Nous venons d'apprendre qu'une enquête statistique est en cours, ce qui nous fait craindre un nouveau retard, voire l'absence de revalorisation, tant les reports se sont succédé ces dernières années.
Ce PLFSS affiche la volonté de rééquilibrer la politique de santé, en développant la dimension préventive grâce à des consultations médicales gratuites aux âges clés de 25 ans, 45 ans et 65 ans. Cette mesure générale, intéressante en soi, devra toutefois, pour être efficace, se décliner au niveau régional, afin de tenir compte des fortes inégalités sociales et territoriales face à la maladie. Elle nécessitera aussi de s'articuler avec des actions ciblées et de proximité contre les facteurs de risques que sont la consommation de tabac et d'alcool, et l'obésité.
La nécessité d'une approche différenciée m'amène dès à présent à proposer que l'apparition des maladies chroniques soit abordée dans les outre-mer dès la première consultation, entre 20 et 25 ans. En effet, la surprévalence de ces pathologies dans nos régions rend nécessaire une prévention et un dépistage plus précoces. La Réunion enregistre le plus fort taux de personnes atteintes de diabète de type 2 en France et les complications y surviennent plus tôt dans la vie des patients. Ainsi, nous détenons le triste record national s'agissant du taux d'amputation. Et pourtant, les fast-foods ne cessent d'ouvrir dans mon département.
La progression continue de cette maladie, les bouleversements qu'elle provoque dans les existences, mais aussi, dans la mesure où il s'agit d'une maladie métabolique, la possibilité d'agir bien en amont, justifient amplement que le diabète fasse l'objet à La Réunion d'un plan de prévention régional. Il est urgent à la fois de mieux en comprendre les causes, de renforcer la prévention, et d'agir sur tous ses déterminants.
Il est d'ailleurs paradoxal que les territoires les plus touchés par les grandes pathologies chroniques, et qui doivent lutter contre des phénomènes d'addiction et leurs conséquences douloureuses – particulièrement l'alcoolisation fœtale –, soient encore moins bien dotés que les autres en matière de médecine préventive. En effet, les moyens consacrés à la prévention dans les outre-mer sont deux fois moins importants qu'en France continentale. Ainsi, l'objectif d'égal accès à la prévention risque d'être un vœu pieux sans une démarche volontariste des pouvoirs publics.
Par ailleurs, à son tour, ce PLFSS entend lutter contre les déserts médicaux, avec une mesure qui, c'est le moins que l'on puisse dire, suscite bien des remous chez les internes en médecine concernés. Dans ce contexte, il est difficile de ne pas évoquer la situation des soignants non vaccinés et interdits d'exercer depuis près d'un an – certains le seront même à perpétuité, si l'on se réfère au plan de départ exceptionnel que le Gouvernement vient de proposer aux Antilles et en Guyane, lequel a été rejeté par les syndicats et les collectifs de personnels.
Entre la détérioration de l'offre de soins dans des territoires déjà sous tension – je rappelle que la Guyane et Mayotte sont les premiers déserts médicaux de France – et la présence de soignants respectant un strict protocole sanitaire avec la présentation régulière de tests de dépistage négatifs, la question de la réintégration des soignants ne me semble pas représenter un choix cornélien. Mes chers collègues, si vous saviez combien il est difficile de trouver un médecin à La Réunion pour constater un décès !
Améliorer l'accès de tous aux soins, c'est aussi faciliter l'accès aux médicaments. Or, depuis 2020, la pénurie de médicaments augmente à La Réunion, comme ce fut le cas, récemment, s'agissant des sirops antitussifs. Le désordre du fret maritime mondial est évidemment un facteur d'explication, mais il faut aussi pointer l'insuffisance de plus en plus fréquente de réserves de médicaments. En effet, contrairement aux grossistes-répartiteurs, les laboratoires et leurs dépositaires vendent de plus en plus fréquemment aux officines de manière directe, et ce sans être soumis aux obligations de service public, dont celle de disposer de quinze jours de stocks.
Présenté comme un PLFSS post-covid, celui-ci n'en porte pas la trace s'agissant des investissements, pas plus qu'il n'apporte une réponse aux besoins en personnels. Nous vous réclamons donc plus de moyens, non par pure opposition, mais parce qu'il y a des vies à préserver et à sauver en outre-mer et en France métropolitaine.