter, en 2023, 75 % de la contribution française à l'Union européenne, la ressource TVA, 13 %, les ressources propres traditionnelles, une fois les frais de perception déduits, 8 %, et la contribution au titre des emballages plastiques non recyclés, 4 %. Cette dernière ressource reste inférieure aux autres mais commence à devenir significative.
Je terminerai mon propos sur un point d'actualité, concernant l'une des innovations du dernier CFP. Le budget de l'Union européenne est en effet désormais protégé, y compris à titre préventif, contre les violations des principes de l'État de droit grâce au règlement du 16 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021. Le nouveau régime permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l'Union, y compris dans le cadre de l'instrument de relance Next Generation EU, à un État membre si celui-ci commet une violation des principes de l'État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l'Union.
Sur cette base des demandes d'information ont été formulées par la Commission à la Hongrie et à la Pologne. Elles portent, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l'Union, le manque d'indépendance de l'autorité judicaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics et l'inefficacité des services d'enquête en Hongrie.
À la suite de l'annonce d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre de ce mécanisme à l'encontre de Budapest, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition par la Hongrie d'une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations de la Commission.
Bien que les mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes, la Commission a conclu qu'elles pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu'elles fassent l'objet de dispositions législatives et qu'elles soient effectivement mises en œuvre. Elle estime néanmoins qu'il subsiste à ce stade un risque pour le budget de l'Union. Aussi, à la suite d'une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d'exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens par le moyen d'une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion et d'une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d'intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte. Cette décision doit être soumise au vote du Conseil, qui aura un mois pour décider d'adopter ou non les mesures proposées. Ce délai peut être prolongé de deux mois au maximum, en cas de circonstances exceptionnelles.
Afin d'aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s'est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Ainsi, les 3 et 4 octobre derniers, l'Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes, dont une loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds de l'Union européenne qui établit notamment une « Autorité de l'intégrité », une loi modifiant le code de procédure pénale révisant les règles de la procédure d'appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou à des malversations, et une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d'élaboration législative, et elle a réformé deux lois de 2015 et de 2021 relatives à la gestion des fondations d'intérêt public, en soumettant celles-ci à l'obligation de passer des appels d'offres publics. Ces mesures doivent être saluées, même si elles comportent encore des lacunes et appellent une grande vigilance quant à leur mise en œuvre. Par ailleurs, d'autres évolutions législatives sont attendues.
En conclusion, je rappelle que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l'Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l'Europe les moyens d'influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.
Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu'il s'agisse de l'instrument de relance européen ou de la mise en place d'une protection contre les violations de l'État de droit, ont vocation à renforcer l'Union et notre capacité d'action collective dans un monde en crise.
Je vous propose de nous prononcer en faveur de l'adoption de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2023.