En créant immédiatement 7 500 postes et en prenant un engagement ferme au sujet des 50 000 autres avant la fin du quinquennat, vous enverriez un signal positif aux établissements qui sont en grande souffrance.
À domicile, les besoins sont aussi importants. Malgré les moyens investis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et par les départements, de nombreuses structures peinent à répondre aux demandes formulées en matière d'accompagnement, encore une fois faute de personnel. Et du fait de l'inflation, de la hausse des prix de l'énergie et notamment de l'essence, la situation de l'accompagnement à domicile devient critique. Or il ne sera possible de consacrer le temps prévu par le texte au lien social et à l'accompagnement des bénéficiaires de l'APA à domicile, qui constitue une avancée très attendue, que si l'on trouve du personnel pour cela.
Tous ces défis impliquent de consacrer des financements ad hoc et conséquents à la branche autonomie, faute de quoi cette dernière continuera d'être une coquille vide, insuffisante pour prendre réellement en charge le risque dépendance. En effet, même si une fraction de la CSG – contribution sociale généralisée – doit lui être affectée, aucun financement nouveau n'est prévu à destination de cette branche. La réaffectation de CSG ne représentera que 2,3 milliards d'euros, alors que le rapport Libault fixe à 6,5 milliards le besoin de financement pour améliorer la prise en charge de la perte d'autonomie à l'horizon 2024 – demain ! Il est inacceptable de faire une nouvelle fois l'impasse sur ce sujet majeur, et d'en rester à un statu quo intolérable pour nos aînés et pour les personnes en situation de handicap.
Il y a un point sur lequel le PLFSS ne fait pas l'impasse, et c'est tant mieux : il a trait aux contrôles effectués au sein des Ehpad, que le groupe LIOT soutient – de telles mesures font bien évidemment écho au scandale Orpea. Les établissements, quel que soit leur statut, privé lucratif, public ou associatif, ne doivent pas craindre les contrôles, au contraire ; ceux-ci sont en effet bien trop rares et trop administratifs. Il faudra s'assurer qu'ils sont effectivement conduits, alors qu'en dix ans, les effectifs des inspecteurs de l'action sanitaire et sociale des ARS ont diminué de près de 30 %.
Au-delà donc de l'indignation légitime, il est maintenant urgent de manifester une véritable volonté politique en donnant d'abord aux établissements, ensuite aux organismes de contrôle, les moyens de travailler. À nous de faire en sorte que de tels scandales ne puissent plus jamais se reproduire. En utilisant les moyens adaptés, nous pourrons alors revoir en profondeur le fonctionnement de nos établissements : nous pourrons mettre un terme au recours à l'intérim, humaniser l'accompagnement, élever notre niveau d'exigence, diminuer le reste à charge des résidents et soutenir les structures habilitées à l'aide sociale dans tous les territoires, afin de favoriser l'accès du plus grand nombre à des établissements de bonne qualité.
Nous le voyons bien, finalement : nous devons mener une réflexion plus large. Depuis plusieurs années, toutes les mesures relatives à l'autonomie ont été intégrées soit dans des textes relatifs à la dette sociale, soit dans le budget de la sécurité sociale ; c'est loin d'être satisfaisant. En effet, si les questions financières sont évidemment cruciales, les débats que nous devons avoir en la matière ne peuvent s'y résumer. Un tel sujet implique une réflexion collective à propos des moyens que notre société se donne pour garantir la dignité de chacun, à tous les âges de la vie ; il implique de déterminer ensemble ce que recouvre pour nous le risque dépendance. In fine, il faudra arrêter de cloisonner domicile et établissements, mais aussi vieillesse et handicap.
De handicap, il n'est d'ailleurs pas question dans ce projet de loi. Nous ne savons toujours pas si une loi dédiée à l'autonomie sera examinée au cours du quinquennat. Le Conseil national de la refondation comporte un volet dédié au grand âge, mais les rapports se sont empilés au cours de la précédente législature ; leurs recommandations sont connues et ont déjà été débattues. Le CNR « bien vieillir » ne doit pas être une énième concertation qui, comme les précédentes, ne serait pas suivie d'actes politiques majeurs. L'heure est à l'action, alors agissons !
Je parlais des absents de ce texte. Il y en a un que nous ne regrettons pas : c'est la réforme des retraites, bien sûr. Notre groupe s'était opposé à ce qu'elle soit traitée dans le présent projet de loi ; nous continuons d'appeler à la prudence. Ne nous précipitons pas, et ne nous enfermons pas dans de simples considérations budgétaires. La question de l'avenir du système des retraites et de son équilibre financier est indissociable de celle de la justice sociale et de la solidarité, et cela vaut d'ailleurs pour l'équilibre financier de notre système de protection sociale tout entier.
Nous ne nous exonérerons pas d'une réflexion profonde sur les efforts que nous sommes collectivement prêts à consentir pour garantir des ressources pérennes à la sécurité sociale. Mais encore une fois, une telle réflexion doit avoir pour boussole la justice sociale et la réduction des inégalités. Et pour cela, la question d'une contribution des plus favorisés, des grands groupes et des plus hauts revenus, doit être mise sur la table.
Je vous le disais, la déception, s'agissant du présent projet de loi, vient moins des mesures proposées que de tous les sujets qui ne sont pas abordés.