« Je suis restée vingt-quatre heures sur le même brancard, sans rien manger […]. » Qui témoigne ainsi ? Madeleine Riffaud, résistante pendant la deuxième guerre mondiale, âgée de 98 ans. Elle et sa génération ont contribué à construire la sécurité sociale. Comment est-elle traitée aujourd'hui ? Elle explique : « Je me suis retrouvé couchée au milieu de malades qui hurlaient de douleur, de rage, d'abandon, que sais-je. Et les infirmières couraient là-dedans, débordées… Elles distribuaient des J'arrive ! et des Ça marche ! J'arrive, j'arrive ! Mais personne n'arrivait. Jamais. Moi-même, j'ai mis douze heures pour obtenir la moitié d'un verre d'une eau douteuse. » Voilà comment parle une personne âgée de 98 ans.
Dans un hôpital plus obscur, à Péronne, les soignants nous disent, quand on les écoute, que des personnes âgées peuvent attendre pendant douze, voire vingt-quatre heures sur un brancard, dans un couloir, sous la lumière des néons. Ils se demandent : « Est-ce que c'est comme cela que j'aimerais traiter mon père ou mon grand-père ? » Cela explique les démissions en série.
Il est déjà pesant d'avoir le sentiment de mal faire son travail quand on travaille dans la logistique et qu'on transporte des cartons. Quand ce sont des humains qu'on a le sentiment de maltraiter, cela devient déchirant ! Or cette maltraitance, vous l'inscrivez dans les chiffres. Vous prévoyez en effet d'augmenter les dépenses de santé de 3,7 % en 2023, donc au-dessous de l'inflation, et de 2,3 % en 2024. Ces petits chiffres avec de petites virgules paraissent anodins, mais ils contiennent une extrême violence. Ce sont des centaines de cas similaires à celui de Madeleine Riffaud que vous institutionnalisez et considérez comme normaux et banals. Telle est la violence tranquille que vous produisez avec des décisions purement comptables et qui ne tiennent pas compte des vies et des visages.